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5313Lors d’une audition hier devant la Commission des forces armées de la Chambre des Représentants, le président du Comité des Chefs d’État-Major, le général (US Army) Milley, a nettement pris position dans une polémique politico-symbolique, concernant les bases militaires US, – principalement de l’US Army, notamment depuis le retrait du service du sous-marin nucléaire USS Robert E. Lee, – portant des noms d’officiers généraux sudistes (de la Confédération). Milley a clairement, et même politiquement, pris position pour la suppression de ses noms, en raisons d’une attitude de “trahison” de ces officiers selon lui, et pour la raison qu’ils défendaient une institution qui admettait et protégeait la pratique de l’esclavage. Il s’agit d’une affaire politiquement très importante sinon brulante, dans la mesure où Trump s’est prononcé contre le changement de ces noms, et a menacé de mettre son veto à la loi due programmation du Pentagone si cette intention de changement de noms s’y trouvait.
En d’autres termes, Milley s’est placé de facto en état complet d’insubordination vis-à-vis de son commandant-en-chef actuel, et qui pourrait être éventuellement réélu pour quatre ans.
Voici quelques paragraphes (de The News & Observer) rapportant cette prise de position de Milley :
« “Comme le pays qu’elle sert, l’armée américaine mène une lutte interne contre le racisme”, a déclaré jeudi le président du Comité des chefs d’état-major, le général Mark Milley, “mais les anciens noms et symboles de cet ennemi sont présents et suffisamment forts pour semer la division.”
» “La division mène à la défaite”, a déclaré Milley à la commission des services armés de la Chambre des représentants.
» “Il n'y a pas de place dans nos forces armées ... pour les symboles de racisme, de préjugés ou de discrimination.”
» La guerre civile était un “acte de trahison”, a-t-il dit. Les chefs militaires du Sud ont profondément trahi leur nation, et pourtant, de nombreuses installations militaires portent leur nom, selon Milley.
» “C’était un acte de trahison à l'époque contre l’union, contre ‘les étoiles et les bandes’ [du drapeau des USA], contre la Constitution des États-Unis, et ces officiers ont trahi leur serment.”
» Il poursuit en soutenant le retrait des noms et vraisemblablement des symboles confédérés des forces de défense.
[...]
» En tout, il y a au moins 10 installations militaires portant le nom d’officiers généraux des armées de la Confédération, selon Military.com.
» Milley a ordonné à une commission militaire d'examiner la question et d'étudier la possibilité de changer les noms.
» La façon dont nous devrions le faire importe autant que le fait que nous devrions le faire”, a déclaré Milley.
» Près de la moitié des forces armées américaines, 43%, sont membres de groupes minoritaires, selon Milley, et au moins 20% sont noirs. Un nom peut être plus qu'un simple nom, en particulier lorsque ce nom est celui du général Braxton Bragg, ou du général John Bell Hood, a-t-il dit.
» “Pour les jeunes soldats qui se rendent dans une base de Fort Hood, de Fort Bragg, peu importe, nommée d'après un général confédéré, on doit leur rappeler que ce général a combattu pour une institution de l’esclavage”, a déclaré Milley. »
L’auteur “Walrus”, qui présente la nouvelle dans Sic Semper Tyrannis, ne commente pas les jugements du général Milley sur la Guerre de Sécession et le Sud, sauf d’avancer l’idée que juger comme une “trahison” le fait d’appartenir à l’armée confédérée semble difficilement acceptable. C’est, à notre sens, une complète évidence, qui montre soit l’inculture de Milley, soit la complète subversion de son jugement, soit le goût de l’opportunisme dans son jugement, – soit tout cela à la fois, ce qui nous semble après tout le plus probable. Quoi qu’il en soit, c’est une mesure de plus de la décadence psychologique et culturelle de l’armée US.
Pour le reste, c’est-à-dire les causes politiques de l’intervention de Milley, “Walrus” présente quelques hypothèses :
« Je pense qu'il est clair maintenant que Miley soutient explicitement le mouvement BLM [Black Lives Matter] et les révolutionnaires. Le moins que l'on puisse déduire est qu’il essaiera d'empêcher toute intervention militaire fédérale dans ce qui pourrait passer pour une insurrection intérieure. En d’autres termes, il semble être un partisan d’Antifa et de la loi des pilleurs et des criminels qui lui est associée. Pire encore, les milices citoyennes pourraient se retrouver face à l’armée américaine.
» Une autre explication pourrait être qu’il est soucieux de préserver la loyauté, la cohésion et le moral des unités militaires jusqu’à l’apaisement... Ou bien envisage-t-il une carrière politique après sa retraite de l’armée ?
» Je ne sais pas. Je pense cependant que c’est de mauvais augure. Je me souviens de l'armée impériale russe qui a refusé d'intervenir à Saint-Pétersbourg pendant la révolution russe. Ils sont restés assis et ont regardé les révolutionnaires rendre le pays ingouvernable. »
La position de Milley est effectivement une insubordination caractérisée, par rapport à la prise de position de Trump sur la question ; l’acte est beaucoup plus clair et beaucoup plus net que le flottement du Pentagone pendant l’épisode des manifestations de Washington D.C., au début juin. Que Milley ait affirmé et assumé cette insubordination devant la commission des Forces Armées de la Chambre est particulièrement important. Cela signifie que le chef d’état-major général se range du côté du parti démocrate, – lui-même en rébellion constitutionnelle ouverte contre le président, – et des parlementaires de la Chambres, où ce parti détient la majorité.
(Bien entendu, l’audition de Milley et les questions qui lui ont été posées étaient directement destinées à permettre à Milley d’affirmer son insubordination ; on peut même supposer qu’un arrangement avait été mis en place par avance, et que Milley avait longuement pesé les termes de ses réponses pour obtenir les acclamations des autorités morales en vogue.)
Notre préférence dans les hypothèses de “Walrus” vont à la prudence et à l’opportunisme ; la prudence, parce qu’effectivement dans le conflit actuel l’armée est promise à se diviser et à se déchirer éventuellement, à cause des minorités présentes en son sein (47% des effectifs, ce qui est énorme) ; l’opportunisme, parce que Milley jugerait Trump probablement perdant dans la course à la présidence, et se réserverait un soutien démocrate sous les apparences de la “grande cause morale” de l’antiracisme redécouvert à la mode postmoderne et déstructurante.
Dans tous les cas et en attendant d’autres précisions, il ne s’agit certes pas d’une leçon de courage, ni de Servitude et Grandeur militaires. On voit confirmée l’extrême décadence, sinon la déconstruction psychologique des chefs de l’armée US. Les généraux et les amiraux US sont préoccupés des seuls opportunismes politiques, du soutien parlementaire (notamment à la Chambre) d’un budget colossal, du carriérisme au sein des armées, d’une attitude PC (Politiquement-Correct) du type D.C.-compatible et qui réserve la possibilité de carrières lucratives, soit dans les médias, soit dans les Conseils d’Administration des compagnies d’armement du Complexe Militaro-Industriel, après la retraite des armes ; et enfin, plus simplement et plus humainement (« Humain, trop humain »), Milley est préoccupé d’une bonne réputation dans les salons, dans les auditions du Congrès et dans les rédactions, là où le largage de bombes ne suffit pas pour réduire l’ennemi.
Quoi qu’il en soit du jugement qu’on porte sur cette attitude, la prise de position de Milley est un élément important pour la crise politique et ontologique aux USA. Elle semble écarter ou rendre bien improbable l’option d’une intervention militaire dans la crise, y compris en cas de blocage politique entre Trump et les démocrates, – si Trump est réélu ou si les résultats des présidentielles sont contestées. Cela signifie que la crise aux USA est beaucoup moins une question de forces, notamment par le biais de l’appui des organismes de sécurité nationale, qu’une question d’influence, de projection psychologique d’une éventuelle autorité, bref pleinement du domaine du système de la communication ; avec comme ultime issue si personne ne remporte une victoire satisfaisante, une décadence accélérée vers la désintégration des Etats-Unis tels qu’ils se présentent aujourd’hui.
Dans ce cas extrême, se poserait la question d’une autre sorte d’intervention militaire, évoquée in fine par “Walrus” lorsqu’il parle de la possibilité d’une intervention des militaires contre des milices civiles [pro-Trump, ou sécessionnistes]. Mais dans ce cas, les choses auront évolué si radicalement que tous les facteurs de la situation devront être révisés. Par exemple, la crainte implicitement évoquée par Milley lorsqu’il rappelle que 47% des forces armées sont faits de minorités, peut être renversée : une armée faite de 53% de non-minoritaires agirait-elle sans remous graves contre des milices civiles engagées dans ce qui prendrait également les allures d’une guerre raciale ? Autre question posée : tous les généraux sont-ils d’accord avec Milley ? C'est-à-dire : pêut-on dire qu'une parole de Milley est une parole “des militaires” ? Et ainsi de suite...
Quoi qu’il en soit, on retiendra qu’il s’agit d’un acte extraordinaire, même s’il devrait éventuellement être comme d’habitude barbouillé d’un “en tant que soldat, j’ai prêté serment de défendre la Constitution et pas le président”, – d’autant plus que cette Constitution stipule précisément que le Président est le commandant-en-chef des forces armées des Etats-Unis.
Mis en ligne le 10 juillet 2020 à 15H45