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3136L’hypothèse d’une nouvelle (deuxième) guerre civile aux USA constitue désormais un “bruit de fond” constant du système de la communication américaniste. Les versions abondent et se succèdent sous les plumes les plus diverses.
Le regard sur cette perspective est absolument radical et schizophrène. La perspective est d’une part perçue selon un réflexe-Système (dans la presseSystème disons coutumière) comme étant si sacrilège qu’on s’interdirait absolument de l’affirmer, et à la fois quasiment acquise comme quelque chose d’irréversible, y compris dans des milieux intégrés dans le Système. C’est une sorte de réflexion de fantasme qui répondrait à la fameuse formule des scientifiques matérialistes du hasard et de la nécessité (« Le Hasard et la Nécessité », fameux best-seller du professeur Monod en 1970, ne tenant guère de compte de l’aspect transcendant de la logique du ‘Big Bang’). Ce désordre est l’indice effrayant de l’inéluctable de la logique du désordre qu’on n’arrive plus à se priver de détailler.
Ainsi du milliardaire Ray Dalio, évidemment un expert de la chose dans le sens de l’apaisement et de la modération puisque membre très intégré du Système et sachant en profiter, dans son livre « The Changing World Order ». Le livre vient de paraître le 30 novembre et se veut surtout une analyse de technique économique, justement marquée par son engagement dans le Système. Il est donc d’autant plus significatif qu’il juge nécessaire d’aborder cette perspective de la guerre civile. Il annonce qu’il y aura sans doute une guerre civile d’ici 2031 aux USA, selon l’analogie de la graduation des tempêtes, – une tempête interne dans ce cas, – qui aurait d’ores et déjà atteint la Force 5 (guerre civile lorsque nous serons en Force 6) :
« Selon le milliardaire Ray Dalio, il existe un “risque dangereusement élevé” que les États-Unis basculent dans une guerre civile au cours des dix prochaines années en raison de la “quantité exceptionnelle de polarisation” observée actuellement dans le pays. Le fondateur de la plus grande société de fonds spéculatifs au monde écrit qu'il y a 30 % de chances qu'une telle issue se produise parce que les règles de gouvernance sont ignorées.
» Se référant aux six étapes du cycle ‘ordre/désordre interne’, qui se termine par une guerre civile, Dalio affirme que les États-Unis se trouvent actuellement au cinquième stade : très mauvaises conditions financières et conflit intense [politique et sociétal].
» "Par exemple, lorsque des élections serrées sont jugées et que les perdants respectent les décisions, il est clair que l'ordre est respecté. Lorsqu’au contraire le pouvoir élu est disputé et jugé comme ayant été accaparé, cela signale clairement le risque important d'un changement révolutionnaire avec tout le désordre qui l'accompagne", écrit Dalio.
» Il note que diverses personnalités, y compris des fonctionnaires de haut rang, ont ouvertement douté de la validité des récentes élections et ont exprimé leur volonté de se battre pour leurs convictions à ce propos.
» Dalio a également cité plusieurs études montrant le fossé émotionnel [affectiviste] croissant entre les deux partis politiques. Ainsi, selon lui, une récente enquête a montré que 15% des républicains et 20% des démocrates pensent que le pays se porterait mieux si une majorité du parti politique adverse “était éliminé dans le sens radical tout simplement de mourir”.
» Il a également déclaré que la Constitution est “l'ordre interne le plus durable et le plus admiré”, ce qui “rend moins probable son abandon, mais beaucoup plus traumatisant si elle est effectivement abandonnée”. »
On observera un certain manque de cohérence dans les arguments qui sont développés, qui montrent bien la confusion d’esprits rationnels et ayant foi dans l’américanisme, pourtant confrontés à la pression tentatrice irrésistibles des temps-devenus-fous d’évoquer une telle perspectives, – une perspective si tentante, malgré sa déraison pour de tels esprits, parce qu’elle seule donnerait un sens à tous les événements actuels.
D’autres observateurs, moins liés au Système quoique n’en étant pas l’adversaire, s’attachent à une prévision plus minutieuse d’une telle perspective de guerre civile, comme l’écrivain et universitaire activiste modéré américaniste Malcolm Kyeyune, qui vit à Uppsala, en Suède, donc a priori loin des fièvres affectant son pays. Son essai, paru le 12 novembre sur le site réputé et trèsd influent outre-manche ‘Unherd.com ’, repris par le ‘Daily Mail’ puis par le site WND, détaille cette possibilité de guerre civile en la jugeant « pas terriblement improbable » et en envisageant très concrètement une intervention militaire... Repris ici de WND :
« “L'Amérique est actuellement une sorte de marigot infectés d’étranges croyances, de nouveaux credos, de devins et de prophètes itinérants, du scientisme vaccinal à diverses formes de pseudo-gnosticisme centré sur les transgenres”, explique Malcolm Kyeyune.
» “Les discours d’insurrection, de sécession, de conflit civil et de guerre civile ne sont plus le fait de fanatiques, de marginaux et de malades mentaux. Ils commencent à pénétrer la société policée. Certains soutiennent ce “divorce national”, d’autres s’y opposent. D’autres encore affirment qu’ils préféreraient en fait déclarer la guerre à leurs compatriotes récalcitrants plutôt que de les laisser suivre leur propre chemin sans être inquiétés.”
» Il n’est tout simplement pas “irrationnel” d’envisager de telles possibilités, “étant donné l'époque”, a-t-il expliqué. “L'année 2021 a jusqu'à présent été une année spectaculaire pour les signes de déclin politique : les États-Unis ont maintenant vu apparaître, l’un après l'autre, tous les fameux ‘cavaliers de l’apocalypse’ qui annoncent historiquement les troubles et la révolution.”
» Kyeyune cite “la division politique de ses élites, leur perte croissante de légitimité aux yeux de la population, la défaite militaire à l’étranger, et une nouvelle crise très inquiétante de l’économie réelle, sans terme prévisible.”
» “Chacune de ces crises serait suffisamment grave en soi ; prises ensemble, elles représentent une menace vraiment sérieuse pour la stabilité de l'ordre actuel”, a-t-il déclaré.
» Kyeyune a également déclaré qu’il existe une “idée fausse” selon laquelle un conflit civil serait improbable ou impossible en raison de la puissance massive de l’armée américaine et de la foi en sa capacité à vaincre “même une population interne numériquement importante et mécontente.”
» “C’est une dangereuse idée fausse. Si l’armée américaine est effectivement puissante et richement financée, c’est une armée conçue pour combattre d’autres pays. La guerre entre pays étrangers est liée à des règles et des règlements ; elle est basée sur le consentement. Cette affirmation peut sembler étrange, étant donné qu'un pays ne puisse pas simplement refuser une déclaration de guerre d'un ennemi, mais elle est vraie. Il y a une compréhension formelle ou informelle de qui est un combattant réel et qui ne l’est pas”, a-t-il expliqué.
» Mais d’autres guerres peuvent se développer, où les combattants “ne joueraient pas selon les règles”.
» “Une insurrection en Amérique a à peu près autant de raisons que les Amérindiens autrefois de suivre les règles de leurs ennemis ; ils ne sont pas obligés de porter des lumières stroboscopiques clignotantes pour être plus faciles à cibler par les drones. Et ce simple fait signifie qu'un effort de contre-insurrection aux États-Unis est presque certainement voué à l'échec”, a-t-il averti.
» Ce qui fait la puissance de l'armée américaine, des armes de haute technologie à l’immense pouvoir, “n’est pas seulement inutile, mais contre-productif” dans la contre-insurrection. De plus, l'armée est loin d'être assez nombreuse.
» “Pendant l'opération Banner, l'armée britannique a déployé tout au plus 20 000 soldats en Irlande du Nord pour contrôler cette province capricieuse. Les forces armées américaines comptent environ 1,3 million de personnes en service actif, mais ce chiffre est réparti entre cinq armes (US Army, Marine Corps, US Navy, USAF, Coast-Guards), et seule une petite minorité du personnel militaire est réellement constituée en forces de combat. Il est très peu probable que les forces armées puissent rassembler plus de 100 000 soldats réguliers prêts à tenir une carabine M4 et à patrouiller dans la rue principale de ‘Anytown’, au Texas.
» “Pour mettre cela en perspective, on précisera que l’Irlande du Nord fait environ 2% de la taille du Texas”.
» L’envoi d’unités militaires pour gouverner sous la menace des armes les “régions mêmes” dont elles sont originaires constituerait une force “peu fiable”. “Plus la brutalité sera utilisée contre les États rouges [républicains] récalcitrants, plus ces soldats recevront l'ordre de combattre et de tuer leurs propres amis et leur famille, – une recette pour une mutinerie et des désobéissance sérieuses”, observe-t-il.
» “Ce qui est significatif pour l'Amérique d'aujourd'hui, ce n'est pas qu'elle approche de son 250e anniversaire, mais plutôt les signes clairs et avancés de la maladie dans le corps politique. Les rangs de l'armée américaine sont aujourd’hui dans un très mauvais état moral après 20 ans d'échec dans le ‘nation’s building’ [ et un enrégimentement dans l’idéolisation wokeniste] tandis que le corps des officiers supérieurs est de plus en plus éloigné du monde des soldats, reflétant la même fracture culturelle, économique et sociale qui empoisonne actuellement la vie civile aux Etats-Unis”.
» Et de conclure : “S'il existe un moment dans l'histoire où les guerres civiles sont réellement susceptibles de se produire, c’est précisément lorsqu'une élite délégitimée entreprend les réformes nécessaires après avoir laissé les problèmes sous-jacents s’envenimer pendant des décennies. C’est à ce moment-là que les États sont les plus faibles, et qu'ils sont vulnérables aux pires formes de catastrophes internes. Malheureusement, c'est peut-être vers cela que l'Amérique se dirige aujourd'hui.” »
Plus haut, nous parlions de “bruit de fond”. Il s’agit de l’entretien et du développement, et surtout de l’élargissement d’un climat psychologique spécifique propice à la perspective d’une guerre civile (au sens large, quelque aspect qu’elle prenne). La précision la plus intéressante de Kyeyune, au-delà de ses supputations sur le moral de l’armée, c’est bien celle-ci, signifiant que l’hypothèse de la guerre civile est devenue une sorte de normalité de la supputation politique aux USA, signifiant ainsi que la pensée politique (et politicienne) n’est plus contrainte d’éviter cette possibilité qui a toujours été considérée comme un anathème depuis 1865 :
« Les discours d’insurrection, de sécession, de conflit civil et de guerre civile ne sont plus le fait de fanatiques, de marginaux et de malades mentaux. Ils commencent à pénétrer la société policée. Certains soutiennent ce “divorce national”, d’autres s’y opposent. D’autres encore affirment qu’ils préféreraient en fait déclarer la guerre à leurs compatriotes récalcitrants plutôt que de les laisser suivre leur propre chemin sans être inquiétés. »
Bien plus qu’aucun autre argument ou constat, cette affirmation, qui a toutes les chances de refléter la vérité-de-situation depuis que les USA sont dans une situation de tension intérieure extrême, constitue une mesure de la gravité des choses aux USA. Il est évident qu’aucune situation psychologique et intellectuelle de cette sorte n’a existé aux USA, toujours depuis la fin de la guerre de Sécession. Par exemple, même si les événements intérieurs furent beaucoup plus violents et meurtriers durant la fameuse décennie de contestation des années 1960, ils n’atteignirent jamais dans les psychologie cette intensité d’une possibilité de “divorce national”. La situation politique, psychologique et sociétale, ne cessant de s’enfoncer dans des impasses hystériques, l’idée de “divorce national” (sécession, guerre civile, etc.) va de plus en plus s’imposer comme la seule ‘issue de secours’.
On ne fait là que constater l’opérationnalisation d’une situation psychologique, et même spirituelle, que le constitutionnaliste Jonathan Turley observait de cette façon à l’occasion des événements du 6 janvier :
« Toutes les images de manifestants escaladant les murs du Capitole et occupant brièvement le Congrès resteront gravées dans notre mémoire collective pendant des décennies. Certains ont parlé d’une émeute. D’autres ont parlé d’une insurrection. Quel que soit le nom que vous donnez [à l’événement], c’était une désacralisation. Les émeutiers ont profané le ‘moment’ le plus sacré de notre système constitutionnel, lorsque la nation se réunit pour certifier notre prochain président. C’est pourquoi il est trop facile de traiter cela comme une crise insurrectionnelle. C’est bien plus grave. C’est une crise de la foi. »
Mis en ligne le 4 décembre 2021 à 02H40