Quid des emplettes américaines (dont le JSF) des Européens?

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Quid des emplettes américaines (dont le JSF) des Européens?

28 septembre 2003 — Le Financial Times du 26 septembre publie la nouvelle selon laquelle la disposition surnommée Buy American Act a été laissée avec peu de modification dans la loi de finance du budget du Pentagone pour 2004. On se rappelle la controverse entourant cette disposition, venue du député républicain Duncan Hunter “découverte” en juin et aggravé depuis par d’autres rebondissements dans d’autres domaines, notamment celui, très important, du programme JSF. (Le programme JSF est directement concerné par la disposition venue du député Hunter.)

Voyons comment le FT nous rapporte l’affaire, en mettant nettement en accusation le Pentagone et Donald Rumsfeld.

« When Duncan Hunter, the new Republican chairman of the House armed services committee, inserted a provision into the annual Pentagon authorisation bill forcing the department to buy all essential weapons systems exclusively from US manufacturers — which would have to make all components with American machine tools — Donald Rumsfeld, defence secretary, struck back.

» “The provisions could produce a damaging reduction in the [Pentagon's] supplier base and cost the department and its US contractors billions of dollars to replace foreign-made machine tools,” Mr Rumsfeld wrote to Mr Hunter in July. He warned that the provision could drive up costs on its biggest and most ambitious programme — the international Joint Strike Fighter, of which the UK is the leading partner nation — by at least $4.5bn.

» Indeed, Mr Rumsfeld's opposition to the provision was so great that he threatened to recommend that President George W. Bush veto the bill if it were included in the final version. But in compromise language dated September 10 and obtained by the Financial Times — which people close to the negotiations said was a product of talks between Mr Hunter and Pentagon officials — much of the provision's measures remain.

» The bill forces the Pentagon to create a “military system essential item breakout list” — a catalogue of any component needed to make a weapon “perform its intended function” — and ensure that all of the items on the list are bought exclusively from US manufacturers. It does give the Pentagon wide waiver authority — allowing the defence secretary to give written permission to buy foreign parts if they are not available in the US, or if it is “in the interest of the national defence”. But such a waiver appears to be hugely complicated, forcing defence officials to give product-by-product approval to buy components from overseas manufacturers.

» The language also sets up a “defence industrial base capabilities fund”, which the Pentagon is to use for “enhancing or reconstituting” industries and sectors where the US currently buys overseas parts. Although it does not appropriate any money to the fund, it forces the Pentagon to report annually on whether it has been used. »

Quelques remarques après avoir constaté qu’avec cette administration, comme devrait le dire un adage créé pour la circonstance, le pire est toujours le plus probable.

• L’engagement de l’administration au soutien de la coopération transatlantique est proche de zéro, derrière toute la rhétorique servie. Quelle est la cause de l’attitude de Rumsfeld dans cette affaire ? Une simple chose : le Rumsfeld de fin juin (quand on a découvert la disposition Hunter) n’est pas le Rumsfeld de septembre. Le secrétaire à la défense a vu sa position s’affaiblir radicalement, notamment au Congrès, à cause de l’Irak. Rumsfeld ne veut pas compromettre, dans ces circonstances, les relations du Pentagone avec un député puissant (Hunter est président de la commission des forces armées de la Chambre), voire avec un sentiment dominant au Congrès. Certes, Warner, le vis-à-vis de Hunter au Sénat, a exprimé son mécontentement de l’absence de réaction de l’administration, qui n’a pas mis son veto à la loi budgétaire du Pentagone qui vient de passer. Mais il s’agit plutôt d’une attitude convenue. Warner ne prendrait aucun risque vis-à-vis du Pentagone pour une question qui n’intéresse pas grand monde au Congrès, et qui n’y est pas populaire. L’état d’esprit au Congrès est que l’Europe, d’une façon générale, n’a pas suivi les USA comme il le fallait en Irak. Pourquoi ne pas le lui faire payer, notamment, par le biais de l’amendement Hunter ? Et tant pis pour les “amis”.

• Il semble donc que la disposition Hunter ait été votée et que les Européens devront vivre avec. C’est-à-dire qu’ils vivront de plus en plus mal. Le coût du programme JSF va augmenter, l’accès aux technologies va être encore restreint, les contrats US avec les pays européens également réduits (comme il n’y avait pas grand’chose, ce sera moins de pas grand’chose...). L’important contrat que BAE vient d’emporter dans le cadre du programme JSF devra être revu selon les normes qui vont s’imposer avec le nouveau régime Hunter : c’est-à-dire que BAE poursuivra son évolution vers une complète américanisation et son travail dans le programme JSF sera complètement sous contrôle US, fût-il en Écosse comme dans ce cas. Toutes les indications triomphales données par le Scotsman du 22 septembre, ci-après, sont à lire d’une façon très relative, avec à l’esprit tous les avatars à venir dans ce programme JSF.

« Aerospace giant BAE Systems‚ Edinburgh-based avionics division has secured a “significant” contract under the £125 billion F-35 Joint Strike Fighter programme.

» The group‚s capital workforce will be heavily involved in the development phase to supply the laser system which is part of the JSF‚s Electro Optical Targeting System. No financial details of the value of the contract for the initial phase have been released, but it is understood to be worth several million pounds. And should the initial £15bn phase of the project, which involves 22 aircraft, go on to full production, which would involve up to 3000 planes, the benefits to BAE‚s avionics operations could run to “hundreds of millions” of pounds, according to an industry source. [...]

» BAE confirmed that work on the EOTS — a precision air-to-air and air-to-surface targeting device - would be carried out at the Crewe Toll-based Sensor Systems Division and would help “sustain” about 100 jobs at the plant. In a statement, Europe‚s biggest defence contractor said: “The contract for the design and development of the laser will result in production of several thousand lasers at the world-class facility at Crewe Toll.” Development will start immediately with manufacturing expected to begin in 2006. »

Il n’est pas certain que les perspectives que nous évoquions hier soient compromises. Ce n’est pas pour rien que Airbus envisage de construire une usine aux USA : si sa version ravitailleur était finalement retenue contre le marché de leasing avec Boeing, les Airbus ravitailleurs seraient “made in USA” et Duncan Hunter serait content. (C’est d’ailleurs quasiment certain : tout système d’arme non-US acquis par le Pentagone devient une version spéciale, “américanisée”, et est produit sur place, sous licence.)

Ce qui recule un peu plus, par contre, c’est la perspective générale de coopération internationale et transatlantique (pour ceux qui aperçoivent encore une perspective). Et l’on pourrait commencer à sérieusement compter les coups qui vont être assénés au programme JSF, et aux projets des partenaires étrangers du programme, notamment du côté des “compensations” (commande de sous-systèmes non,-US). Par exemple, les Italiens, qui ont demandé des éclaircissements sur ce point aux Américains, pourraient attendre longtemps. Les Néerlandais, dont on dit qu’ils réévaluent sérieusement leur participation en ce moment, dans un contexte budgétaire apocalyptique à La Haye, devront aussi prendre en compte cet élément protectionniste et anti-européen de la législation US.