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5718• Quelques observations et un récit furieux des événements qui entourent et marquent l’historique rencontre de Moscou : les trois jours du président Xi dans la capitale russe avec Poutine. • Avec un texte de M.K. Bhadrakumar.
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Quelques jours ? A peine trois jours... Mais pour une visite d’un chef d’État du format du Chinois Xi, à un chef d’Etat du format du Russe Poutine, cela a une sacrée signification. La délégation chinoise est d’une dimension « colossale », nous dit Alexander Mercouris, commentant cette visite de trois longs jours qui rend les américanistes-fous complètement dingues.
Xi arrive à Moscou avec une nouvelle (la troisième) nomination à la plus haute fonction qui fait de lui le plus puissant dirigeant chinois depuis Mao et Xiaoping... Avec une réforme qui renforce la centralisation du pouvoir, un nouveau ministre des affaires étrangères à la rhétorique antiaméricaniste dévastatrice, un général qui a fait sa carrière dans la coopération avec la Russie (intégration dans les forces armées des chasseurs Soukhoi, des S-400, etc.) comme nouveau ministre de la défense, des déclaration extrêmement fermes sur Taïwan, des succès diplomatiques éclatants (le rapprochement Arabie-Iran), – tout cela et d’autres choses de la même sorte conduisent l’analyse de Mercouris à des extrêmes politiques qui ne sont nullement sollicités...
«... Je suis sûr bien entendu que du point de vue chinois, cette visite à Moscou est faite pour verrouiller l’alliance avec Moscou dans un cadre global... Bien sûr ils vont signer divers accords bilatéraux mais il faut surtout voir que toutes ces initiatives et innovations chinoises, y compris cette longue visite à Moscou, il faut voir que tout cela constitue un tout, un ensemble indiquant que la Chine se prépare à une confrontation majeure avec les États-Unis... »
C’est une véritable “mobilisation” chinoise, mais elle ne tombe pas au milieu d’un paysage apaisé. Les Russes ont déjà mobilisé et montré qu’ils haussaient le ton, dans tous les sens, que ce soit en faisant basculer un ‘Reaper’ dans la profonde Mer Noire ou en incitant Poutine à décider peu après avoir appris son “inculpation” par le TPI, – “quelle coïncidence”, dit Holmes à Watson, – une visite impromptu dans le Donbass venant de Crimée. D’autres encore ne s’y trompent pas davantage.
Il y a un vent de fronde et de révolte qui gronde. Nous qui lisons régulièrement Bhadrakumar depuis si longtemps (première référence dans notre moteur-chercheur au 7 juin 2006), nous n’avons jamais, au grand-jamais, distingué chez ce non-moins distingué diplomate indien un langage aussi furieux pour parler de quelques grands acteurs de la vie internationale. Quelques extraits pour mesurer la colère et le mépris que le vieux sage indien ne veut plus dissimuler pour qualifier leurs insupportables agissements : c’est une indication de détails, mais comme l’on sait, – « Le diable est dans les détails », comme disent les gens de la clique, – et « le bon Dieu se cache dans les détails », ripostent les Français du temps d’avant, du temps où ils étaient supportables...
« ... ne peut être considéré que comme un coup de pub mené par la clique anglo-saxonne, les États-Unis en tête. »
« Ce jet de boue contre Poutine est une nouvelle manifestation de la haine viscérale du président Biden... »
« Mais la mémoire vieillissante de Biden lui fait à nouveau défaut. »
« la destruction, coup après coup, du système des Nations unies par la clique anglo-saxonne, ces dernières années. »
« ...la clique anglo-saxonne craint que la Chine n’apporte une nouvelle surprise. »
Il n’y a rien de vraiment nouveau dans tout cela, mais simplement nous reprenons notre souffle le temps de cette historique visite pour considérer la tonalité des choses, l’exacerbation des esprits, l’humeur furieuse qui nous étouffe, et surtout l’ampleur formidable et cosmique de l’événement d’au-delà de notre contrôle qui ne cesse d’ébranle le monde depuis des mois et des mois. Les extraordinaires agitations qui secouent frénétiquement les américanistes-dingues devenus complètement fous ne font que souligner la puissance et l’autorité qui se dégagent de cette rencontre de “quelques jours” à Moscou.
‘Ukrisis’ a atteint sa vitesse de croisière. C’est le monde entier qui subit l’ébranlement de la formidable GrandeCrise atteignant sa maturité. Le récit qu’en fait Bhadrakumar (original du 19 mars, traduction du ‘Sakerfrancophone’ le 20 mars) l’illustre avec précision et sur le rythme qui convient à un tel événement.
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Le mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale à l’encontre de Vladimir Poutine ne peut être considéré que comme un coup de pub mené par la clique anglo-saxonne, les États-Unis en tête. Ironiquement, la CPI a agi à la veille du 20e anniversaire de l’invasion anglo-saxonne de l’Irak en 2003, qui a donné lieu à d’horribles crimes de guerre, mais les « juges » de La Haye dormaient sur leurs deux oreilles à cette époque-là. Washington et Londres admettent aujourd’hui que l’invasion de 2003 était illégale et qu’elle reposait sur de fausses allégations à l’encontre de Saddam Hussein.
Il n’y a évidemment aucune chance que le mandat de la CPI soit un jour pris au sérieux. La CPI n’est pas compétente en Russie qui, comme les États-Unis, n’est pas signataire du Statut de Rome. Mais l’intention est tout autre.
Ce jet de boue contre Poutine est une nouvelle manifestation de la haine viscérale du président Biden envers le dirigeant russe, qui remonte à une joute à Moscou il y a plus de dix ans, lorsque Poutine l’avait brusquement réprimandé, et il est programmé pour détourner l’attention de la visite d’État du président chinois Xi Jinping à Moscou lundi, un événement qui non seulement présente des aspects spectaculaires, mais qui ne manquera pas d’intensifier le partenariat « sans limites » entre les deux superpuissances.
La clique anglo-saxonne observe avec consternation les discussions qui se tiendront demain à Moscou. Il semble certain que Moscou et Pékin ont décidé de faire front commun pour enterrer l’hégémonie américaine.
Aujourd’hui, la Chine dépasse la capacité de production combinée des États-Unis et de leurs alliés européens et, de même, la Russie est devenue le plus grand État nucléaire du monde, supérieur aux États-Unis en termes de quantité et de qualité de l’armement.
L’esprit américain a compris que la Russie ne peut être vaincue en Ukraine. Selon un rapport de ‘Politico’, l’OTAN se trouve dans une situation coincée. Des investissements massifs sont nécessaires pour rattraper l’industrie de la défense russe, mais les économies européennes en difficulté ont d’autres priorités essentielles : survivre et lutter contre l’agitation sociale croissante.
L’idée de vaincre la Russie dans une guerre par procuration avec leurs « sanctions infernales » s’est révélée illusoire. Ce sont les banques américaines qui s’effondrent, ce sont les économies européennes qui sont menacées de stagnation.
L’exaspération des États-Unis est évidente vue la mission top secrète du drone MQ-9 Reaper près de la péninsule de Crimée le 14 mars. Les drones américains Global Hawk ont été régulièrement repérés au-dessus de la mer Noire ces dernières années, mais ce cas est différent.
Le transpondeur du Reaper a été désactivé alors qu’il s’approchait du régime temporaire russe pour l’espace aérien, établi aux fins de l’opération militaire spéciale près de la péninsule de Crimée (que Moscou avait dûment notifié à tous les utilisateurs de l’espace aérien international conformément aux normes internationales).
En l’occurrence, les chasseurs russes Su-27 ont déjoué les plans du Reaper, qui a perdu le contrôle de l’appareil et a coulé dans la mer Noire. Moscou a décerné des distinctions d’État aux deux pilotes qui ont conduit le Reaper au fond de la mer.
L’ambassadeur russe à Washington a depuis prévenu que si Moscou ne cherchait pas l’escalade, toute attaque délibérée contre un avion russe dans un espace aérien neutre serait interprétée comme « une déclaration de guerre ouverte à l’encontre de la plus grande puissance nucléaire ».
Si les États-Unis avaient planifié l’incident du drone pour tester la réaction de la Russie, cette dernière a donné une réponse sans ambiguïté. Et tout cela s’est déroulé dans la période précédant la visite du président Xi.
Depuis, Biden a répliqué en se félicitant du mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Poutine, déclarant qu’il était « justifié… (et) qu’il constituait un argument de poids ». Mais la mémoire vieillissante de Biden lui fait à nouveau défaut. En effet, la position américaine déclarée sur la CPI est que Washington non seulement ne reconnaît pas la juridiction de la CPI, mais que si un ressortissant américain est arrêté ou traduit devant la CPI, Washington se réserve le droit d’utiliser la force militaire pour sauver le détenu !
En outre, Washington a menacé de représailles tout pays qui coopérerait avec un mandat de la CPI à l’encontre d’un citoyen américain. L’administration de George W. Bush a déclaré catégoriquement que c’était là la politique des États-Unis à l’égard de la CPI, dans le contexte des horribles crimes de guerre commis par la clique anglo-américaine en Irak, et les États-Unis n’ont jamais changé d’avis à ce sujet.
Par ailleurs, la CPI n’a pas été saisie par le Conseil de sécurité ou l’Assemblée générale des Nations unies. Alors, qui a organisé ce mandat d’arrêt ? La Grande-Bretagne, qui d’autre ? Les Britanniques ont intimidé les juges de la CPI, qui sont très vulnérables au chantage, car ils perçoivent des salaires mirobolants et seraient prêts à faire des avances au diable si cela leur permettait d’obtenir une prolongation de leur mandat à La Haye. Il s’agit là d’un nouvel exemple de la destruction, coup après coup, du système des Nations unies par la clique anglo-saxonne, ces dernières années.
L’incident du drone et le mandat d’arrêt de la CPI alourdissent l’atmosphère pour gêner tout dialogue entre Moscou et Kiev. De toute évidence, la clique anglo-saxonne craint que la Chine n’apporte une nouvelle surprise, comme elle l’a fait en jouant le rôle de médiateur dans le récent accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
Le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Wang Wenbin, a déclaré vendredi que la visite de Xi visait en partie à promouvoir la « paix ». Pékin a déjà publié un “plan de paix” pour l’Ukraine, un programme en 12 points pour « une résolution politique de la crise ukrainienne », qui se trouve sur le bureau de Zelenski à Kiev, bien que l’Occident ait soigneusement choisi de l’ignorer.
Lors d’un appel téléphonique jeudi, le ministre chinois des affaires étrangères, Qin Gang, a déclaré à son homologue ukrainien, Dmytro Kuleba, que Pékin espérait que « toutes les parties resteraient calmes, rationnelles et modérées, et reprendraient les pourparlers de paix dès que possible ».
Selon le communiqué chinois, M. Kuleba a discuté de « la perspective de pourparlers de paix […] et a noté que le document chinois sur le règlement politique de la crise ukrainienne montre sa sincérité dans la promotion d’un cessez-le-feu et d’une fin au conflit ». Il a exprimé l’espoir de maintenir la communication avec la Chine.
Sans surprise, Joe Biden est paranoïaque quant à la volonté de la Chine de servir de médiateur entre Moscou et Kiev. Le fait est que Zelenski et lui sont pris dans une étreinte mortelle : l’affaire de corruption impliquant les activités de Hunter Biden à Kiev pèse comme une épée de Damoclès sur la carrière politique de son père, tandis que Zelenski lutte lui aussi pour sa survie politique et ose de plus en plus agir de son propre chef.
Faisant fi des doutes occidentaux quant à la sagesse de tenir la ville de Bakhmut, sur la ligne de front, dans le Donbass, Zelenski s’enfonce et maintient une défense d’usure qui risque de s’éterniser. (Politico)
Manifestement, Biden se comporte comme un chat sur un toit de tôle brûlante. Il ne peut ni laisser partir Zelenski, ni se permettre de s’enfermer dans une guerre sans fin en Ukraine, alors que le détroit de Taïwan l’appelle à un plus grand destin.
La position de Pékin s’est visiblement durcie ces derniers temps et le mépris que les États-Unis ont déversé sur la fierté nationale chinoise en abattant son ballon-sonde n’a fait qu’exacerber la méfiance. De même, le nadir a été atteint pour la Russie avec la provocation du drone Reaper et l’escroquerie de la CPI.
Xi a choisi la Russie pour sa première visite à l’étranger au cours de son troisième mandat, malgré la guerre en Ukraine. En annonçant la visite de Xi en Russie, le ministère chinois des affaires étrangères a déclaré : « Alors que le monde entre dans une nouvelle période de turbulences et de changements, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et puissances importantes, la signification et l’influence des relations Chine-Russie dépassent largement le cadre bilatéral. »
Une fois de plus, Joe Biden pensait qu’il mettait Poutine au pied du mur avec le coup du drone et l’escroquerie de la CPI. Mais Poutine a répondu avec une nonchalance ironique, choisissant hier d’effectuer sa toute première visite dans le Donbass.
Poutine a visité Marioupol, la ville portuaire qui a été âprement disputée par les agents de l’OTAN en collaboration avec la brigade néo-nazie ukrainienne, et a conduit un véhicule le long des rues de la ville, s’arrêtant à plusieurs endroits et surveillant les travaux de reconstruction. Il s’agit d’un signal de défi adressé à Biden pour lui signifier que l’OTAN a perdu la guerre.