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4408Une chose nous paraît frappante dans les troubles qui continuent aux USA depuis à peu près un mois (mort de George Floyd le 25 mai) : la référence révolutionnaire d’une part, et d’autre part la référence révolutionnaire qui nous semble, selon les sources que nous consultons, la plus usitée.
Il ne fait aucun doute pour nous que ces mouvement de rue et de communication allant du pillage au symbole, qui secouent l’Amérique, sont perçus comme bien au-delà, et bien différemment de la simple image d’Épinal de l’antiracisme qui nous est d’habitude présentée par nos élitesSystème européennes, d’une façon extrêmement conformiste, extrêmement bornée (c’est-à-dire entêtée dans la très-courte vue) lorsqu’il s’agit d’évoquer les événements aux USA. Fondamentalement, ces événements sont perçus comme révolutionnaire, tandis que nos élitesSystème sont d’une culture et d’une lucidité à la mesure de leur acquiescement aux instructions locales du Système, et y voient une année électorale comme une autre
Cette référence révolutionnaire aux USA, c’est un point qui n’est pas anecdotique dans la mesure où nous nous trouvons dans une époque où la communication, et avec elle les symboles et les références, jouent un rôle fondamental, dans l’événement en général et dans l’acte tel qu’on le perçoit, tel qu’on se le figure, et même tel qu’inconsciemment on l’invente et on l’imagine. Ainsi progressent aujourd’hui les événements, par la perception très fortement liée à l’invention et à l’imagination. Cela donne en premier lieu un simulacre ou plusieurs simulacres qui s’agglomèrent en un ; mais derrière ce simulacre, ou au-delà de lui, ou en dépit de lui, réside une vérité-de-situation que nous tenons pour fondamentale parce qu’elle dépasse le désordre-chaotique du monde au présent pour nous permettre d’effleurer la Vérité.
Fondamentalement, ces événements doivent être perçus, et sont (inconsciemment pour la plupart) perçus aux USA même comme révolutionnaires. Nous parlons donc ici de cette perception- révolutionnaire aisément identifiable puisque très générale d’une part ; mais d’autre part et surtout, de la référence révolutionnaire spécifique dont il s’agit, ce qui est beaucoup plus complexe à déterminer, et qui a selon nous une profonde signification.
Depuis le début des événements du 25 mai (Grande-Emeute2020), et cela enchaînant sur les années de “guerre civile culturelle” larvée, l’identification des pressions radicales de gauche, – ce que nous nommons “progressisme-sociétal” dans son application extrémiste, – est majoritairement, et d’ailleurs jamais expressément démenties, celle du “marxisme culturel”. Les références nominales sont diverses, elles comprennent l’Italien Gramsci, parfois Trotski, mais aucune n’est impérative. Aucune de ces référence (le “marxisme culturel” et Gramsci) n’a atteint le niveau réflexe de l’approbation de conscience, donc aucune ne peut prétendre tenir le rôle fondamental de symbole.
De même, et d’une façon qui pourrait paraître surprenante, la nébuleuse marxiste-bolchévique (Marx, Lénine), et au-delà le communisme, ne sont pas couramment employés pour se référer symboliquement, qui pour le condamner, qui pour l’encenser, au mouvement en cours. S’il l’on doit identifier une “doctrine” citée pour caractériser le mouvement, ce sera le “socialisme”, qui est très majoritairement sollicité, là aussi qui pour le condamner sans appel, qui pour l’encenser absolument, et concernant des personnes politiques aussi différentes que Bernie Sanders ou Alexandra Ocasio-Cortez. Mais il s’agit d’une référence extrêmement vague et générale, qui englobe des concepts, des idéologies et des politiques extrêmement variés, avec la seule caractéristique très vague dans les esprits d’être opposée au capitalisme (ce qui est parfois un contre-sens, tant le mot “socialisme” a été utilisé depuis trois siècles). Cette référence est plus “technique” que “symbolique”, elle n’a pas la puissance d’évocation de la référence choisie.
... Car il y a une référence historique qui, selon notre perception, et bien sûr nos lectures et notre documentation, semble, et de loin, celle de la Révolution Française. La France est, de ce point de vue référentiel, très présente dans les événements, puisqu’au début, lorsque la foule ‘BLM-anarcho-marxiste’ et le reste prirent possession des six blocs d’immeuble formant la CHAZ de Seattle, certains, tel Pépé Escobar, parlèrent de la Commune (Paris, 1870-71)... Certes, la France est une référence révolutionnaire !
On trouvera ci-dessous deux rappels de références à la Révolution Française dans nos RapSit-USA2020 du 16 juin 2020 et du 26 juin 2020. Un troisième extrait, cette fois du colonel Patrick Lang, d’un texte dont nous donnons ensuite l’adaptation, se réfère également à la Révolution Française, dans des termes extrêmement précis...
• 16 juin 2020 : « En fait, CHAZ n’est plus CHAZ mais CHOP (‘Capitol Hill Organized Protest’ ou ‘Capitol Hill Occupied Protest’, selon la personne à qui vous posez la question de la signification de l’acronyme). Cela permet aux groupes les plus violents d’imposer un esprit de plus en plus belliqueux, résumé notamment par cet échange entre une sorte de “leader” parmi d’autres et une sorte de foule rassemblée devant lui (on garde l’anglais original) : “ ‘Does anybody know what happened to the people who did not get on board with the French Revolution?’ he shouted. ‘Chopped,’ his compatriots yelled in reply ”... ‘Chopped’ signifiant notamment ‘haché’, on proposera donc l’adaptation évidente de l’échange, illustrant l’esprit révolutionnaire du lieu : “Quelqu’un sait-il ce qu’il est arrivé à ceux qui ne suivirent pas la voie de la Révolution Française ? – Guillotinés !” »
• 26 juin 2020 : « Cela n’est nullement accessoire : ce sentiment de vouloir complètement détruire les structures culturelles et historiques des USA est présent chez certains. Même des dignitaires-Système impeccables s’en aperçoivent, comme le sénateur républicain Lindsay Graham accusant Alexandria Ocasio-Cortez [AOC]et sa bande, et le parti démocrate suivant sans trop rechigner, de ressusciter l’esprit et les méthodes de la Révolution Française. »
• Du colonel Patrick Lang, du 26 juin 2020 : « [Si les démocrates] gagnent [le 3 novembre], le tigre révolutionnaire [les extrémistes de gauche] continuera à rugir et les dévorera tout comme les déchaînements des Jacobins eux-mêmes ont dévoré des gens comme Danton et Robespierre lors de la Révolution Française. »
Le texte du 26 juin 2020 du colonel Lang, d’ailleurs assez court selon son habitude (sauf lorsqu’il parle de la Guerre de Sécession et des Sudistes), mérite d’être lu. Lang envisage une victoire complète des démocrates (présidence et deux chambres du Congrès), à la suite des sondages très défavorables pour Trump, à propos duquel il dit sa déception concernant les seules qualités d’action qu’il lui prêtait. (Lang considère que Trump devait réagir, – doit réagir avec la force devant les désordres, s’il veut l’emporter.)
On sait que nous tenons Lang pour un commentateur éclairé, manifestement un patriote américaniste et donc américaniste de base, mais avec une certaine indépendance d’esprit et une vision très critique de la décadence du pouvoir washingtonien, beaucoup de rigueur dans son patriotisme, une très vaste expérience politico-militaire de sa carrière passée en bonne partie à la DIA (service de renseignement du Pentagone), et en aucun cas une passion idéologique de quelque bord que ce soit. Le fait qu’il envisage une situation catastrophique, semblable à la Révolution Française si les démocrates l’emportent, est évidemment une mesure de la préoccupation des esprits et, par logique antagoniste, un motif de renforcer encore notre stupéfaction devant l’absence complète de conscience de la force des événements américanistes, de la part de nos élitesSystème, plumitives, donneuses de leçon, sûres d’elle-même « comme de l’univers », ici en Europe occidentale, inspiratrice de la civilisation et du piètre et calamiteux bloc-BAO.
Bien entendu, nous rapprochons le texte de Lang de celui que nous publiions le 17 juin 2020, en notant que la remarque que fait Lang sur le “tigre rugissant” (la révolution) qui dévore ses enfants comme il a dévoré Danton et Robespierre, rejoint Maistre et Cochin que nous citons dans un autre texte :
« On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes ne la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse...[...] Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n'y entrent que comme de simples instruments ; et dès qu’ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement. » (Maistre) ; « Ils ne règnent ni pour ni par eux-mêmes, mais en vertu d’une loi impersonnelle qu’ils servent sans la comprendre, et qui les brisera sans efforts comme elle les a élevés. » (Cochin).
Voici donc le texte de Pat Lang (qui retrouve naturellement une image qui fait le titre d’un livre-clef de Julius Evola [Chevaucher le tigre]), publié hier sur son site Sic Semper Tyrannis, sous un titre moqueur que nous traduirions ainsi : “Si cela continue ainsi, les Dems emporteront tout, – et je leur souhaite bien du plaisir”... Bien entendu, ce qui nous importe ici est bien plus l'état d'esprit d'un commentateur de qualité que la prévision.
« Il semble que les démocrates et leurs hordes de marxo-anarchistes temporairement amis soient sur le point de remporter la présidence et les deux chambres du Congrès en novembre.
» C’est un renversement remarquable dans le monde politique depuis la période précédant immédiatement l'arrivée de l’hystérie de CODIV-19 avec sa possibilité pour les épidémiologistes d’être au sommet de leur autorité et de leur influence. À cette époque lointaine, l'économie américaine allait de mieux en mieux. Les déclarations de Trump sur cette économie d’“avant” sont hyperboliques comme d’habitude mais correctes dans leur essence. Sa réélection semblait assurée par cette économie et l'échec des démocrates à le faire tomber en cours de mandat. Dieu sait qu'ils ont essayé !
» Aujourd’hui, Trump est sérieusement en baisse dans tous les sondages, peut-être parce que les citoyens en sont venus à penser qu’il est vraiment un homme faible, incapable de comprendre que les foules anarchiques et émeutières pourraient facilement être réduites au silence par un recours important à la force contre elles. Au lieu de cela, il tergiverse et semble embrasser le cri de guerre du Département d’État “Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! Ils vont tous nous tuer !”. Le spectre de la fusillade de l’Université de Kent dans l’Ohio [en 1970] est largement invoqué dans les cercles républicains comme “preuve” des résultats politiques fatals de l’usage de la force. De mon point de vue, le sénateur Cotton [favorable à l’usage de la force]a raison.
» Les démocrates ont adopté le confinement inspiré par la panique du COVID-19. Il devrait être évident pour l’observateur occasionnel qu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour maintenir l’économie dans un état dépressif jusqu’à leur victoire en novembre. La panique du grand public est promue avec succès malgré le faible taux de mortalité dû à la maladie dans le grand public. L’accord du triumvirat Cuomo-Murphy-Lamont [les trois gouverneurs des États de New York, du New Jersey et du Massachussetts] pour fermer la région de la ville de New York aux voyageurs “étrangers” venant des zones infectées par le COVID-19 est un signal évident qu’une économie déprimée DOIT être maintenue à tout prix (jusqu’en novembre)
» La vague d'attaques d’agitprop de la guérilla anarcho-marxiste sert très bien les objectifs du Parti démocrate. Elle révèle que Trump est un homme faible. Sa base n’aime pas cela. Et à vrai dire, les gouvernements démocrates locaux des principaux sites d'action de rue anti-américains sont en sympathie avec de nombreux objectifs des insurgés. Seattle, Minneapolis, Washington DC (en tant que ville incluse dans la fédération), Atlanta, Los Angeles, New York City, New Jersey, Connecticut, Richmond, etc. Le schéma est clair.
» Les sondages des démocrates calculent qu'ils peuvent chevaucher le tigre (virus et foules révolutionnaires) qui ravage le pays, puis reprendre le contrôle après avoir tout gagné. De mon point de vue, ils se trompent.
» S’ils gagnent, le tigre révolutionnaire continuera à rugir et les dévorera tout comme les déchaînements des Jacobins eux-mêmes ont dévoré des gens comme Danton et Robespierre lors de la Révolution Française.
» Et d’ici là, l’économie sera tellement meurtrie que le peuple se retournera inévitablement contre les démocrates, désespéré de sa pauvreté et de son chômage. »
Nous faisons le constat que la présence de cette référence de 1789, – plutôt qu’octobre 1917, par exemple (!), alors qu’il est tant question dans les rues US de “marxistes” et donc des bolchéviques, – constitue un point remarquable, digne d’intérêt et plein de signification. Nous faisons l’hypothèse que cette concordance de références, dans un pays si grand et si imbu de lui-même jusqu’à ignorer les autres et les grands courants de l’Histoire, n’est pas un “accident” de la connaissance (ou de l’ignorance !) historique mais bien la marque d’une profonde particularité historique. Ce point entre dans la problématique des relations entre la France et l’Amérique, qui sont d’une complication considérable comme on tente de l’exposer dans La Grâce de l’Histoire Tome-I (*), et selon notre thèse, absolument différentes certes de ce que nous en dit le Politiquement-Correct, tant pro-américain qu’anti-américain.
(Ce pourquoi, notamment, nous employons très souvent le terme d’“américanisme” avec ses composés, en le différenciant fondamentalement du terme “américain”.)
D’une certaine façon, nous pensons que la France est une référence, à la fois pour la direction américaniste, à la fois pour le peuple américain, à la fois pour l’art américain, notamment la littérature et le cinéma, etc. C’est bien entendu une référence perçue très différemment sinon contradictoirement selon son appartenance sociale-sociétale, comme 1789-1793 est perçu en France de façon très différente selon l’orientation ontologique de la pensée. Mais, dans tous les cas, toutes les grandes ruptures françaises “parlent” à la psychologie américaine/américaniste, – plus qu’au savoir américain/américaniste, tant cette relation est profonde, complexe, féconde et terrible, et renvoie aux grands bouleversements de la métahistoire.
Nous avons souvent abordé cette question sur notre site, selon une hypothèse métahistorique fondamentale, à laquelle nous tenons depuis très longtemps et qui est exposée en détails dans La Grâce. Cette hypothèse vient de si loin qu’elle pouvait être déjà exposée en 1997, dans une conférence que donnait PhG, dont le texte est repris à la date du 25 octobre 1997 sur ce site (la date est celle de la publication dans dd&e-papier, notre Lettre d’Analyse initiale ; le texte a été repris sur ce site bien plus tard, mais établi à sa date de parution).
On en donne ci-après un aspect pour montrer disons “la couleur” de la réflexion ; bien entendu, le reste du texte détaille l’hypothèse en question...
« On comprend bien qu’on ne tirera de tout cela aucun jugement de valeur ni la moindre appréciation politique, à l’égard de la France de la part d’Américains, à l’égard de l'Amérique de la part de Français. De même, on ne pourra tirer aucun enseignement de valeur sur les politiques suivies par l’un et l’autre, et pas plus sur les politiques qui les opposent, voire sur les conceptions qui les opposent (par exemple, la conception “universaliste” américaine et la conception “universaliste” française, souvent présentées comme le motif idéologique fondamental de la soi-disant concurrence entre les deux pays). Par contre, nous présentons ce que nous pensons être les ressorts fondamentaux de relations, à partir desquelles on peut sans aucun doute tirer des enseignements pour comprendre les diverses politiques de l’un et de l’autre, et éventuellement les juger. Ce que nous voulons mettre en évidence, c'est le caractère très psychologique et par conséquent irrationnel des relations franco-américaines, tenant à une combinaison exceptionnelle de facteurs, de circonstances et d'événements historiques intervenus à un moment-clef pour les deux pays (la fondation pour l'Amérique, la rupture de la Révolution pour la France) dont l’importance a été réelle dans l'Histoire et subsiste aujourd'hui ; qui plus est, moment-clef qui l’est également pour l'histoire de l'humanité, puisqu'en cette fin de XVIIIe siècle, le monde lui-même entrait dans l'ère moderne, définie économiquement et technologiquement par l'apparition du machinisme (fondement d'un débat également essentiel liant de façon souvent antagoniste la France et l'Amérique). Il s'agit bien d'un ‘Moment’ dans l’Histoire (les visions et les appréciations vont changer ensuite), et les psychologies en ont été marquées de façon profonde et durable. Depuis cette origine historique, chacun des deux pays projette sur l'autre sa propre image idéalisée et/ou observe l’autre à partir de la perception idéalisée de lui-même ; chacun fait de l’autre un ‘pays-miroir’ qu’il n’observe pas vraiment et qu’il déforme d'autant. »
Pour redevenir pratique, concret et “dans son temps”, on comprendra que nous tenons les événements américains/américanistes pour essentiels aujourd’hui, plus qu’aucun autre. Effectivement se pose la question de savoir si les USA vont vers une sorte de “leur 1789”, en ayant à l’esprit que, pour nous, 1789 (comme la “Révolution” américaine) est un des composants de cet événement fondateur de la phase finale de la modernité qu’est le “déchaînement de la Matière”, et qu’on peut très bien concevoir des “1789 à l’envers” pour contrebattre l’effet du premier. On notera que c’est également vers cette date que l’on s’était tourné, il y a dix ans, lorsqu’on pensait que la grande crise de 2007-2008 allait immédiatement se poursuivre dans le processus que nous connaissons également ; ainsi de ce texte « Sommes-nous en 1789 ? » du 14 juillet (what else ?) 2010, où nous exposions ce sentiment qui ne nous est pas étranger aujourd’hui :
« Par contre, ce qui, à notre sens, ressemble à 1789, c’est l’état de notre psychologie – la même fatigue, voulons-nous dire, d’une psychologie qui a trop subi de pressions à la fois du système et de la raison dont elle devrait être l’outil, qui lui imposent des perceptions différentes de la réalité.»
Mis en ligne le 27 juin 2020 à 15H40
(*) Voir les deuxième (« Le ‘rêve américain’ et vice-versa ») et troisième (« Du rêve américain à l’‘American Dream’ ») parties.