Qu’est-ce que l’Allemagne va faire de son Pussy Riot ?

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Qu’est-ce que l’Allemagne va faire de son Pussy Riot ?

Autour du procès et de la condamnation des trois jeunes femmes russes du groupe Pussy Riot, il y a eu de nombreuses “actions” du domaine dans le monde extrêmement civilisé du bloc BAO, en signe de solidarité et d’activisme postmoderniste. Ce fut le cas dans la cathédrale de Cologne (voir Russia Today, le 20 août 2012), où trois jeunes gens, – deux du sexe masculin et un du sexe féminin, – accomplirent une performance équivalente à celle des Pussy Riot en février. Les trois personnes ont été arrêtées et inculpées.

On voit, dans ce texte de Novosti du 24 août 2012 (relayé par Strategic-Culture.org), que ces trois personnes risquent une condamnation de trois ans de prison et que l’affaire semble devoir être sérieuse. Ce qui est essentiellement intéressant, selon ce texte, c’est la réaction extrêmement vive de l’autorité religieuse, le doyen de la cathédrale de Cologne, indiquant probablement que la hiérarchie catholique allemande serait inclinée à prendre une attitude ferme dans cette affaire.

«Three copycats of Russian female punk group Pussy Riot may face three years in prison after the Catholic Church pressed charges against them, thelocal.de news website reported on Thursday. The trio, who disrupted a service in Cologne Cathedral on Sunday, may be jailed for longer than the band they support if a court charges them and finds them guilty.

»According to the Frankfurter Rundschau publication, two young men and a young woman wearing balaclavas - similar to ones Pussy Riot wore during their blasphemous action in Moscow’s central Christ the Savior Cathedral in February - tried to disrupt a divine service. [...] “The peace of Cologne Cathedral was disturbed - we can't and won't accept this,” Robert Kleine, the cathedral's dean, was quoted by thelocal.de as saying in Frankfurter Rundschau. “The right to demonstration cannot be set above the right to religious freedom and the religious feelings of the congregation,” he said.

»The three unnamed activists could now be prosecuted for breach of the peace and disrupting the free practice of religion, which is punishable by a maximum prison sentence of up to three years, or a fine. A Berlin man was sentenced to nine months in prison in 2006 when he disrupted a service on German Unity Day.»

Dans l’affaire Pussy Riot, il a été largement montré que le groupe semble avoir des connexions, directes ou indirectes, avec les organisations frontistes US qui se sont chargées de développer ce que nous nommons l’“agression douce”, qui est cette tactique de subversion de la société civile développée essentiellement dans le cas de la Russie. (On peut notamment consulter l’article de Daniel McAdams, sur LewRockwell.org, le 17 août 2012, qui renvoie lui-même à plusieurs textes permettant d’assembler une très solide documentation sur ce cas.) Cela correspond d’ailleurs au seul but politique discernable du groupe, qui est d’attaquer le gouvernement Poutine et la structure d’autorité actuellement en place en Russie (y compris l’église orthodoxe, bien entendu). Une approche plus nuancée dans ce sens de cette affaire est plutôt de voir dans les jeunes femmes du groupe Pussy Riot des dupes de leur manipulation par les différents organisations frontistes US, quant aux résultats obtenus pour elles-mêmes ; ainsi la notion de “naïveté” des jeunes femmes du groupe, comme d’ailleurs de la plupart des opposants à Poutine de tendance pro-BAO, apparaît-elle dans le jugement de Paul Craig Roberts (le 22 août 2012) : «Pussy Riot, The Unfortunate Dupes of Amerikan Hegemony… My heart goes out to the three Russian women who comprise the Russian rock band, Pussy Riot. They were brutally deceived and used by the Washington-financed NGOs that have infiltrated Russia…» (Sur les opposants pro-BAO au régime Poutine, on peut lire le texte du 27 juillet 2012, qui mentionne l’analyse du journaliste Tim Kirby sur cette fraction de l’opposition russe, complètement manipulée par l’“agression douce” : «[Their] viewpoint is basically a skewed naive copy of Western Liberalism.»)

Dans ce cadre précisé qui est celui de la Russie spécifiquement, on comprend parfaitement le schéma potentiel de l’opération avec ses buts politiques, habituels désormais avec les diverses organisations frontistes US, qui sont résumés par les mots “déstabilisation”, “déstructuration” et “dissolution”. Par contre, ce but ne s’étend évidemment pas aux structures d’autorité en place dans les pays du bloc BAO, et notamment l’Allemagne pour le cas qui nous occupe. Les réactions à la condamnation de Pussy Riot ont effectivement amené diverses manifestations comme celle de Cologne, mais celle-ci étant manifestement la plus grave. Du coup, divers prolongements ambigus, voire contre-productifs apparaissent. (Bien entendu, les organisations frontistes US qui agissent contre la Russie ne se préoccupent aucunement de ces prolongements et de ces retombées. Ce n’est en rien leur travail et encore moins dans leur capacité d’une évaluation responsable. La compartimentation régnant à l’intérieur de l’ensemble remarquablement fragmenté lui-même de la communauté de la sécurité nationale US ne les conduit aucunement à envisager leurs actions dans le cadre le plus large, disons un cadre “responsable”, y compris avec des conséquences problématiques pour le bloc BAO.)

Le cas est intéressant ici, au travers de cette affaire de la cathédrale de Cologne, car c’est bien la première fois d’une façon aussi visible dans l'histoire de l'“agression douce” type podstmoderniste, qu’on observe un effet pervers direct vers le bloc BAO, type “blowback” mais largement modifié, d’une opération antirusse. Ce qui est surtout remarquable, à cet égard, c’est la réaction extrêmement ferme de la direction de la cathédrale de Cologne, avec les conséquences probables au niveau juridique et politique. De ce qu’on peut observer, il semble que la hiérarchie de l’Eglise catholique allemande considère plus l’incident de Cologne, dans ses effets inévitables, comme une attaque contre l’Église et les croyants que comme une manifestation politique de solidarité avec Pussy Riot. (Une telle manifestation de solidarité pouvait se faire dans un lieu public neutre, comme lors d’une manifestation de rue, comme cela a été le cas dans diverses occasions.) Si l’affaire conduit à un procès et à un verdict sévère, comme cela est possible, comme l’ont montré des précédents, deux points seront alors mis en lumière : 1) que la réaction russe n’est pas spécifique à la Russie et à un régime politique critiqué, mais bien qu’elle entre dans un schéma normal dans le cas de cette sorte de délit ; 2) que cette réaction russe concerne d’abord le domaine général des agressions déstructurantes que subissent certaines institutions, notamment les Églises, et cela en dehors de toute spécificité (celle de l’Église, celle du pays où se produit l’acte, etc.).

On voit là un cas intéressant où l’action antirusse et anti-Poutine soutenue par des organisations frontistes US d’“agression douce” engendre des conséquences éventuellement inattendues. L’interprétation devient alors différente, voire pas loin d’être invertie. L’action d’“agression douce” émanant d’organisations du bloc BAO se transforme, d’une intention politique et subversive antirusse en un climat déstructurant affectant toutes les structures en place, y compris certaines qui font partie de l’équilibre des pays du bloc BAO. Des actions subversives en Occident en apparence de même type ont existé (par exemple, pendant les années 1970 et 1980 en Europe, surtout en Italie, en Belgique, voire en Allemagne, avec la manipulation de groupes terroristes d’extrême droite et d’extrême gauche par des groupes clandestins US ou OTAN, type Gladio) ; mais elles avaient le but spécifique en Europe occidentale de tenter de “durcir” les gouvernements de ces pays d’Europe occidentale, voire de favoriser l’institution de régimes autoritaires, donc elles n’étaient ni à finalité déstructurante ni, surtout, dissolvante. Ce n’est absolument pas le cas ici, où le résultat peut être objectivement très défavorable pour les manipulateurs initiaux en touchant un électorat (catholique dans le cas allemand) dans un sens hostile aux actions de type Pussy Riot qui sont aussi bien “justifiées” pour leurs auteurs au sein du bloc BAO qu’en Russie, mais aussi, dans un sens hostile à ceux qui les manipulent, qui sont bien identifiés. Il y a aussi la position des Églises, et notamment d’une Église catholique qui est dans une position délicate pour le cas qui nous occupe, vivant au cœur d’un régime (le bloc BAO, le Système) dont les effets sont dévastateurs et affreusement déstructurants et dissolvants, et dont elle pourrait observer qu’elle-même pourrait être directement touchés par ces effets, par la voie des manigances diverses qu’on décrit. Cette Église pourrait alors évoluer vers la position de l’Église orthodoxe, qui est de plus en plus en plus en position de résistance et de combat contre les actions déstructurantes et dissolvantes, donc aux côtés de l’autorité politique russe.

On observe alors que le schéma général peut évoluer dans des directions surprenantes. La notion éventuelle de concurrence entre les Églises s’efface devant l’appréhension d’un mouvement athéiste extrémiste, de type nihiliste voire sataniste plus encore qu’anarchiste, par définition sans frontière ni but politique structuré. Cela conduirait à alerter les diverses autorités ecclésiastiques et communautés religieuses, y compris aux USA. Or, certaines de ces communautés religieuses aux USA sont politiquement très à droite, et une des principales clientèles des neocons, qui sont fortement derrière les mouvements de déstabilisation type “agression douce”. On parvient ainsi au cercle complet, de type extrêmement vicieux bien sûr, que ménage l’absence totale d’une vision de responsabilité de l’enchaînement de ces “agressions douces” ; ces agressions évoluent au nom du Système et favorisent des actions dans un premier temps favorables au Système, puis avec des effets antiSystème, vers des institutions et des communautés occupant une place dans le Système, pouvant elles-mêmes envisager des réactions de défense qui auraient une composante antiSystème et ainsi de suite. La dynamique déstructurante et dissolvante n’a pas de frontières, ni de sens par définition ; elle tourbillonne, justement de façon chaotique, bien plus quelle n'évolue en ligne droite ; elle suscite par conséquent des dynamiques de chaos frappant dans tous les sens. Ce n’est même plus un effet “blowback” qui suppose des positions bien définies des acteurs impliqués, mais un effet au-delà de l’effet “blowback” puisque l’action conduite est moins celle de l’attaque politique contrôlée que celle de l’attaque du chaos, par définition incontrôlable. Le facteur dominant est l’absence totale de responsabilité dans l’appréciation des actes type “agression douce” dans tous leurs effets ; c’est une faiblesse redoutable dès lors que la cible initiale est une masse politique, sociale et culturelle de la puissance de la Russie qui donne à l'agression une dimension universelle, et que la réaction manipulée du système de la communication également massive peut de ce fait échapper à l’orientation précise du départ.


Mis en ligne le 25 août 2012 à 06H16