Qui se souvient encore des armes de destruction massive de Saddam? — une précision sur un cas déjà historique

Bloc-Notes

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 321

On se rappelle tout de même qu'ils partirent en guerre contre Saddam à cause de ses armes de destruction massive (ADM). Ils n’en trouvèrent aucune, malgré bien des recherches entêtées et spectaculaires. Diverses questions restent posées à ce propos. Les dirigeants US savaient-ils avec certitude que Saddam n’avait pas d’ADM? Certes, ils ont réalisé toutes les manipulations, mensonges, tromperies du monde pour nous y faire croire, ce qui montre leur duplicité incontestable. Pour autant et si l’on se réfère au climat de Washington, il n’est pas exclu qu’ils aient tout de même cru aux ADM de Saddam et qu’ils ne firent que fabriquer des arguments contestables et faussaires pour justifier une guerre qu’ils jugeaient juste et nécessaire sur le fond de l’argument. La duplicité cynique des moyens et des mœurs n’empêche pas la sincérité aveugle des convictions, surtout chez les idéologues type neocons; cela donne le mélange le plus explosif possible, où la bonne conscience autorise les actes les plus épouvantables.

Un aspect d’une interview publiée aujourd’hui par WSWS.org apporte une pièce intéressante au dossier des ADM. Il s’agit de l’interview d’un ancien Marine, Matt Howard, membre de Iraq Veterans Against the War. Howard, 26 ans, était conducteur de camion dans le 1st Tank Battalion du Marine Corps lors de l’invasion de l’Irak en mars-avril 2003. Il effectua un second tour opérationnel en Irak en 2004. Depuis, il a suivi l’évolution qu’on imagine et on le retrouve fermement du côté des anti-guerres.

Une partie de son interview introduit un récit intéressant concernant les ADM puisqu’il décrit comment, arrivant à Bagdad début avril 2003, là où les combats risquaient d’être les plus durs, là où d’éventuelles ADM risquaient d’être utilisées, l’autorisation fut donnée aux soldats d’ôter leurs tenues de protection chimique dont l’inconfort commençait à provoquer des malaises à cause de la chaleur…

«WSWS: What was the impact within the rank and file when no weapons of mass destruction were found?

»Matt Howard: We were questioning things way before then, you know, the guys on the ground know what’s up. There I was going to Baghdad and we’re being told about WMDs, we’re wearing full-on chemical suits because supposedly it was a very real threat. Then we got outside of Baghdad and here we are, about to enter the lion’s den where the fierce Republican Guard is waiting with supposed anthrax and VX and god knows what else and the intelligence command said ‘OK, everyone can now take off their chemical suits’. Don’t get me wrong, these things are incredibly uncomfortable, we were glad to have them off, but we’re like, wait a minute we’re about to enter Baghdad, the epicentre of this supposed weapons of mass destruction threat, and we’re being told to take off our chemical suits?

»So of course they knew there was no threat, they knew it from the beginning. The fact of the matter was that it was getting hot, and they were having heat casualties with these suits being donned on top of all their gear, so they just said take them off. So you know, we saw through those lies from the very beginning.»

Ces explications, qui sont inédites à notre connaissance, sont intéressantes. Elles ne tranchent pas le cas mais le rendent au contraire plus complexe. On comprend que Matt Howard aille à la conclusion que ses autorités militaires savaient qu’il n’y avait pas d’ADM ; mais élargir cette conclusion au cas général rend plus mystérieux le reste. Dans ce cas, la recherche officielle et massive d’ADM qui suivit l'invasion et dura plus d'un an, — pour ne rien trouver ! — deviendrait une incompréhensible manœuvre d’auto ridiculisation. Si les dirigeants US avaient tous su qu’il n’y avait pas d’ADM, s’ils avaient lancé cette recherche dans ces conditions, ils auraient dû préparer une manigance de plus (ils n’en étaient pas à une près) et faire “planter” des ADM US dans le décor en proclamant qu’ils avaient trouvé des ADM irakiens et que Saddam méritait bien sa correction. Cela était aisément faisable. Au contraire, la situation ainsi exposée n’a aucun sens: savoir qu’il n’y a pas d’ADM et lancer une recherche tonitruante qui exposera qu’il n’y a pas d’ADM… Pourtant, on n’a aucune raison de ne pas croire Howard et de ne pas croire qu’on ordonna aux Marines d’ôter leurs combinaisons anti-chimiques, ce qui implique bien l’idée d’une mascarade qu’on abandonne devant les dégâts causés par la chaleur.

D’intuition et d’expérience, nous proposerions l'hypothèse que la réponse se trouve dans les dédales de la bureaucratie et dans l’éclatement, le cloisonnement et la concurrence idéologique du pouvoir US. En d’autres mots: certains savaient qu’il n’y avait pas d’ADM et acceptaient la chose (ordonnant la fin de la mascarade des équipements anti-chimiques quand cela s’imposa); d’autres savaient mais ne croyaient pas à l’information; d’autres refusaient de savoir…

Allez savoir?


Mis en ligne le 10 septembre 2007 à 17H49