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1838Nous avons développé un intérêt particulier pour le “lien” négatif établi par Joseph Stiglitz et Linda Bilmes dans leur livre The Three Trillion Dollar War entre le coût de la guerre en Irak et la situation économique (crise) aux USA. Le site de McClatchy Newspapers a installé une rubrique “Ask a Question” entre le 1er et le 15 avril, ouverte à ses lecteurs pour des questions adressées à Stiglitz-Bilmes. Cette rubrique permet d’obtenir d’intéressantes précisions sur divers aspects du travail des deux économistes sur le coût de la guerre. Nous avons choisi trois questions et leurs réponses, en date du 4 avril, portant spécifiquement sur ce “lien” guerre-situation US et sur les causes de ce “lien”.
«Question: We know that military spending in the late 1930's and 1940's helped bring the nation out of the great depression. Why hasn't the current tremendous spending on Iraq had an equivalent effect on our economy? It seems like there's no war-spending bump at all. (Submitted by Thomas Owen from Crescent City.)
»Answer: Unlike WWII, the Iraq was has had a net negative effect on the economy. This is for several reasons. First, the money that we spend every month goes largely to operational costs (fuel, laundry, cooking, transportation, repairs ) much of which is performed by sub-contractors from the Phillipines, Nepal and other countries. So in effect, the dollars spent do not have any positive return for the US economy. Second, because we have borrowed all the money to fight the war, largely from abroad, we have added to the deficit and to the national debt, which means we have to pay more interest and adds a burden onto the economy. Third, the war has contributed to the increase in oil prices, which of course take money out of the hands of consumers, and lower business margins, and transfer it to the oil producers. (Answered 04/04/08 12:59:08 by Linda Bilmes.)
»Question: who should get the blame for this? (Submitted by Jim Franck from Gleneden Beach, Or.)
»Answer: There are three major mistakes that have been made. First, the decision to invade Iraq in the first place. The Administration bears the responsibility for that decision. Second is the way we have chosen to pay for the war – entirely by borrowing the money in “emergency” supplemental appropriations, that permit little oversight, and choosing not to pay by cutting spending, raising taxes, selling war bonds, etc. For this, we are probably all to blame – the Congress and the Administration has done it together, and we the public have not spoken out sufficiently strongly in protest. Third, there is the manner in which the war has been waged, including the strain on our troops, the use of involuntary extensions such as ''stop-loss'', the appalling treatment of many of our returning veterans, the failure to provide adequate body armor and MRAP vehicles for troops, the over-reliance on contractors, National Guards and reservists, the scanty Congressional oversight on how the war is being waged. There is plenty of blame to go around for this.... (Answered 04/04/08 12:54:18 by Linda Bilmes.)
»Question: How does the United States eventually pay off the debt, and at the same time maintain world leadership with a reasonable standare of living in the future? (Submitted by Dick Golob from Sunnyside, Wa 98944.)
»Answer: This is a good question. Recently we have not been paying off our debt – simply borrowing more to pay off the interest. This is the equivalent of taking out a second credit card to pay off the minimum payment on the first one, and so forth. People feel that they have enjoyed a “tax cut” in recent years, but really we have just taken out a loan that we've been spending. Personally I believe that if our leaders had levelled with the public at the outset – and explained that we had a choice of a “tax cut” paid for by borrowing money from China or a lower deficit and no “tax cut” – I think the outcome would have been different. At this juncture, we will be forced to eventually raise taxes, fees, cut spending, restructure the defense budget and reduce entitlement benefits. Our children will bear much of the burden. (Answered 04/04/08 12:47:31 by Linda Bilmes.)»
Ces trois questions et leurs réponses permettent de dégager une appréciation plus générale des causes de ce phénomène radical: la guerre devenue un facteur négatif colossal pour l’économie des USA. C’est un retournement complet par rapport à la référence fondamentale du plus important précédent qui est celui du lien entre la Grande Dépression et la Deuxième Guerre mondiale. La guerre fut un facteur positif décisif pour parachever la sortie des USA de la Grande Dépression.
La situation est, dans le cas du lien (négatif) entre la guerre en Irak et la crise économique US, différenciée par deux facteurs fondamentaux:
• L’emploi massif du crédit et de toutes les techniques possibles de dissimulation et d’absence de contrôle des dépenses pour financer la guerre, de façon à ce que cette comptabilité n’influence pas la structure officielle des dépenses publiques des USA, et, par conséquent, ne semble pas peser sur la situation générale des USA. Ce n’est pas une guerre “au rabais” du point de vue du financement officiel mais une “guerre fantôme” du point de vue officiel. La structure des dépenses du Pentagone est très exemplaire de l'état d'esprit. Il y a eu, jusqu’en 2007, les dépenses “spécifiques” pour la guerre votées au coup par coup, détachées du budget “de fonctionnement” du Pentagone. (Cette méthode, supprimée en 2008, a eu l’effet supplémentaire d’introduire un formidable désordre dans la comptabilité d’un Pentagone déjà fameux pour son irresponsabilité comptable. L’absurdité, – ou l’hypocrisie c’est selon, – de séparer les “dépenses de la guerre” du reste, alors que toute la machine du Pentagone est engagée dans la guerre, a imposé un caractère complètement incontrôlable à toutes les dépenses de l’énorme Pentagone. Le caractère incontrôlable est aujourd’hui la marque structurelle propre du Pentagone. Ce “poste” budgétaire gigantesque évalué autour de $1.000 milliards par an est totalement hors de contrôle et ne permet plus, malgré son énormité, d’assurer les capacités nécessaires aux engagements de sécurité nationale des USA.)
• L’appel systématique à l’étranger et au secteur privé pour les fournitures de fonctionnement, voire d’activité de la guerre. Toutes ces dépenses ne participent pas directement et/ou d’une façon contrôlable aux dépenses publiques officielles US entrant dans le circuit économique général. C’est le produit d’une part d’une situation économique, parce que les USA sont devenus une économie de moins en moins productrice de biens; d’autre part, d’une illusion psychologique accordée à l’état d’esprit de la globalisation/américanisation qui suppose que the Rest Of the World est de facto intégré dans les perspectives de puissance des USA. Les dépenses US sont allées pour une part substantielle hors des USA et elles ont entretenu des économies extérieures à celle des USA.
Il n’y a pas un seul phénomène radical conduisant à une conséquence radicale (le “lien” guerre-situation économique devenu négatif, de solution de la crise devenant cause de la crise). Il y a une accumulation de tendances de type systémique qui reflètent la situation générale, qui ont été activées et renforcées dans un but politique et psychologique de dissimulation de la réalité américaniste pour créer une situation de type virtualiste.
Le but était de faire une guerre qui ne pesât pas sur la situation interne de la nation, selon la perception (juste) de la direction US que cette guerre n’était pas une “cause nationale” assez forte pour justifier un soutien matériel par une mobilisation de la nation, et que son introduction trop forte dans la vie intérieure des USA provoquerait une impopularité mortelle pour la guerre. Cette attitude était déjà esquissée durant la guerre du Vietnam. (Robert McNamara a estimé que l’une des causes essentielles de l’impopularité de la guerre du Vietnam fut qu’elle n’apparut jamais comme une “cause nationale” nécessitant une mobilisation nationale.) Cette leçon de la guerre du Vietnam fut, avec l’Irak, retenue mais a contrario, pour être poussée à son extrême dans un sens fautif. Le paradoxe est que la communication fut employée au maximum de sa puissance pour faire de l’Irak une guerre patriotique dans le cadre de la “grande” guerre contre la terreur (“cause nationale”, certes), mais en éliminant complètement le fardeau de cette démarche qui est la mobilisation de la nation. Non seulement aucune mobilisation ne fut imposée mais tous les aspects économiques de l’effort de guerre furent dissimulées, notamment par le biais du crédit et de l'endettement, pour que la guerre ne semble avoir aucun effet direct sur le “train de vie” de la population US. Si chaque mesure individuelle put sur le moment sembler habile et efficace dans ce sens, le résultat général est catastrophique et exactement inverse à cause des caractéristiques du système. Cet appel général à des canaux économiques alternatifs, au crédit et à une production extérieure US en est la cause. Le résultat est l’inverse de ce que la Deuxième Guerre mondiale avait provoqué: création ou accélération exponentielle de la crise au lieu de la résolution de la crise. La guerre en Irak est une guerre typique d’un système perverti qui engendre sa propre mise en question jusqu’à des effets suicidaires de sa logique.
Mis en ligne le 5 avril 2008 à 10H56