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3018La campagne de dénonciation des conditions du retrait US d’Afghanistan, autant que de la décision de ce retrait, continue. Une intervention intéressante est celle de l’historien Victor David Hanson, actuellement Senior Fellow de la Hoover Institution. Sa critique, aussi bien lors d’un passage (vendredi 3 septembre) dans l’émission de soirée en prime time de Tucker Carlson sur Fox.News, que dans un article du 5 septembre pour le même réseau, suscite quelques commentaires dans la mesure où elle s’attache aux conditions régnant dans les forces armées US et surtout dans le commandement
« ... “Il y a quelque chose de terriblement mauvais... Il y a quelque chose qui ne va pas du tout avec notre armée", a déclaré Hanson à ‘Tucker Carlson Tonight’ sur Fox News.
» “Je ne sais pas si c’est parce qu’ils sont distraits à cause de leur wokenisme, alors qu'ils sont en train d’enquêter dans les forces pour éliminer les potentiels ... suprémacistes [blancs], ou s’ils sont simplement incompétents, ou s’ils sont trop préoccupés par les conditions de reclassement [après leur retraite, ou “post-carriérisme”] dans les conseils d’administration des grandes entreprises de l’industrie de défense. Enfin et quoi qu’il en soit, nous avons besoin d'une enquête bipartisane sur nos hauts gradés et le système, [parce que] c’est un échec systémique et que cela nous coûte très cher”... » [...]
« Le jour même de l'attaque qui a tué des soldats américains [à Kaboul], le Chief Sergent-Major de l’armée des États-Unis nous a rappelé dans un tweet que la diversité est notre force, en commémorant non pas les morts mais la Journée de l’Égalité de la Femme. Si c'est le cas, alors le contraire de la diversité, – l’unité, – est-il notre faiblesse ? Cette attitude wokeniste [de la diversité] nous permettra-t-elle [la prochaine fois] de ne pas abandonner la base aérienne de Bagram au milieu de la nuit et sans pression ennemie ? »
Des trois causes qu’énonce Hanson (on a déjà parlé de cet historien, dernièrement ce 23 avril 2021), on jugera que les trois s’additionnent plutôt que s’exclure ; et l’on dira même que les deux dernières (incompétence et carriérisme de retraite friquée) sont exacerbées par la première qui implique une soumission aveugle aux diktats du Système aux dépens des vertus professionnelles et du désintéressement personnel. Ainsi est-il vrai que l’armée des Etats-Unis est en train de devenir une force totalement impuissante, châtrée, productrice de désordre interne en plus des désordres externes qu’elle semait. Comme dans tout bon processus de déconstruction et de désintégration, la pourriture commence par la tête, et ce sont vraiment les généraux et les amiraux qui conduisent le bal de l’effondrement.
Hanson note à ce propos, – wokenisme et carriérisme obligent, – l’attitude extraordinairement sophistique, faussaire et corrompue, de ces chefs militaires par rapport au dogme de l’interdiction pour les militaires de porter des jugements critiques de leur direction civile. L’hypocrisie s’étale au plus haut niveau, celui du président du comité des chefs d’état-major Milley.
Au moment du fiasco de l’Afghanistan, le chef d’état-major de l’ONI (Office of Naval Intelligence) a rappelé aux militaires d’active et retraités qu'il leur était interdit par le Code de Justice Militaire de critiquer les dirigeants civils (dont Biden évidemment). Un lieutenant-colonel du Corps des Marines a été relevé de son commandement pour avoir diffusé une vidéo très critiques de Biden et de ses chefs militaires, ce qui est conforme au règlement. Mais, interroge Hanson, qu’a-t-on fait du règlement avant le 20 janvier 2021, lorsque Trump était le président en fonction ?
« Le général à la retraite Michael Hayden a fait suivre le tweet selon lequel les partisans de Trump non vaccinés devraient être mis dans des avions à destination de l'Afghanistan, où on les laisserait probablement mourir. Hayden avait auparavant comparé les installations frontalières de Trump aux camps de la mort nazis.
» D’autres hauts responsables militaires à la retraite ont qualifié leur président d’émule des techniques nazies, de nouveau Mussolini, de menteur méritant d’être démis de ses fonctions le plus tôt possible. Aucun de ces quatre officiers à la retraite n’a été confronté au genre de répercussions que l’ONI vient de nous rappeler.
» À la veille des élections de novembre, plus de 50 anciens responsables du renseignement ont signé une lettre suggérant que les courriels incriminés trouvés sur l'ordinateur portable disparu de Hunter Biden pourraient être de la “désinformation russe” [sempiternel Russiagate]. Ils ont utilisé leur stature à des fins politiques pour convaincre le peuple américain que cette histoire était un mensonge.
» Le général à la retraite Joseph Dunford et l’amiral à la retraite Mike Mullen ont récemment critiqué les officiers retraités qui avaient mis en doute les capacités cognitives de Biden. Fort bien. Mais pourquoi n’ont-ils rien dit des violations de leurs collègues officiers retraités encore plus flagrantes en cette année électorale 2020 ?
» Le général Mark Milley s’était excusé d'avoir fait une séance photos avec Trump, en acceptant la version fausse selon laquelle Trump avait ordonné que les émeutiers soient évacués de Lafayette Square pour la photo [le 4 juin 2020]. Pire encore, il avait confié aux journalistes qu'il était tellement en colère contre Trump qu’il avait “envisagé” de démissionner.
» Voyez l’ironie de la chose. Si Milley a envisagé une démission politisée pour critiquer Trump selon la fausse accusation, il pourrait sûrement envisager une vraie démission après avoir supervisé le pire désastre militaire du dernier demi-siècle à Kaboul. »
... Par contre, Milley est impeccablement conforme à la feuille de route du Système : il « a promis d’éradiquer les suprémacistes blancs et a recommandé aux soldats, aux pilotes et aux marins de lire les diatribes racialistes d’Ibram X. Kendi ». Hanson, qui fut pourtant, traditionnellement, toujours un défenseur des forces armées, a du mal à contenir sa colère, constatant à chaque intervention le malaise fondamental régnant dans les forces armées, « reflétant d’ailleurs [le malaise fondamental] qui touche notre pays ».
Il met également en évidence l’ampleur formidable du stock d’armements et d’équipements que les forces armées US ont laissés derrière elles en Afghanistan, représentant la plus formidable perte d’équipements qu’aient jamais subie ces forces, et d’une façon générale qu’ait jamais subie une force militaire dans l’histoire.
« Hanson a déclaré que la quantité de matériel militaire capturé par les Talibans représentait 85% de l'aide militaire fournie à Israël depuis 70 ans. Il a ajouté que la valeur en dollars était équivalente à 7 exemplaires du nouveau porte-avions USS Gerald Ford, d’une valeur unitaire de 12 milliards de dollars, ou à un millier d’avion de combat F-35.
» Il a ajouté que les talibans possèdent désormais plus de chars Abrams que [l’U.S. Army et le Corps des Marines] n’en ont “jamais déployés”.
» “Il s’agit donc de la plus grande perte d’équipement militaire par une armée dans l’histoire de la guerre”.
» Hanson a déclaré que la perte a été acceptée par le Pentagone “avec une incroyable nonchalance” et a exigé que “les personnes responsables de cela soient licenciées ou bien démissionnent. Ils ont fait tellement de dégâts aux États-Unis et ils ont donné assez de pouvoir à une bande terroriste pré-civilisationnelle pour en faire une puissante armée [...] qui causera des ravages pendant les 20 prochaines années”.
» Hanson s'est demandé pourquoi personne n’acceptait “d’être blâmé” pour cette capitulation militaire qui comprend autant de “capacités d’humiliation, de mort et de destruction” dont les talibans pourront profiter. »
Il est assez étonnant, ou bien ironique à la sauce-Hanson, de voir par ailleurs, – et l’on, irait jusqu’à dire “au contraire”, – le spectacle que les talibans montrent aux journalistes des dégâts causés par les soldats US avant leur départ. On peut voir sur le réseau RT.com, comme d’habitude largement en avance du point de vue de l’information et de la véracité sur les autres grands réseaux, mais aussi par le canal de sources proches des talibans bien sûr, des vidéos sur le spectacle catastrophique de l’aéroport de Kaboul. Poursuite exponentielle de l’ironie d’entendre des responsables talibans se plaindre du chaos laissés par les forces US, y compris la destruction d’hélicoptères ou de divers véhicules de combat, avec certaines vidéos montrant des Marines et des paras de la 82e Airborne en pleine séquence quasi-méphitique de destruction, en train de saccager consciencieusement l’intérieur d’une Humvee, d’un Kiowa ou d’un Blackhawk. A Bagram également, nombreuses destructions avec les plaintes des responsables talibans, comme s’il était entendu dans une sorte de “marché” que les forces US devaient laisser derrière elles du matériel en bon état de marche, – ce qu’on attend généralement d’un honnête marchand de véhicules neufs-d’occasion. Peut-être, et même sans doute à 120%, y eut-il des “marchés” et des accords entre US et talibans, qu’aucun des “partenaires”, et surtout pas le côté US, ne tenait à honorer de quelque façon que ce soit. De toutes les façons, comme l’observe Hanson, le Pentagone prend tout cela « avec une incroyable nonchalance » : il est vrai que tous ces événements n’ont pas l’air de troubler aucunement cet énorme animal qu’est le Pentagone (dit-‘Moby Dick’), non plus que l’opération de ‘wokenisation’ dont l’effet sur les capacités des forces est évident.
Ainsi la tragédie a-t-elle véritablement des allures de tragédie-bouffe, avec un rôle absolument incroyable assumé par les forces armées US, et plus encore dans le chef de leur direction, au niveau des généraux-amiraux bardés de médailles dont certaines sans doute en chocolat, façon-maréchaux de l’Armée Rouge des années 1980. En effet, ces destructions, qui ne sont évidemment que très partielles par rapport à la masse des équipements US, semblent avoir été décidées en dernière minute (dans les derniers jours sinon les dernières heures), alors que l’ordre de départ bouclé le 31 août vient de loin. On en revient alors au scénario déjà envisagé de chefs militaires acceptant l’ordre du président mais n’exécutant aucun préparatif, – tel que décrit dans « Une énigme-Biden ? »
« C’est alors qu’intervient le second texte que nous citons qui évoque, lui, un désaccord entre Biden et ses généraux. Biden voulait un retrait ultra-rapide et radical et les militaires ne le voulaient pas. Les militaires ont fait mine d’accepter l’ordre de leur président, – pour être sénile, on n’en est pas moins président, – et ils n’ont rien préparé du tout parce qu’ils pensaient mettre ainsi Biden au pied du mur et le faire reculer, lorsqu’ils lui auraient dit : “Non, nos plans ne sont pas prêts, il est donc impératif d’arrêter au moins temporairement le retrait des forces”... »
Le seul ajout qu’on puisse envisager dans un tel contexte est que, vraiment, les militaires ont cru jusqu’au bout qu’ils feraient céder Biden et qu’on resterait au-delà du 31 août ; puis, devant les pressions du calendrier, ils s’empressèrent dans les derniers jours et les dernières heures de casser quelques boites noires et de couper quelques fils, avec en prime des bosses diverses dans les beaux hélicoptères fraîchement repeints. Au reste, on constate aujourd’hui que la colère anti-Biden pour ce qui concerne l’Afghanistan ne faiblit pas, et ne se réduit pas à des Hanson et à des FoxNews tous conservateurs), mais qu’elle est aussi le fait des CNN et autres MSNBC frénétiquement pro-démocrates et gauchistes-caviar. Cela semble bien indiquer que Biden, dans sa folie, les a grugés jusqu’au bout, sans vouloir céder un pousse sur son obsession du retrait immédiat. Selon un autre jugement, plus objectif, l’on dira que tous les acteurs de cette pantomime se valent, et ils ne relèvent en rien le niveau si bas où les USA étaient tombés sous Trump selon les commentateurs bienpensants, – au contraire, l’on creuse pour aller de plus en plus bas.
Le cas de ces derniers et mystérieux événements de désordre renvoie aux constats de Hanson sur les dégâts causés par le wokenisme, et l’incompétence plus le post-carriérisme qui l’accompagnent. C’est notre point de vue depuis plusieurs mois que les forces armées US sont sur la voie d’une désintégration psychologique et intellectuelle à cause de leur “wokenisation”. Nous avons souvent fait l’équivalence avec la bolchévisation de l’armée russe, ou des parties de l’armée russe qui le voulaient, à part bien entendu qu’aux USA, – qui sont une démocratie civilisée et inoculée contre les guerres civiles, – il n’y a pas de Trotski disponible. Par conséquent, au lieu d’évoluer vers un extrémisme politique qui impliquerait également un durcissement au combat (le “durcissement “révolutionnaire” de l’Armée Rouge), les forces armées US se désintègrent en se fractionnant et en secrétant le plus grand désordre pour elles-mêmes en même temps que l’impuissance (voir aussi le précédent de 1945 dans des conditions absolument différentes, mais selon une tendance psychopolitique de type américaniste identique).
Mis en ligne le 6 septembre 2021 à 16H20