Quelle est la psychologie américaniste dans la crise des anti-missiles US en Europe?

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Un point important dans la crise des ABM en Europe (anti-missiles US en Pologne et en Tchéquie) est de connaître la réalité psychologique des Américains. Lorsqu’ils affirment que leurs ABM sont déployés contre de futurs missiles stratégiques iraniens en cours de développement, les Américains déguisent-ils leurs intentions? L’interprétation défavorable pour les USA, des sources les plus critiques, est que ces ABM sont en fait destinés à une défense contre des missiles russes.

Il est très difficile d’avoir une idée précise à propos de cette réalité psychologique, entre le conformisme officiel et des affirmations péremptoires concernant ce qui serait l’évidente et systématique duplicité US. On ne peut avancer que par interprétations, raisonnements indirects, analogies, etc. C’est ce que nous tentons de faire avec une déclaration de Robert Gates, rapportée par McClatchy Newspapers le 13 octobre, à bord de l’avion qui ramenait la délégation US après la rencontre de Moscou (échec) sur les ABM.

«Following contentious and unproductive encounters with Russian officials on Friday, Defense Secretary Robert Gates Saturday said he isn’t certain that Russia is interested in cooperating with the United States to defend Europe against Iranian missiles or whether Moscow simply wants to stop the U.S. from building missile defenses in Eastern Europe.

»Gates, who for years was one of the CIA's top experts on the former Soviet Union, said the U.S. and Russia disagree about how quickly Iran will acquire medium-range ballistic missiles that could reach targets in Europe.

»“They acknowledge the Iranians are seeking longer range missiles,” Gates told reporters en route home from Moscow. “But there’s a real disagreement about how soon that might happen. They talk in terms of 15 to 20 years, but my personal view is that's nonsense.”»

Ces déclarations signifient que l’appréciation de Gates, quoique présentée comme “personnelle”, est alignée sur celle du Pentagone selon lequel les Iraniens auront ces missiles dans 5 ans sans doute, au pire (pour les Iraniens) dans 10 ans. Robert Gates est un bon cas parce qu’il est la personnalité la plus modérée de l’administration GW Bush et la moins compromise dans les diverses manigances de cette administration. Précisément, il n’a pas été partie prenante dans l’actuelle phase de développement des anti-missiles US, et notamment dans les travaux d’évaluation de la menace iranienne. Sa conviction est pourtant affirmée de façon péremptoire puisqu’il qualifie d’“insensée” une évaluation de 15-20 ans pour l’éventuelle disposition de missiles à longue portée par les Iraniens. Il nous semble alors justifié d’avancer l’hypothèse que Gates ne fait dans ce cas que refléter le phénomène de “group-thinking” détaillé à une autre occasion, pour le cas des ADM de Saddam, par John Hamre, qui en fut lui-même victime.

Le caractère très particulier de cette situation psychologique du “group-thinking” qui est un facteur constitutif du virtualisme est l’absence totale de référence à l’expérience. On ne peut donner à Gates comme argument pour qu’il doute des évaluations du Pentagone le précédent des ADM. (John Hamre est d’ailleurs, lui aussi, convaincu que les Iraniens auront des missiles stratégiques dans 5 ans, au plus tard dans 10 ans, malgré son propre constat qu’il a été victime du phénomène de “group-thinking” pour les ADM inexistants de Saddam.)

Notre estimation est que le cas des anti-missiles US en Europe est pour l’instant lié à une évaluation convaincue et nullement distordue pour les besoins de la cause de l'existence de missiles iraniens pour 2012-2017. Cette sincérité dans l’acceptation aveugle, au nom de la croyance dans les processus d’évaluation du système US, d'une évaluation évidemment douteuse des capacités iraniennes est ce qui rend improbable, sinon impossible, une entente américano-russe. Pour le cas US, et sans écarter d’autres cas, il y a une conviction et une ingénuité complète dans la position tenue face aux Russes. Ainsi les Américains ne peuvent-ils réellement comprendre les préoccupations pourtant légitimes des Russes. De leur côté, les Russes peuvent évidemment être conduits à soupçonner les Américains de manigances dont ces mêmes Américains ne sont peut-être pas nécessairement les coupables conscients.


Mis en ligne le 14 octobre 2007 à 16H48