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3827Trump a changé de tactique, à mesure que les sondages lui deviennent plus favorables (ou, pour dire plus justement : moins défavorables jusqu’à des positions d’égalité). Il a troqué une posture de communication belliqueuse (menaces d’intervention armées dans les villes du désordre, dirigée [?] par des mairies démocrates, ou progressistes-sociétales), assorties d’une exécution ou l’autre de ces menaces sans succès convaincant, – pour une posture beaucoup plus légaliste : agir contre les points disons “de sédition” selon les normes de la légalité.
Ce n’est nullement un adoucissement de sa position puisque c’est le contraire : il remplace la gesticulation par l’action exécutive sérieuse, très sérieuse. Cela peut aller loin car les pouvoirs de l’administration centrale sur les composants intérieurs (États et villes), surtout au niveau budgétaire, sont très loin d’être négligeables, et non moins négligeables les positions de refus de ces composants intérieurs face à l’administration centrale. Dans ce sens, il y a eu mercredi la communication d’une directives présidentielle aux services gouvernementaux, pour les enjoindre de commencer à identifier et à commencer la diminution des transferts budgétaires fédéraux, notamment vers quatre villes particulièrement séditieuses : New York City ; Portland, Seattle, Washington D.C.
Cette directive présidentielle est ainsi présentée :
« Dans un mémo de cinq pages envoyé mercredi aux agences fédérales dont le sujet est ‘Examen des financements accordés aux États et aux collectivités locales bénéficiaires de fonds fédéraux qui permettent l'anarchie, la violence et la destruction dans les villes américaines’ et signé par M. Trump, le président leur ordonne de faire rapport au Bureau de la gestion et du budget de la Maison Blanche sur tout financement qui pourrait être réorienté. New York City, Portland, Seattle et même Washington DC font partie des cibles initiales de cette mesure.
» “Mon administration ne permettra pas que l'argent des impôts fédéraux finance des villes qui se laissent détériorer en zones de non-droit”, déclare M. Trump dans le mémo, qui mentionne deux fois le nom du maire de New York, Bill de Blasio. Pour s'assurer que les fonds fédéraux ne sont pas gaspillés ou “dépensés d'une manière qui viole directement la promesse de notre gouvernement de protéger la vie, la liberté et la propriété, il est impératif que le gouvernement fédéral examine l’utilisation des fonds fédéraux par les juridictions qui permettent l’anarchie, la violence et la destruction dans les villes américaines”.
» Dans un tweet publié mercredi en fin de journée, Trump a fait suivre ce mémo en ajoutant que son administration ‘fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher les maires laxistes et les villes sans loi de prendre des fonds fédéraux alors qu’ils laissent les anarchistes faire du mal aux gens, brûler des bâtiments et ruiner des vies et des entreprises. Nous les mettons en garde dès aujourd'hui”. »
Cette procédure ne dot pas être réduite à la forme. Trump y ajoute des instructions précises, aussi bien à l’intention du Directeur du Budget (OMB) Russell Vought qu’au ministre de justice (AG/DoJ) William Barr pour demander des enquêtes et des informations sur les pouvoirs d’État et de collectivités locales ayant été les plus impliqués dans l’encouragement aux manifestations “anarchiques”, sur les restrictions à l’éligibilité de personnalités impliquées, etc. D’une certaine façon, c’est une offensive de purge que lance Trump, mais dans les limites de son pouvoir, c’est-à-dire en prenant garde de ne pas prêter le flanc aux accusations d’autoritarisme et de dictature, et bien entendu d’illégalité.
La première réaction des adversaires que vise Trump a été très violente, confirmant le climat d’affrontement sans pitié ni limites caractérisant aujourd’hui la vie politique aux USA. Il s’agit de la réaction du gouverneur de New York, Andrew Cuomo, qui a immédiatement convoqué une conférence de presse dès que fut connue la nouvelle de la décision de Trump. Cuomo a été très agressif, évoquant même des menaces contre la sécurité de Trump s’il lui prenait désormais l’idée de revenir à New York City, dans sa ville natale. (Trump, comme Cuomo, est natif de Manhattan.)
« Écoutez, la meilleure chose qu’il ait faite pour New York, c'est de partir. Bon débarras, laissez-le aller en Floride et faites attention à ne pas vous faire “covider”... [...]
» Il a intérêt à avoir une armée s’il lui prend l’idée de se balader dans les rues de New York. Les New-Yorkais n’ont plus rien à foutre de lui. [...] Il n’aura pas assez de gardes du corps avec lui pour traverser New York en sécurité, les gens ne veulent plus rien avoir à faire avec lui.
» [S’il agit comme cela avec cette directive,] je pense que c’est parce qu’il est de New York City mais que New York City l’a toujours rejeté parce que, pour New York City, ce n’est rien qu’un clown. »
Sur le fond, Cuomo a dit qu’il doutait de la légalité des mesures annoncées par Trump, selon l’argument assez faible qu’il s’agit d’une démarche politique, complètement ‘gratuite’ et injustifiée. En effet, Cuomo tient Trump pour responsable de l’expansion du virus-Covid, et notamment à New York City, qui a été durement touchée et a donc besoin de budgets importants.
De fait, cette violence de Cuomo est surtout verbale et menaçante, et nullement factuelle parce que le gouverneur de l’État de New York a dans ce cas peu de moyens contre l’administration fédérale. Le seul argument qu’il a proposé est de nature purement subjective sinon affective : New York City a besoin d’argent alors que le président veut réduire ses subventions, et alors que c’est lui, Trump, qui a mis New York City dans cette très difficile situation budgétaire à cause de sa gestion catastrophique de la crise du Coivid19.
Le commentaire grinçant de ZeroHege.com n’est que trop vrai, et Cuomo le sait : « Il est peut-être un clown mais c’est le clown qui contrôle l’argent. Pour la sauvegarde de Cuomo, il vaut mieux que le clown ne soit pas réélu car New York retombera alors dans le trou du cul du diable où on le trouvait dans les années 1970 et 1980 pour la situation sécuritaire, sanitaire, infrastructurelle ; etc. »
Ces divers échanges laissent à penser que ce premier accrochage législatif et budgétaire sérieux au sein de la structure fédérale des USA n’est pas un incident isolé mais une ouverture de choses importantes à venir très vite. Autant les menaces de Cuomo que la remarque grinçante de ZeroHege.com ne sont qu’un début, – si Trump est réélu certes, mais le contraire ne réserverait pas de meilleures auspices, ce qui justifie de poursuivre le raisonnement. Ce qui est évident, c’est que la haine des deux parties est en train de se structurer en un affrontement politique opérationnel très légal et effectif, quelle que soit l’issue de l’élection du 3 novembre, – et encore, s’il y a une issue sinon cela sera encore pire.
Ce qu’a fait Trump face à la sédition de divers points, d’ilots de puissance politique démocrate, c’est justement de les désigner officiellement comme séditieux et d’envisager des mesures en fonction de cela. La réaction des “séditieux” va donc être de mettre en cause le pouvoir officiel en lui déniant toute légitimité, et en envisageant “des mesures en fonction de cela”. Certes, cela a déjà été fait ce déni, c’est même le passe-temps constant des démocrates sous Donald Trump, mais cela était essentiellement sinon exclusivement de la rhétorique et de la communication (sauf le ratage de la tentative de destitution). Au contraire, dans le cas présent nous entrons dans le contexte de la réalité opérationnelle. Les mots “sédition” et “légitimité” ont alors un tout autre poids.
Cela signifie bien entendu, chose nouvelle et d’une extrême gravité, qu’une mésentente concrète débouchant sur un conflit où les deux parties ont des positions irréconciliables sur des actes concrets de la bonne marche du pays, débouche en vérité beaucoup plus loin sur une terra incognita, sur une situation d’affrontement où deux pouvoirs ayant chacun leurs compétences reconnues s’affrontent sur un domaine commun en réclamant chacun l’autorité pour lui. Cette situation oriente la dynamique vers des logiques de partition, de sécession et de désagrégation, bref de déstructuration ou plus encore de ‘déconstructuration’. La décision de Trump, par ailleurs quasiment inévitable en raison du comportement des dirigeants démocrates locaux incriminés, donne une assise officielle à l’affrontement et à la haine qui séparent les deux parties ; bien entendu, elle ne réconcilie rien ni personne, bien au contraire ; elle officialise le conflit dans toute son intensité.
Certaines hypothèses sont évoquées qui vont même plus loin dans des perspectives de démembrement du pays. C’est le cas de la capitale, Washington D.C., où se trouvent tous les organes de l’administration fédérale. Washington est aux mains d’une majorité démocrate autour de la maire Muriel Bowser, devenue particulièrement virulente dans le progressisme-sociétal pour donner des gages à Black Lives Matter qui la juge trop opportuniste et démagogue. Elle a donc constamment durci son attitude, et notamment ses initiatives sécuritaires vis-à-vis de la Maison-Blanche en tant que bâtiment officiel abritant le président des Eétats-Unis et ses services. Ainsi a-t-elle refusé un supplément de forces de police pour protéger la Maison-Blanche le dernier jours de la Convention républicaine de Charlotte, en Caroline du Nord, que Trump a saluée par une grande célébration à partir de sa Maison-Blanche de Washington D.C. La dangereuse situation qui s’en est suivie, notamment pour divers invités dont le plus fameux pris dans une bousculade très dangereuse fut le sénateur du Kentucky Rand Paul, a suscité de nombreuses et importantes réflexions. Tout cela est résumé par la remarque de Rand Paul à un de ses aides : « Est-ce que je vais encore avoir à venir à Washington pour me faire lyncher, moi qui représente le Kentucky ?! ». Cette remarque est relayée par certaines confidences selon lesquelles il est peut-être temps de s’interroger sur l’emplacement du gouvernement fédéral si la ville qui l’abrite devient un coupe-gorge où des foules incontrôlables agissent avec la complicité active des autorités de la ville.
(On observera que la dernière nouvelle venue de D.C., recommandant de débaptiser tous les bâtiments et rues/boulevards portant les noms de Thomas Jefferson, Benjamin Franklin, Francis Scott Frey, etc., ne va pas aider la cause de la capitale. Le colonel Lang : « Selon moi, la capitale des États-Unis devrait être déplacée vers un endroit situé au centre du pays et les fonctions du gouvernement dispersées afin que le gouvernement fédéral ne soit pas l'otage d'une ville dominée par une minorité. »)
Cet exemple montre combien les logiques de désintégration sont désormais à l’œuvre. Bien entendu, on a raisonné dans ce cas sur les logiques développées à la suite d’une réélection de Trump. Une élection de Biden déclencherait des effets similaires, simplement avec des positions inversées. Biden est toujours de plus en plus en mauvais état et sa vice-président, sorte de “présidente-en-attente“, Kamala Harris, est de plus en plus perçue comme une extrémiste catastrophique par les conservateurs.
Tout cela et le reste, c’est tout dire ...
Mis en ligne le 3 septembre 2020 à 11H10
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