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5358Parallèlement, aux USA les débats foisonnent à côté des polémiques politiciennes, des remous pseudo-populaires, des affrontements immédiats. Les considérations les plus extrêmes sont développées, pour tenter d’atteindre une analyse correcte de la situation, – et nous dirions même : “de plus en plus extrêmes”. Cette extrémité de la pensée est remarquable, et sans doute l’élément le plus frappant, alors que les canaux et leurs cloisons, l’autocensure, l’ignorance, l’inattention, le préjugé aveuglant, rendent en général très difficile une mesure réelle de la situation ; c’est a contrario une mesure de cette gravité.
Il est bon de signaler cet extrémisme de la pensée, chez ceux qui font le moins profession d’être extrémistes, qui se félicitent en général d’appuyer leurs jugements et leurs remarques sur la mesure, l’expérience, la connaissance de la politique, etc. Ce qui est remarquable, notamment, c’est que les références historiques vont à des situations extrêmes et que celle qui est décidément la plus utilisée est celle de la très-grande Révolution Française, – ce qui ne manquera pas de renforcer l’importance de la conscience historique française dans sa participation au “déchaînement de la Matière” et dans sa capacité d’influence de l’American Revolutionnary Dream.
Nous attirons l’attention sur certaines de ces considérations extrêmes qui conduisent à voir surgir des réflexions très élaborées sur les États-Unis, sur leur origine, leur formation, etc. Ici, nous reprenons un commentaire du conservateur Ben Shapiro, rédacteur-en-chef de Daily Wire et auteur d’un livre à paraître, au titre significatif : « How to Destroy America in Three Easy Steps ».
Shapiro est interrogé (dimanche dernier) par Mark Levin, de l’émission ‘Life, Liberty & Levin’ sur le réseau Fox.News. Shapiro évoque ce qu’il juge être la doctrine des démocrates extrémistes et autres gauchistes, et qu’il baptise “désintégrationnisme” (le parti démocrate perçu désormais comme ‘le parti de la désintégration des Etats-Unis’).
Shapiro estime que les troubles actuels aux États-Unis ressemblent à « la Révolution française en temps réel, avec la différence qu’il n’y a que des guillotines symboliques ».
« Le fait est que ce que nous avons vu ces dernières semaines est l’arrivée à la maturité d’une idéologie que l’on pourrait qualifier de ‘désintégrationnisme’, qui s’est subrepticement répandue pendant des années pour les infecter dans nos universités, nos médias, nos principales institutions culturelles.
» L’idée [du désintégrationnisme] est que l’Amérique n’a jamais eu de liens qui nous ressemblent, nous son peuple, que l’histoire américaine est l’histoire d’un groupe qui opprime et traite brutalement les autres groupes, [que] la philosophie de l’Amérique n’est en fait qu’une sorte de masque de carton-pâte ... dissimulant des systèmes dynamiques exerçant brutalement leur pouvoir sur les autres, et que notre culture de la prééminence du droit est complètement mensongère et trompeuse. »
On observera que la critique que rapporte Shapiro, interprétant les conceptions de ses adversaires gauchistes, n’est pas dénuée de sens et retrouve une critique générale de l’américanisme résidant d’un point de vue objectif dans sa fragilité à cause de son absence d’essence, telle qu’il nous arrive souvent de la rapporter. On retrouve l’argument général que les États-Unis ne sont pas une nation selon l’appréciation historique de la chose, mais une entité formée à partir de certaines communautés d’intérêt (Tocqueville, encore cité récemment), dans le chef d’une oligarchie déjà installée dans les colonies britanniques de l’Amérique du Nord avant la Guerre d’Indépendance (dite ‘Révolution américaine’) ; le moyen principal de cette formation n’étant en rien un de ces destins facteurs historiques qui structure les nations jusqu’à leur donner une essence, mais la communication qui en interprète souvent avec brio l’illusion...
Comme on l’a souvent citée, il y a cette définition de la ‘Révolution américaine’ de Jacques Barzun, qui ne fut pourtant pas, lui, un révolutionnaire-gauchiste mais qui, comme Français installé aux USA où il connut un très grand succès académique, avait gardé une certaine liberté d’esprit :
« S’il y en avait un, le but de la Guerre d’Indépendance américaine était réactionnaire: “Le retour au bon vieux temps!” Les contribuables, les élus, les marchands et négociants, les propriétaires voulaient un retour aux conditions existantes avant l’établissement de la nouvelle politique anglaise. Les références renvoyaient aux droits classiques et immémoriaux des Britanniques : autogouvernement par le biais de représentants et d’impôts garantis par les assemblées locales, et nullement désignées arbitrairement par le roi. Aucune nouvelle idée suggérant un déplacement des formes et des structures du pouvoir – la marque des révolutions – ne fut proclamée. Les 28 affronts reprochés au roi George avaient déjà été souvent cités en Angleterre. Le langage de la Déclaration d’Indépendance est celui de la protestation contre des abus de pouvoir, et nullement celui d’une proposition pour refonder le gouvernement sur de nouveaux principes. » (Extrait du superbe et colossal From Dawn to Decadence — 500 Years of Western Cultural Life, de Barzun, de 1999)
C’est le colonel Lang, sur son site SST (Sic Semper Tyrannis, le 20 septembre 2020) qui rapporte les propos de Shapiro. Il les apprécie, lui aussi sur la forme, en référence à la Révolution Française, et sans s’attarder à tenter de réfuter la critique de l’américanisme par les désintégrationnistes rapportée par Shapiro :
« Shapiro et Levin sont deux de mes commentateurs préférés. Ils comprennent tous les deux clairement que l’aile marxiste jacobine du Parti démocrate avec ses alliés de BLM et d’Antifa a l’intention de détruire et désintégrer les États-Unis d’Amérique. Ils ont l’intention de remplacer la Constitution par un document différent, de remplacer le drapeau, l’hymne national et d’effacer notre histoire dans une réplique de l’affirmation sanglante par les Khmers rouges de la philosophie de l’‘Année Zéro’.
» Les démocrates-zombie comme Pelosi, Schumer, Warner, Kaine, Cuomo, etc., perdent rapidement le contrôle de leur parti, tout comme les Girondins ont perdu le contrôle de l'Assemblée nationale [en 1792-1793] au fur et à mesure que l'histoire les faisait avancer sur le chemin du bouleversement révolutionnaire. AOC [Alexandria Ocasio-Cortez] dit ouvertement que ses camarades devraient voter pour Biden, aussi ridicule et idéologiquement inapproprié qu’il leur paraisse. Joe devrait écouter le grondement des roues en bois [des charrettes amenant les guillotines qui lui sont aussi destinées].
» Mais ne désespérez pas ! Je doute que les forces armées et les ‘Déplorables’ acceptent la prise de pouvoir des marxistes jacobins. Il y a peut-être des généraux et des amiraux qui seraient tentés d’accepter un tel gouvernement mais les troupes c’est autre chose ... »
Comme l’on voit, de Robespierre à Pol Pot, la logorrhée révolutionnaire des gauchistes est prise avec le plus grand sérieux, avec un sérieux grandissant. Il faut aussi remarquer que la défense dialectique sur le fond n’est pas aisée, dans la mesure où, comme nous l’avons vu, cette critique même si elle propose un radicalisme effrayant, est loin d’être dénuée de fondement, surtout lorsqu’on voit l’état des USA aujourd’hui.
D’autres facteurs apparaissent, pour renforcer l’impression générale qu’on restitue, dans le sens d’une dynamique ultra-révolutionnaire. L’un de ces facteurs est le déchirement grandissant, la concurrence effrénée entre différents courants historiques de la gauche révolutionnaire-marxiste. Ces querelles ont toujours existé, mais dans le genre mineur si pas folklorique ; aujourd’hui, elles ont un aspect sérieux.
A cet égard, nous suivons attentivement notre référence trotskiste du site WSWS.org, qui fait feu de tout bois contre les ‘fascistes’ divers et proliférant bien entendu, contre les ‘sociaux-traîtres’ comme il se doit, mais aussi et de plus en plus surtout contre leurs concurrents directs dans la prétention de représenter le bon vieux ‘prolétariat révolutionnaire’ (ditto, ‘classe ouvrière’) qu’il s’agit d’influencer et de conduire. Tout cela sentait en général la naphtaline, mais reprend aujourd’hui une vigueur inattendue, une actualité de rajeunissement, témoignant de la puissance et de la réalité de la dynamique en cours. Ce n’est pas pour autant que nous accordions pour l’instant la moindre chance à ces courants vieillis et qui datent énormément, mais ils sont au moins un signe “ de la réalité de la dynamique en cours ”.
Un des aspects centraux de ce phénomène, et la chose qui nous importe de mettre en évidence, est la ‘politisation’ effrénée qui marque l’évolution de la pandémie Covid19, dans le chef de la réaction des diverses autorités pour affronter cette crise sanitaire. Cette ‘politisation’ de l’événement sanitaire n’a aucun équivalent en intensité dans le monde, et cela est aussi une marque dans le même sens du caractère de la situation.
Depuis quelques semaines, cette thèse et cet outil sont le terrain d’action préféré des trotskistes et des autres, WSWS.org occupant l’argument radical que la poussée pour l’abandon du confinement et la reprise de l’activité, dans le chef des groupes capitalistes oppressifs, a pour but principal d’accélérer la pandémie et de provoquer un véritable génocide des plus pauvres et des plus démunis parmi les travailleurs, c’est-à-dire du même bon vieux ‘prolétariat révolutionnaire’. WSWS.org ne parle pas explicitement de “solution finale” du capitalisme contre le ‘prolétariat’ mais nous en sommes fort proches.
Ainsi la violence de l’attaque de WSWS.org contre le magazine Jacobin (en anglais dans le texte), du Parti Socialiste Démocrate (marxiste) US, accusé de rejoindre les capitalistes génocidaires en approuvant les plans de déconfinement et de retour à l’activité économique. Ce constat nous conduit à donner un extrait du texte trotskiste du 21 septembre 2020, où Jacobin (fondé il y a dix ans) est convoqué au tribunal du ‘prolétariat révolutionnaire’
« Samedi [19 septembre], le magazine Jacobin, qui est affilié aux Socialistes Démocrates d'Amérique, a publié un article promouvant la politique d’“immunité collective” préconisée par la Maison Blanche Trump et la droite fasciste.
» L’article prend la forme d'un entretien avec Katherine Yih et Martin Kulldorff, deux universitaires qui défendent le “modèle suédois”, conduisant à l’infection de larges pans de la population par le COVID-19 au nom de l’“immunité collective”. [...]
» Kulldorff a salué l’article de Jacobin sur Twitter, déclarant : “Aux États-Unis, il y a maintenant un deuxième front contre le confinement, en partant de la gauche”.
» Le premier front, bien sûr, est mené par la droite néo-nazie, qui a organisé des manifestations contre le verrouillage dans tout le pays en avril et mai, et par tous les gouvernements en Amérique du Nord, en Europe et dans le sud du monde, qui ont abandonné de fait tous les efforts pour contenir la pandémie.
» En réalité, il n’existe qu'un seul ‘front’ contre les efforts vigoureux déployés pour contenir la pandémie, et ce ‘front’ est une attaque de la droite contre la classe ouvrière. Jacobin s’est allié à l'administration Trump dans ses efforts meurtriers pour remettre les travailleurs au travail afin de générer des profits pour Wall Street. [...]
» Il convient de noter que Thomas Friedman, le chroniqueur du New York Times, l'organe interne du Parti démocrate, a développé pour la première fois, fin mars, le slogan “le remède ne doit pas être pire que la maladie” en opposition aux lock-out, – une phrase qui a été adoptée par Trump et utilisée pour effectuer un retour prématuré au travail dans tout le pays avec l’aide des gouverneurs démocrates. L’adhésion ouverte des gens de Jacobin à la politique d’immunité collective de Trump confirme chaque avertissement lancé par le site web du Parti socialiste mondial concernant la politique de la classe moyenne adoptée par la DSA. En identifiant ces organisations comme “pseudo-gauche”, nous avons expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une insulte, mais d’une définition sociologique.
» Les mots ont un sens. En embrassant et en défendant ouvertement les politiques de l’administration Trump, les éditeurs de Jacobin se sont rendus complices des crimes de l’administration. Les millions de travailleurs dont les amis et les proches sont morts inutilement n’oublieront pas les paroles et les actes de Jacobin. »
Mis en ligne le 24 septembre 2020 à 04H45