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3185Se pourrait-il qu’ils aient d’abord consulté Abraham Lincoln (mais il est républicain) puis Franklin Delano Roosevelt (mais il est handicapé), avant d’envisager Hillary Clinton pour 2024 ? “Il se pourrait...”, aurait pu dire Sergio Leone, en bouclant son chef d’œuvre ‘Il était une fois l’Amérique’, – car il est évident qu’il ne peut y avoir qu’“une seule fois” ce genre de chose qu’est l’Amérique.
Disons d’abord, pour mieux comprendre la démarche, que le parti démocrate est de plus en plus terrorisé d’entendre de plus en plus souvent Joe Biden, président depuis dix mois, parler de sa candidature de 2024 et de sa peut-être-bien-possible réélection. Le président a notamment marmonné récemment que « si je suis en bonne santé, comme je le suis actuellement, et si Donald Trump se représente, je me représenterai ». (Sa porte-parole, Jan Psaki, avait précisé le 23 novembre que c’était bien son intention [de se représenter], Trump ou pas Trump.)
Des articles ont paru, y compris dans le sacro-saint New York ‘Times’, pour l’implorer et le supplier à la fois de reconsidérer son intention. Biden, qui ne parle plus à sa vice-présidente ni même ne la regarde ni ne la côtoie, elle qu’il hait d’une haine de vieillard, est à un degré d’impopularité jamais atteint par un président “vieux” de dix mois. (Il faut dire que Kamala Harris, dont la gestion est fantastiquement mauvaise et qui enchaîne les démissions dans son équipe pour cause d’insupportabilité, est encore plus bas dans les sondages de sa catégorie : “C’est à cause du sexisme et du racisme”, explique-t-elle.) Biden a sur Harris l’avantage, outre d’entamer gaillardement sa quatre-vingtième année, de connaître des troubles de mémoires, des incohérences cognitives, des absences répétées, des mots perdus et jamais retrouvés, des trébuchements intempestifs, etc. Cela le rend particulièrement indifférent aux implorations et aux supplications, qu’il n’entend pas ni ne lit bien entendu...
C’est dans cette atmosphère que la rumeur s’est mise à enfler : Hillary est de retour ! Voyons ce qu’en dit un fin connaisseur de la vie politique à ‘D.C.-l’hyper(-hyper)-folle’, le républicain Newt Gingrich qui fut Speaker de la Chambre en 1994 :
« Lors d’une apparition mercredi [22 décembre] dans ‘The Ingraham Angle’, de FoxNews, Gingrich a critiqué le président Joe Biden et a pointé du doigt sa gestion de l’économie, du Covid-19 et de la crise frontalière comme étant les raisons des mauvais résultats dans les sondages.
“Je m'attends à ce que Joe Biden ne se représente pas”, a déclaré Gingrich en parlant des candidats potentiels à la présidence en 2024. Si Biden, qui a maintenant 79 ans, se représentait, le parti démocrate serait “en état de choc”, a-t-il ajouté.
Comme la vice-présidente Kamala Harris est “plus faible” que Biden et que les sondages sont tout aussi bas, Gingrich pense que la candidate démocrate à la présidentielle de 2016, Hillary Clinton, pourrait se représenter, ce qui pourrait donner lieu à une revanche entre elle et l’ancien président Donald Trump, dont de nombreux experts ont prédit qu’il se représenterait probablement.
“Je pense que le parti démocrate serait en état de choc si [Biden se présentait]. Je pense que Kamala Harris est plus faible que Biden”, a déclaré M. Gingrich. “Donc, la dernière rumeur que j'ai entendue est que Hillary va se présenter. Et je pense que cela en dirait long sur l’état de chaos de l’Amérique si Hillary Clinton se représentait une fois de plus.” »
On a beau se pincer et secouer la tête, effectivement, la rumeur persiste depuis que Biden parle de sa réélection et donc que le parti démocrate est “en état de choc”. Ainsi, les commentateurs sont-ils obligés de commenter sérieusement la bouffonne rumeur, eux aussi “en état de choc”. Ainsi de Miranda Devine, de FoxNews :
« Miranda Devine a déclaré jeudi qu’Hillary Clinton, avec sa “magistrale dialectique d’auto-compassion et de simulacre” et après avoir lu en larmes ce qui aurait été son discours de victoire si Donald Trump ne l’avait pas battue à l'élection présidentielle de 2016, supplie les démocrates de la considérer à nouveau comme candidate.
» “Je pense que cela en dit plus sur l'état du parti démocrate que sur celui de la pauvre Amérique, qu’ils envisagent même Hillary Clinton comme candidate, qu’elle n’ait pas simplement provoqué des fou-rires de ridicule pour s’être brusquement manifestée et levé le doigt en disant ‘Et moi, et moi, je fais l’affaire !’ . Sur son site, où les gens paient l’accès 20 dollars par mois, le cours soi-disant magistral qu’elle a donné l’autre jour, où elle a lu ce qui aurait été son discours de victoire si elle avait gagné, puis terminé par une crise de larmes sans larmes, c’était pour elle une façon de supplier le peuple américain et le parti démocrate de la considérer comme l’alternative à Joe Biden, parce qu’après tout elle est plus jeune que lui.
“Cela va être un cauchemar. Et vraiment, le texte subliminal est que seule Hillary Clinton, qui a été battue de si peu par Donald Trump en 2016, elle seule peut sauver l’Amérique. Et c’est ce qu’elle fait. Elle ne s’arrêtera pas, – elle le fera jusqu’à son dernier souffle, elle veut figurer devant l’Histoire.” »
Faut-il redevenir sérieux ? L’Amérique étant aujourd’hui une complète tragédie-bouffe, elle qui ignore ce qu’est la tragédie et n’a jamais eu assez d’humour pour être bouffe, elle nous confronte avec des situations absolument inhabituelles et hors des normes par rapport à la perception que nous en avions. Cet extraordinaires concours par avance de quasi-octogénaires pour l’élection présidentielle de 2024 (Hillary, Biden, Trump) au pays de l’éternelle jeunesse, alors que la première année du mandat effectif du 46e président n’est pas terminée et qu’on ne songe déjà plus qu’à l’élection de 2024, c’est effectivement une phase complètement bouffe dans la tragédie de la crise de l’américanisme. Tout se passe comme si les octogénaires s’étaient emparés du temps historique pour lui imposer une accélération qu’on ne voit d’habitude que chez les jeunes gens, – jeunes femmes et jeunes hommes, – pressés de devenir hommes et femmes (ou “femmes et hommes”) d’influence.
Ce serait un truisme déjà bien usé que d’observer combien les USA sont confrontés à un extraordinaire problème d’individualités pour l’exercice du pouvoir. (Nous ne sommes pas vraiment mieux lotis.) Le plus remarquable est d’observer l’impuissance où se trouve cette fantastique machine de pouvoir qu’est le Système, dans le chef de ses partis, à produire un renouvellement de ses cadres. Depuis Obama, la machine tourne à vide, elle n’arrive plus à éliminer les intrus (Trump) ni envoyer dans les EPHAD ses vieillards (Biden, Hillary). Même le wokenisme hyper-moderniste n’est capable de nous fournir que des gourdes incapables de s’imposer (Harris) ou des retapes accrochées au pouvoir depuis la dernière décennie du XXè siècle. Il s’agit d’un phénomène remarquable qui, plus qu’aucun autre, nous renseigne à merveille sur l’intensité de la crise, sur sa capacité à se structurer (structure crisique) jusqu’à la paralysie la plus complète, empêchant toute issue, tout dégagement, toute envolée salvatrice.
C’est la vieillesse, la sénescence, la caducité du Système qui forment son aspect le plus remarquable. On trouve dans cette vérité-de-situation une explication bien plus satisfaisante de l’espèce de panne de personnel, si bien incarnée par Joe Biden. Il faut rappeler que Biden se présentait lui-même, et sans y être forcé en aucune façon, comme un “président de transition”, qu’il parlait fin janvier d’une “présidence Harris” en laissant entendre que sa vice-présidente prendrait bien vite sa place, qu’il laissait volontiers dire qu’il pourrait abandonner la présidence en cours de mandat ; on parlait même, au moment de son inauguration, du printemps pour une telle opération chirurgicale de grande précision, opération dite “du 25è amendement” (‘impeachment’ du président pour raison notamment de morbidité mentale), – et nous en étions les plus enclins à nous en faire l’écho, victimes de notre candide croyance dans la normalité des choses. Bien entendu, tout cela était observé, au nom de la “marionnettisation” du président Biden, le Système étant sacralisé par ses plus ardents adversaires comme capable des plus grandes prouesses de manipulation. Mais non ! La machine, le Système, est en un état si pitoyable qu’elle ne parvient plus à “marionnettiser” quoi et qui que ce soit, et Biden a montré à plus d’une reprise qu’il était capable de se dégager un instant de ses fils de marionnette pour n’en faire qu’à sa tête (l’évacuation catastrophique de Kaboul, son entêtement désormais à se représenter jusqu’à faire de son premier mandat le seul champ d’un argument pour un second...).
Alors, qu’Hillary nous revienne en plein élan, qui pourrait s’en étonner ? On chuchote que son plus fervent partisan est son époux. C’est la logique même des couples modernes : Bill Clinton se dit qu’au moins pendant la campagne, et peut-être bien plus longtemps si elle est élue, elle lui fichera la paix ; disons, juste le temps de sauver l’Amérique, désormais hyperpuissance-bouffe qui prépare sa place dans l’EPHAD des empires perdus...
Mis en ligne le 24 décembre 2021 à 17H30