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4265Effectivement, « The plot against America! » est la dernière phrase, dramatique et de l’article de WSWS.org sur la tentative de kidnapping du gouverneur (démocrate) du Michigan, Gretchen Whitmer. Pour le site trotskiste, il ne fait aucun doute que cette affaire est tune toute petite partie d’une vaste conspiration dirigée par Trump, pour sécuriser une prise de pouvoir après l’élection du 3 novembre ; en bref, pour faire basculer les USA dans le fascisme, comme Philip Roth l’avait imaginé dans d’autres circonstances, dans son ‘Complot contre l’Amérique’ de 2004-2006.
(Mais le ‘complot’ de Roth, lui, est avec Charles Lindbergh et se situe en 1940-1941, et l’appréciation de ce livre notamment : « Paul Berman et Martine Chard-Hutchinson voient dans ce roman une ré-invention de l’histoire des États-Unis dont le but est de montrer le risque d’une possible dérive fasciste de ses institutions, dans la lignée de ‘Cela ne peut arriver ici’ de Sinclair Lewis ».)
WSWS.org, sur les péripéties bien présentes : « La nouvelle officielle hier des accusations de conspiration criminelle contre 13 fascistes qui ont comploté pour kidnapper et assassiner le gouverneur du Michigan, Gretchen Whitmer, lève tout doute sur ce que Donald Trump veut dire lorsqu’il refuse de s'engager dans une “transition pacifique du pouvoir”. Le président américain est clairement impliqué, en paroles et en actes, dans un vaste et violent complot visant à renverser le résultat de l'élection du 3 novembre. »
La droite pro-Trump est notablement discordante par rapport à l’interprétation des trotskistes. Ou bien elle ne s’intéresse guère à l’affaire, ou bien elle la minimise, ou bien elle nous procure des détails croustillants comme cette vidéo d’une des jeunes gens inculpés (Brandon Caserta) qui parle à partir d’un environnement notablement anarchiste, tout à fait différent de ce que nous décrit WSWS .org. Plus que jamais, le débat n’est pas tant pour observer et rendre compte de l’évolution des choses que pour tenter, souvent vainement, de répondre à la question de Finkielkraut : « Qu’est-ce qu'il se passe ? »
Ainsi, le site RedState observe-t-il :
« Le Detroit News a laissé entendre qu'il y avait un lien avec les Boogaloo Boys parce que Caserta portait une chemise hawaïenne dans une vidéo, mais ils ont omis de mentionner le drapeau anarchiste qui figure au mur derrière Caserta dans la vidéo. Pas de précisions non plus sur le fait que les Boogaloos comprennent des gauchistes, des anarchistes, sont très anti-gouvernement et anti-police, ayant beaucoup plus en commun idéologiquement avec les BLM/Antifa que tout groupe conservateur ou “de droite”. Il y a une discrétion révélatrice de cette dimension des Boogaloo Boys... »
Nous vivons dons aux USA, à trois semaines de l’élection et passé comme une lettre à la poste le Covid-ultraspeed du président Trump, dans une atmosphère de complot subversif à ciel ouvert. Pour faire pendant à l’affaire du Michigan et mettre un peu de diversité avec un mode un peu plus original, comme le veut le PC courant, on ajoutera un rapide épisode qui témoigne plus de la fatigue due à l’âge (81 ans) que de l’amorce d’une véritable offensive qui n'en serait d'ailleurs qu'une de plus, de la Speaker Pelosi contre le prédisent. Pelosi a lancé l’idée d’une ‘Commission du 25ème Amendement’ qui serait chargée de veiller à la bonne santé du président pour assurer ses fonctions. (Le 25ème Amendement prévoit la possibilité de destituer le président si sa santé, son équilibre mental, etc., ne lui permettent plus d’assumer sa fonction).
Comme nous l’explique ZeroHedge.com, avec exclamations de Trump en bruits de fond :
« La législation [envisagée par Pelosi] prévoit la création d'une Commission sur la capacité présidentielle à s'acquitter des pouvoirs et des devoirs de la fonction.
» La fonction exacte de la commission n’est pas claire, mais nous soupçonnons que, si elle était adoptée, cet organe serait chargé de faire des recommandations à l'administration sur la question de savoir si le pouvoir doit être transféré au vice-président via la section 3 ou la section 4 du 25e amendement.
» Trump n’est pas du tout satisfait des commentaires de Pelosi sur le 25e amendement et a déclaré que ‘Nancy la dingue’ était ‘celle qui devrait être soignée’. »
D’autres réaction viennent de parlementaires républicains, qui se disent irtrités par la quête hystérique et sans fin de la Speaker de la Chambre pour avoir la peau du président. Par exemple, le député Doug Collins, dont le commentaire laisse clairement entendre qu’à défaut de la laisser faire contre Trumlp, on pourrait se rattraper en se débarrassant de Pelosi : « D’abord, c’était le canular de la Russie, puis la mise en accusation simulée. Maintenant, elle essaie le 25e amendement [pour santé incertaine], – parce qu'il s’est complètement remis du coronavirus, sans doute ?! Nous ne la laisserons pas s'en tirer comme ça. »
Ce qu’on veut montrer ici c’est que, comme à Vienne en 1814, “le Congrès s’amuse” dans une chasse devenue complètement incontrôlable, sinon incompréhensible, des uns contre les autres et des autres contre les uns. « L’épisode du Covid de Trump a paradoxalement renforcé le président dans la bagarre, dit un expert indépendant en stratégie politique, mais il a aussi renforcé l’opposition au président par tous les moyens, et désormais les plus illégaux si nécessaire ! Désormais c’est ‘open bar’ pour les affrontements comme celui d’O.K. Corral » La référence très westernienne nous ramène à une Amérique avec bien peu de loi et de droit, et c’est évidemment dans cette direction qu’évolue Washington D.C., de plus en plus ‘D.C.-la-folle’.
« Cette période entre le Covid de Trump et l’élection, après le drame du Covid, qu’on aurait pu croire comme un moyen de désamorcer un peu de la tension, produit absolument l’effet inverse ! La haine antiTrump est plus forte que jamais, et Trump est persuadé qu’il peut écraser les démocrates ! Plus personne ne croit aux sondages et plus personne ne s’y intéresse vraiment. On est déjà dans l’après-3 novembre et les uns et les autres fourbissent leurs moyens d’intervention opérationnels !... »
C’est à ce point qu’il nous apparaît de bonne circonstance de faire intervenir un texte qui reprend une rencontre-interview de Spoutnik-France avec un politologue et universitaire canadien, Marc Simard, ; première personnalité d’origine Wendard (de descendance iroquoise) à tenir cette position professionnelle. Simard donne sa vision des événements aux USA dans les semaines et mois à venir, et cela s’orientant nettement dans le sens d’une guerre civile. Simard est clairement anti-Trump avec toutes les dérives et parti-pris qui vont dans ce sens (comme en face en sens contraire), mais ce n’est certainement pas ce qui nous intéresse en l’occurrence, sinon pour nous confirmer que des deux côtés on se sent agressé par l’autre et donc fondés à “répondre”. L’intérêt de son propos est sa radicalité opérationnelle puisqu’il va jusqu’à donner comme référence au conflit qui vient, à rien de moins que la guerre d’Espagne 1936-1939 ; dans ses prévisions, la présence et le déploiement de milices armées des deux côtés joue un rôle prépondérant.
Une fois encore, il nous faut insister, non sur la pertinence ou pas des orientations, détails, structures des mouvements envisagés, mais sur l’unanimité de la prévision de mouvements violents de type-guerre civile. Il s’agit d’un état de psychologie collective, et de la densité de cette psychologie collective qui semble ne plus être capable d’envisager autre chose que la violence ; et si cette violence devait se confirmer comme cela paraît inéluctable, ce serait l’ouverture d’une séquence décisive du point de vue de la cohésion structurelle des États-Unis... Ce serait aussi l’entrée dans la phase décisive et la plus imprévisible de l’effondrement du Système (GCES).
Le texte de Spoutnik-français ci-dessous, du 8 septembre 2020, est de Jérôme Blanchet-Gravel.
» Milices armées, tensions raciales, colère et fatigue dues à la pandémie: aux États-Unis, l’élection présidentielle du 3 novembre prochain est sans doute l’une des plus redoutées de toute l’histoire de ce pays.
» Selon une récente étude commandée par le magazine Washington Examiner, plus de 60% des Américains estiment que leur pays est sur le point de basculer dans la guerre civile. 50% d’entre eux déclarent aussi avoir fait des provisions de biens essentiels pour parer à cette éventualité. Un réflexe survivaliste.
» Presque deux après la publication d’une chronique dans le journal québécois Le Devoir où il évoquait cette perspective, l’historien Marc Simard n’est guère plus optimiste. Invité à cette époque à développer son point de vue au micro de Sputnik, il rappelait que le nombre élevé d’armes à feu sur le territoire pouvait rapidement contribuer à une escalade des tensions, ce qui n’est pas moins vrai aujourd’hui:
» “Il y a eu 40.000 morts par arme à feu aux États-Unis en 2019. Il y a eu 25 fois plus d’assassinats par arme à feu aux États-Unis que dans la moyenne des autres pays occidentaux. C’est incroyable. […] Et avec la pandémie de Covid-19, il s’est vendu plusieurs autres millions d’armes. Des gens se sont constitué un arsenal. Il y a en fait 120 fusils pour 100 personnes dans ce pays”, précise-t-il.
» Mais s’il faut des armes pour faire la guerre, c’est surtout la vive polarisation qui pourrait mener à ce grave conflit, observe le professeur retraité du Collège François-Xavier Garneau, à Québec. La pandémie de Covid-19 aurait davantage fait ressortir les injustices vécues par les Afro-Américains, alors que le taux de mortalité du virus s’est avéré plus élevé parmi les communautés noires :
» “Avec la pandémie et le mouvement Black Lives Matter, c’est comme si la plaie s’était infectée encore plus. Il y a plus de colère et de frustration dans l’air qu’il y a deux ans. […] Le fait qu’il ne semble pas y avoir de progrès en matière de racisme crée un effet de répétition très néfaste pour le climat en général. […] Avec les réseaux sociaux, les cas d’abus se répandent plus vite et de manière plus crue”, analyse l’ex-enseignant.
» Auteur de plusieurs livres dans sa discipline, Marc Simard estime que le “blocage politique” des États-Unis n’améliore pas la situation. Il suffirait d’un seul incident de trop pour entrer dans “un scénario comparable à celui de la guerre civile espagnole” de 1936-1939, laquelle avait démarré dans un contexte de polarisation analogue, celui des “blancs contre les rouges”.
» “Les États-Unis sont pris dans le même bipartisme depuis 1868 et la Constitution est devenue hyper-politisée. […] L’enjeu constitutionnel touche des questions très sensibles auprès de la population, comme celle de l’avortement. Sur une foule de questions comme celle-là, le feu couve et le dialogue est impossible. […] La société américaine est comme un volcan au bord de l’éruption», souligne l’historien québécois.
» Récemment, les images d’une milice armée afro-américaine défilant dans les rues de La Fayette en Louisiane ont été diffusées dans divers médias.
» Se présentant sous le nom de ‘Not Fucking Around Coalition’ (NFAC, ‘La coalition qui ne déconne pas’), cette milice est loin d’être le seul groupe armé aux États-Unis. Plusieurs groupes paramilitaires comme les «Proud Boys» sont soupçonnés de vouloir intervenir sur le terrain si des irrégularités électorales étaient dénoncées par l’un ou l’autre des candidats.
» Durant le dernier débat télévisé l’ayant opposé au démocrate Joe Biden, Donald Trump a refusé de condamner directement les groupes ‘suprématistes blancs’, en demandant plutôt aux ‘Proud Boys’ de “reculer et de se tenir prêts”. Mais prêts à quoi?
» “On ne sait pas encore si Donald Trump sera assez dément pour lancer un appel aux milices comme celle des Proud Boys. Ce n’est pas totalement impossible et beaucoup de gens le craignent. […] Par rapport à il y a deux ans, il est évident que le risque de guerre civile a augmenté», poursuit Marc Simard.
» Dans un article publié en octobre 2018 dans le quotidien américain The Sunday Times, Niall Ferguson, professeur d’histoire de l’Université Harvard, a défendu un pronostic similaire à celui de Marc Simard. Il redoutait que l’élection présidentielle de 2020 ne provoquât “la scission définitive de la société américaine”.
» Le 3 novembre prochain, une défaite de Donald Trump mettrait-elle un terme aux tensions ? Marc Simard n’en est même pas sûr:
» “Si la guerre civile devait vraiment éclater, il s’agirait d’un conflit extrêmement sérieux qui entraînerait probablement une vague de migrations vers le Canada. Des régions éloignées comme celles dans les montagnes Rocheuses pourraient même se rabattre sur la guérilla […] Même si Trump est battu et quitte la Maison-Blanche, il y a de bonnes chances qu’il continue à marteler son discours”, avertit l’historien. »
Mis en ligne le 9 octobre 2020 à 14H15