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3616Il semble désormais qu’un mouvement de “libération” (le mot est employé) des contraintes liées à la Covid soit en route dans divers États de l’Union aux USA, à commencer par le Texas dont le gouverneur, Greg Abbott, a annoncé sa décision d’abandonner le port du masque et d’autoriser la reprise de toutes les activités sociales et professionnelles, sans aucune restriction dues à la Covid. C’est le premier État qui s’affranchit d’une façon aussi formelle et solennelle de toutes les obligations Covid édictées par des organismes fédéraux, principalement le CDC (l’organisme fédéral sanitaire, notamment chargé de la lutte contre la Covid).
Comme on le voit ci-dessous, dans le texte de ZeroHedge.com, la décision d’Abbott est aussi bien politique que sanitaire. Les mesures de contraintes et de confinement qu’il avait prises ont provoqué un effondrement de sa popularité et peut-être la fin de ses espoirs d’une candidature présidentielle en 2024, comme on a pu le voir à la Convention conservatrice (CPAC) des républicains ce week-end.
« Pour 30 millions de Texans, le cauchemar du confinement est terminé, du moins pour l’instant.
» Alors que le CDC s’efforce toujours de trouver un prétexte pour prolonger des mesures de confinement draconiennes et que la nouvelle directrice exhorte les États à ne pas assouplir les restrictions, le gouverneur du Texas Abbott a défié mardi l’organisation dont la politisation est devenue une cause d’humiliation [pour les États], et a annoncé que le deuxième plus grand État des USA lèvera l’obligation du masque et toutes les autres restrictions anti-pandémie, dans un contexte de baisse des hospitalisations et des taux d’infection.
» À compter du 10 mars, toutes les entreprises auront ouvert à 100 % de leur capacité, a déclaré Abbott lors d’un point de presse mardi. Son décret permet aux juges de comté de rétablir les règles anti-virus si les hospitalisations augmentent.
» “Trop de Texans ont été écartés des opportunités d'emploi ; trop de propriétaires de petites entreprises ont eu du mal à payer leurs factures”, a déclaré le gouverneur républicain. “Il est maintenant temps d’ouvrir le Texas à 100%”.
» ... Les mesures anti-pandémie d'Abbott avaient provoqué la colère de sa base électorale conservatrice, qui les considérait comme un interventionnisme public excessif, et ont peut-être étouffé les aspirations présidentielles qu’il nourrissait. Selon Bloomberg.News, Abbott a obtenu 0 % des voix lors d’un sondage présidentiel à la Conférence sur l’Action Politique des Conservateurs [CPAC] le week-end dernier.
» Les nouveaux cas Covid au Texas sont tombés à leur plus bas niveau depuis cinq mois, soit 1 637 cas lundi, selon les chiffres du ministère de la santé de l’État, tandis que les hospitalisations dues au virus ont atteint leur plus faible niveau depuis le 28 octobre. Selon Abbott, cela s’explique par le fait que le Texas administre plus d’un million de vaccins Covid-19 chaque semaine. »
Il n’y a pas de pays au monde où la crise Covid est plus politisée qu’aux USA. Cela est noté pour Abbott, qui a ordonné la “libération’” complète, pressé par sa chute de popularité démontrée à la CPAC du week-end. De l’autre côté, du côté des démocrates et du gouvernement, la politisation s’est encore accentuée depuis l’entrée en fonction de la nouvelle administration.
Une nouvelle direction du CDC a été mise en place. La doctoresse Rochelle Walinsky, nommée en décembre 2020 par Biden à la tête du CDC, assume cette nomination depuis le 20 janvier 2021. Walinsky se range du côté du “John Snow Memo”, qui représente au travers d’une déclaration signée par 6 000 docteurs la tendance “dure” du corps médical US, partisane d’une lutte décisive contre la Covid, – victoire par la “capitulation sans condition” du virus, par élimination complète, type “Covid zéro”, – cela avec des mesures adéquates, pouvant aller jusqu’au confinement complet ; c’est-à-dire, en termes politiques US, la tendance démocrate affirmée et idéologisée. Cela conduit ZeroHedge.com à conclure, dans cette occurrence pour le cas du Texas :
« ...Si les Texans peuvent se réjouir désormais d’être le seul État où la liberté est revenue, ce n’est qu’une question de temps avant que le tristement célèbre graphique circulaire de la Covid ne fasse sa réapparition...
» ‘La Covid décline, les contraintes sont réduites jusqu’à être complètement éliminées’ –> ‘L’économie est relancée’ –> ‘Le virus revient’ –> ‘Les hospitalisations et les décès augmentent, le confinement revient’.
» Et le pic de nouveaux cas (déterminés par le PCR et les diverses organisations du gouvernement) résultant de cet assouplissement actuel des restrictions, force l’État à se confiner une fois de plus. »
Mais il y a une disposition dans la décision de Abbott qui tempère cette prospective radicale qui impliquerait une soumission totale de l’État au pouvoir fédéral. Le gouverneur du Texas précise qu’une éventuelle décision de remettre en action des mesures restrictives, et le choix de ces mesures, reviennent aux juges de comté, donc à une autorité texane. En théorie cela pourrait revenir à écarter l’autorité du CDC à imposer directement à l’État de telles mesures.
D’autre part, il n’est pas précisé si le jugement sanitaire de la situation, notamment pour une aggravation, sera laissée au CDC, ou bien confié aux autorités sanitaires texanes. C’est là un point de grave tension possible, d’autant que le CDC est ouvertement accusé, désormais avec Walinsky à sa tête, d’être complètement “politisé” dans le sens idéologique des démocrates.
Justement à propos des démocrates : leur sentiment vis-à-vis de la décision d’Abbott est parfaitement résumé par la réaction du gouverneur de Californie Newsom. Il faut noter que Newsom est dans une position politique très délicate ; une pétition proche d’atteindre le million et demi de signatures nécessaires pour forcer à son exécution, exige un vote général de la population, de confiance ou de répudiation de Newsom par rapport à la situation californienne, donc pour se voir confirmé ou définitivement écarté de cette fonction :
« Peu après la décision du gouvernement Abbott de permettre aux habitants de son État d’être “libres” de juger à nouveau eux-mêmes de leur propre sécurité sanitaire, le gouverneur de la Californie Newsom, – cherchant toutes les occasions d’affirmer ce qu’il juge être sa propre responsabilité vertueuse alors qu’il se bat pour sa survie politique dans un contexte de vote de défiance demandé par pétition, – a commenté en deux mots cette décision texane : “Absolument irresponsable”. »
Par ailleurs, le Texas n’est pas seul, certes, parmi les États républicains, à s’engager dans cette voie.
• Dimanche, à la PCAC, le gouverneur de Floride DeSantis avait annoncé que son État est “ouvert au business”, tandis que le port du masque n’est plus obligatoire. Cela implique que la Floride est de facto dans la même position que celle du Texas.
• Le gouverneur du Mississipi Tate Reeves a décidé hier de prendre les mêmes mesures de “libération” que Abbott pour le Texas, selon semble-t-il une décision concertée.
Il y a là une tendance et c’est un événement important, d’autant qu’on y retrouve deux des États républicains les plus importants. Bien sûr, il faut attendre de voir si cette tendance va se généraliser à d’autres États républicains (27 sur les 50 de l’Union). On comprend où nous voulons en venir, nous qui sommes particulièrement attentifs à toute dynamique qui, aux États-Unis, puisse prendre l’allure d’un rassemblement d’États hostiles au pouvoir central, avec à l’esprit cette dynamique sécessionniste si présente aux USA.
En temps normal, les faits jusqu’ici relevés constitueraient un événement sans dramatisation nécessaire, avec possibilité sinon probabilité de règlements à l’amiable entre les pouvoirs d’État et le pouvoir central ; mais nous ne sommes pas, bien entendu, dans des “temps normaux”, et c’est justement un des facteurs de cette anormalité (la crise-Covid), déjà très fortement politisé et situé au cœur de l’affrontement entre les deux factions qui s’opposent, qui est l’objet des décisions de ces États. Qui plus est, comme l’a ressenti le gouverneur Abbott, il s’agit d’une question extrêmement chère à l’électorat républicain, chose à laquelle un gouverneur est bien entendu extrêmement attentif.
(Du côté démocrate, les mêmes facteurs doivent être pris en compte, cette fois pour observer les difficultés que rencontrent les États et leurs gouverneurs, à cause de la Covid et de tout ce qui accompagne cette crise. Les deux États démocrates les plus importants, et si importants pour les USA, sont la Californie et New York : les deux gouverneurs [Newsom le Californien comme on a vu plus haut et Cuomo pour New York, à cause de scandales sexuels] y sont dans des positions extrêmement délicates, tous deux menacés de perdre leurs fonctions en plein mandat. A cet égard, il existe une crise dans les États démocrates, au niveau des directions, exactement dans la mesure inverse où ces structures donnent au contraire l’essentiel de la puissance résiduelle du parti républicain après la défaite de son candidat.)
En raison de tous ces facteurs, et encore une fois de la politisation intense du cas, dans un état de pression et de tension nerveuse extrêmes, l’hypothèse selon laquelle un conflit à tendance sécessionniste pourrait naître entre les divers acteurs de l’affaire, avec une union de plus en plus marquée des États républicains, est très loin d’être inconcevable. On aurait alors une illustration opérationnelle très puissante de l’extraordinaire importance de la crise-Covid, et, en général, de ce que PhG identifie comme la “structure crisique” du Temps métahistorique qui domine de plus en plus le temps courant que tant de commentateurs persistent à prendre en compte et au sérieux à l’aide de narrative et de simulacres grotesques, et à analyser avec une gravité à mesure.
Dernière remarque enfin : l’épisode confirme s’il en était besoin le rôle sans cesse grandissant des gouverneurs, du côté républicain. On n’est pas sans ignorer que, depuis l’élection, les principales influences républicaines sont le fait de gouverneurs, et que le candidat potentiel le plus populaire pour l’élection de 2024, – hors-Trump, bien entendu, – est effectivement un gouverneur, Ron DeSantis, de Floride.
Mis en ligne le 4 mars 2021 à 13H55