Qu’est-ce donc qu’a dit Medvedev ?

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Qu’est-ce donc qu’a dit Medvedev ?

2 août 2024 (08H00) — Le Russe Dimitri Medvedev a fait hier un commentaire-Telegram sur la situation au Moyen-Orient, observant qu’on ne pourrait arriver à une situation de paix qu’après une guerre. Il y a certains pour s’en réjouir secrètement, d’autres pour s’en défier en critiquent Medvedev comme le fait Andrew Korybko (voir plus loin), mais tous font cela en croyant que Medvedev souhaite la guerre, – c’est-à-dire parle subjectivement en énonçant une politique russe. Notre perception (je prends le “nous professionnel, mieux apte à traiter de notre sujet) est qu’on peut aussi bien, sinon mieux le comprendre comme parlant d’une façon objective sans que lui-même s’en avise nécessairement ou expressément, d’où notre emploi du mot “observant” (“observant qu’on ne pouvait...”, etc.).

Repris par RT.com, voici :

« Jeudi, sur sa chaîne Telegram, Medvedev, qui occupe désormais le poste de vice-président du Conseil de sécurité de la Russie, s'est exprimé sur l'escalade des tensions entre Israël et l'Iran, ainsi que sur leurs partenaires et alliés dans la région et au-delà.

» “Le nœud se resserre au Moyen-Orient. Nous sommes désolés pour les vies innocentes perdues. Ils ne sont que les otages d'un État répugnant : les Etats-Unis”, a déclaré M. Medvedev, ajoutant qu’“il est clair pour tout le monde qu'une guerre à grande échelle est le seul moyen de parvenir à une paix précaire dans la région”.

» Ces commentaires font suite à l'assassinat du chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, lors d'un tir de missile [ou de drone] dans la capitale iranienne, Téhéran, mercredi. Le Hamas a accusé Israël d'avoir orchestré l'attaque et a prévenu qu'il “paierait le prix” de ce “crime odieux”. »

On reprend ici la conclusion du texte de Korybko critiquant rudement Medvedev pour ses affirmations soi-disant irresponsables qui feraient croire que la politique russe est de favoriser la guerre au Moyen-Orient, notamment entre Iran et Israël. Le ton est assez agressif à l’encontre de Medvedev, et Korybko s’appuie pour justifier son jugement sur une déclaration extrêmement apaisante du porte-parole adjoint du ministère des affaires étrangères, que résume le début de la citation.

« Très clairement, si la Russie s'attend à ce que l'Iran riposte, elle espère que sa réponse n'entraînera pas une escalade de la guerre régionale par procuration israélo-iranienne de facto au point d'aboutir à une “destruction mutuelle assurée”. On est loin des jugements bellicistes de Medvedev, qui a littéralement appelé à une “guerre totale” comme étant “le seul moyen de parvenir à une paix précaire”. Quelle que soit son intention en postant un tweet aussi provocateur, il risque d'alimenter la propagande antirusse en étant déformé par les adversaires de son pays comme une supposée “preuve du bellicisme russe”.

» Malgré cela, il continuera probablement à jouer le rôle de soupape de pression ultranationaliste dans son pays et parmi les partisans de la Russie à l'étranger, car cette fonction reste importante pour la gestion de la perception. Il est toujours possible que son recours à la “théorie du fou” effraie certains décideurs politiques occidentaux et les fasse reculer dans leurs projets, tout en réjouissant les membres de la communauté des médias alternatifs qui fantasment régulièrement sur la défaite de leurs ennemis géopolitiques. »

La réaction de Korybko est typique d’une approche faite de rationalité diplomatique. Ce n’est pas pour cela que les acteurs de la crise, dont le comportement de certains est au-delà de toute rationalité et plongé dans un complet mépris pour la diplomatie, se rendront à la raison et à la diplomatie.

Korybko manque donc de réalisme alors que nous jugerions que la déclaration de Medvedev, plutôt qu’être prise pour belliciste, fait (malheureusement, on le conçoit) beaucoup plus preuve de réalisme. On observera, objectivement là encore, que le soi-disant “belliciste” a des paroles d’une rare humanité et d’une rare intelligence, que la rationalité diplomatique face au déchaînement de la violence aveugle du type américaniste-occidentaliste montre assez rarement :

« ...Nous sommes désolés pour les vies innocentes perdues. Ils ne sont que les otages d'un État répugnant : les Etats-Unis”

Nous irions même décidément plus loin dans notre démarche en observant (!) que, peut-être sans le vouloir explicitement, Medvedev a livré une des plus terribles et inévitables réalité qui nous attend, et qui est l’explication fondamentale de l’actuel déroulement des événements : la nécessité d’un événement de rupture pour faire cesser cette course folle au simulacre, qui permet à tant d’acteurs totalement hors de contrôle de s’exonérer de tout devoir moral et humain. Nous nous trouvons dans de grandes difficultés de trouver un autre événement réaliste qu’une grande guerre pour nous fournir cet “événement de rupture”, – et s’il y en a, alors c’est que les dieux veillent sur nous et nous préparent une surprise à leur façon. Comme on l’a souvent répète et parce que j’ai parfois des confidences des dieux, j’espère que cet “événement de rupture” viendra de l’Amérique et de son effondrement, qui produiraient un choc largement équivalent à celui d’une grande guerre ; et je sais, moi, – je me répète, – que les dieux le savent bien...

Quoi qu’il en soit et puisqu’il ne pense pas à aborder cette autre possibilité, ou bien qu’il la trouve tellement irréaliste, on doit convenir que Medvedev définit d’une façon symbolique la situation qui bloque aujourd’hui l’accomplissement de la GrandeCrise, et par conséquent la voie inévitable selon ce que nous pouvons concevoir pour sortir de ce blocage.

Cela n’est ni glorieux ni rassurant de constater cela et d’énoncer ce que nous considérons, – ce que je considère moi-même avec force comme un constat objectif. Il faut avoir une sorte de “foi” pour espérer autre chose, – et ma foi, peut-être l’ai-je effectivement, cette “foi”, et qu’elle porte le programme de l’effondrement de l’Amérique qui est la voie royale vers le ‘Delenda est Systema’.