RapSit-USA2021 : Couronnement du décapité

Brèves de crise

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RapSit-USA2021 : Couronnement du décapité

Qui en juge d’une façon objective doit le reconnaître : on n’a jamais vu une telle situation, où le battu de l’élection présidentielle des États-Unis, qui plus est ayant subi deux procès en destitution, fait son ‘come back’ quarante jours après son départ sous les lazzis inspirés des plumitifs de la presseSystème de la Maison-Blanche ; et un triomphe, en plus, avec un discours-fleuve au congrès de son parti, lequel n’a cure de la défaite qu’il conteste absolument, dans un enthousiasme extraordinaire, comme si la défaite était une victoire, – ‘Make The-Donald Great Again’, si vous voulez, bien qu’il n’ait jamais cessé de l’être dans ce Fantasyland où Alice perdrait à la fois son latin et son sens de la désorientation.

En même temps, pour poursuivre la description de cette situation extraordinaire, le président-élu, c’est-à-dire l’homme de la victoire-tant-attendue et tant-espérée par toute la gent démocratique atlantico-européiste, en visite au Texas (suite au désastre de la vague de froid), passe quasiment inaperçu, – d’ailleurs volontairement, – sauf pour une intervention où on l’entend marmonner une liste d’élus texans en déformant les noms, jusqu’à remarquer lors de cette intervention, pour lui-même mais aussi pour le micro comme s’il était perdu dans une existence et un monde inconnus « What am I doing here ? » (disons, pour être un peu plus leste que le pauvre Biden : “Mais qu’est-ce que je fous ici ?”). La situation est extraordinaire, le contraste est saisissant.

Le sentiment de la bienpensance, du Politiquement-Correct, du conformisme-Système, tel qu’il était partout proclamé, était que la ‘victoire’ de Biden (guillemets autorisés, sauf par Tweeter) allait balayer à jamais, bannir de nos mémoires, désintégrer de notre souvenir le personnage odieux, rustre, illégal et évidemment fasciste. Le résultat est exactement contraire, jusqu’au point où certains médias de la presseSystème, ceux-là même qui suivaient évidemment ce sentiment et applaudissaient à la chute de l’Immonde, firent une place remarquée, considérable et largement détaillée au discours de Trump  à la convention républicaine (LCI, par exemple mais tant d’autres dans le même sens). Trump devait disparaître à jamais dans les poubelles de l’histoire, il est plus que jamais présent, en complète contradiction avec l’effacement constant de Biden, – d’ailleurs, essentiellement pour Biden, pour une raison dont il ne porte pas la responsabilité politique, qui fut jusqu’ici bannie de toute mention et hypothèse par la censure-Système, d’une santé extrêmement fragile (troubles cognitifs) en plus de l’âge avancé que l’on sait (78 ans) ... Mais qu’importe ce dernier point du Biden n’ayant pas la responsabilité de son effacement, il n’empêche que c’est le spectacle qu’il donne et donc ce qu’il nous paraît être, et seul cela importe.

C’est une bien étrange occurrence découlant d’un monde schizophrénique dans une série de simulacres parallèles produits en série, à la chaîne, ce monde entièrement animé par une communication hyperpuissante d’où toute tentative d’objectivité est bannie. Dans une telle perspective déformée par les radicalismes et l’absence de référence objective, Trump nous apparaît pour bien plus grand qu’il n’est, doté de qualité d’un grand rassembleur politique alors qu’on sait bien les défauts considérables de l’homme, la médiocrité sinon l’inexistence de ses conceptions politiques étrangères à tout projet conceptuel sérieux ; y compris cela, bien entendu, dans le champ du ‘fascisme’ dont il est affublé par des observateurs incultes, incompétents, déraisonnables, ignorant complètement la puissance et l’organisation structurelle et idéologique du véritable fascisme (même si c’est pour le dénoncer et le maudire) ; sans le moindre rapport, cela (bis), avec ce qu’on veut bien nommer ‘trumpisme’, ce qui suppose qu’on a le néologisme en ‘-isme’ bien facile.

La conclusion opérationnelle temporaire qu’on peut proposer à ce point est bien que Trump, qui fut en novembre 2016 le ‘Cocktail Molotov-humain’ (selon Michael Moore) envoyé par le peuple des ‘Deplorables’ sur l’establishment washingtonien, est à nouveau réarmé selon le même procédé, dans une nouvelle attaque contre ce même establishment, accusé par ces même ‘Deplorables’ d’avoir faussé l’élection de novembre 2020. Le parti républicain classique, les mandarins et caciques qui font partie de l’establishment eux aussi, qui espéreraient se débarrasser de Trump à cette occasion, sont obligés de le rallier dans une nouvelle épreuve, un nouveau calvaire, sous peine d’être méchamment purgés.

(Voir le cas de McConnell dont on avait fait un peu vite le Grand Sachem du retour des républicains dans la normes-Système. Nombre d’imbéciles de la presseSystème, dans une démonstration extraordinaire d’angélisme de l’aveuglement servile, se sont offusqués de le voir, en trois semaines, en arriver à dire exactement le contraire de ce qu’il avait dit lors de la deuxième destitution-bouffe, à propos de la terrifiante tentative de ‘coup d’État’ du 6 janvier, – autre montage de communication au regard de la réalité des faits, si grossier, si stupide, si enfantin enfin ! Il faut apprendre à mesurer la puissance des courants en jeu, portés par l’hyperpuissance communicationnelle avec son terrible effet-Janus, et se dire que pour être Grand Sachem on n’en est pas moins politicien-politicard soucieux de son avenir politique.)

Pourtant, les descriptions diverses ainsi déroulées, et notamment les descriptions ou allusions succinctes faites aux deux hommes que la situation oppose, Trump et Biden, dissimulent à peine que l’affrontement en cours dépasse les sapiens. Aussi, ce ne sera certainement, ni les personnalités, ni leurs buts et leurs ambitions, ni leurs organisations qui conduisent les événements et donnent cette sensation inédite d’un immense bouleversement en cours sans rien de commun avec les bouleversements qui nous sont connus, qui trouvent leurs références dans les grandes crises que nous avons connues dans l’Histoire.

Nous sommes à nouveau dans un épisode, – avec le départ de Trump et l’installation de Biden et des démocrates, – où l’on nous annonçait un ‘retour à ‘une’ normalité’ américaniste, celle de la gauche sociétale-progressiste (wokeniste) une fois débarrassé de la peste trumpiste. Mais tout cela nous paraît assez vain et assez court à la fois, bien trop faible pour justifier, encore moins expliquer le sentiment de puissant changement qui pèse sur nous.

L’on comprend bien que ce n’est pas la ‘peste trumpiste’ qui importe, ni l’extraordinaire faiblesse médiocre d’un président-élu qui est en plus irrémédiablement handicapé par son âge et des faiblesses sanitaires épouvantables. L’on comprend aussi bien qu’il n’y a, derrière tout cela, ni vaste dessein, ni grande organisation subversive ou autre, tant les événements, pourtant d’une extrême puissance et qui paraissent irrésistibles parce que formidablement structurés, ne parviennent en aucune façon à remettre en place un semblant de stabilité (structurée justement). Nous parlons aussi bien dans ce cas, sinon plus logiquement selon la chronologie des apparences d’événements décisifs, de l’échec de plus en plus évident à installer  la stabilité complètement structurée par la subversion et l’inversion subversive que recherchent les démocrates soutenus, poussés, manipulés par le courant wokeniste qu’ils reprennent à leur compte ; comme par exemple une censure décisivement efficace, plus des mesures anti-conservatrices décisives, qui rencontrent partout des obstacles, des ripostes, une parcellisation des centres de résistance qui interdit une victoire décisive.

Aux USA certainement, et comme ailleurs dans le bloc-BAO avec un peu moins d’effets immédiats, le contrecoup de la crise-Covid se fait également ressentir de plus en plus au niveau social et sociétal, dans le sens d’une modification des psychologies annonçant un bouleversement de fond des attitudes et des comportements. La chose est moins stridente aux USA où tout est fortement et immédiatement intégré à une tension politique extrême, mais elle est aussi puissante dans ses effets. Hors des USA, dans le bloc-BAO, les effets politiques du bouleversement-Covid sont logiquement moins visibles, mais là aussi, dans cet autre sens, ils seront très profonds.

C’est bien dans cette combinaison d’événements que l’on trouve les signes de ce que nous décrivons très vaguement et en l’absence de références plus précises, comme une dynamique événementielle d’une dimension et d’une orientation qui dépasse les actes et les volontés humaines, et toutes les tentatives d’organisation (y compris, ô combien, les tentatives complotistes). Nous sommes dans un temps maistrien (de Maistre), où le Temps se contracte au gré du ‘tourbillon crisique’ qui acquiert désormais, depuis Trump-2016 pour commencer et depuis la Covid-2020 pour s’installer d’une façon absolument structurelle, jusqu’à former une structure crisique où nous évoluons.

Ainsi la dynamique événementielle nous enveloppe, nous ‘désarme’ en quelque sorte en nous interdisant l’accès aux mécanismes qui font évoluer l’histoire vers la métaHistoire. Nous ne sommes plus que les spectateurs de notre destin ; et, au fond, Trump est un excellent ‘Monsieur Loyal’ de cet étrange spectacle dont nous ne tenons plus la clef, dont nous ne sommes plus les organisateurs, dont même nos vaines tentatives-simulacres (“Nous n’y comprenons rien, feignons d’en être les organisateurs”) se heurtent à notre scepticisme à propos de nous-mêmes.