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3701Notre attention a été attirée par une information, notamment signalée par le site ‘WhatDoesItMeans’, concernant un exercice de l’USAF en principe programmé pour le 5 août dans le cadre habituel de l’opération ‘Northern Strike’ établie sur une base régulière (annuelle ou biannuelle) depuis 2011. Cet exercice prévoit notamment l’utilisation de quatre avion d’appui tactique rapproché extrêmement puissants A-10C ‘Warthog’ et de deux bimoteurs de transport utilisés par les forces spéciales US, C-146A ‘Wolfhound’.
Ces deux types d’avions sont utilisés conjointement pour des opérations improvisées dans des environnements non préparés ou dits-“austères”, à la fois pour l’intervention de forces spéciales et des A-10, avec protection et appui tactique des A-10, ou bien intervention offensives des A-10. La caractéristique complètement inédite de l’exercice est que ces appareils utiliseront pour leur exercice une autoroute civile aux États-Unis même, dans le Michigan, terrain habituel de l’opération ‘Northern Strike’.
Le commandant de l’Alpena Combat Readiness Training Center (Alpena est la ville du Michigan près de laquelle a lieu l’exercice), le colonel James Rossi, a ainsi présenté l’exercice d’utilisation des routes civiles par des avions de l’USAF :
« Cela constitue pour la première fois dans l’histoire l’utilisation intentionnelle d’avions de combat modernes de l’USAF, d’une route civile sur le sol américain pour leur atterrissage. Nos efforts se concentrent sur notre capacité à former le combattant dans n’importe quel environnement à travers le continuum afin que notre nation puisse rivaliser, dissuader et gagner [contre n’importe quel adversaire] aujourd’hui et demain. »
C’est le site ‘WarZone’ qui présente cet événement inédit, notamment avec la déclaration extrêmement réglementaire du colonel Rossi. L’article présente l’exercice en détails divers, extrêmement techniques, extrêmement référencé, permettant une représentation à la fois de routine et de puissance opérationnelle dans un contexte original et novateur, sans laisser paraître la moindre arrière-pensée politique :
« Pour la première fois dans l’histoire récente, l'USAF va faire opérer [atterrissage, station, décollage] ses avions sur une autoroute civile des États-Unis pour un exercice. Quatre avions d'attaque A-10C Warthog et deux transporteurs d'opérations spéciales C-146A Wolfhound doivent prendre part à l’exercice d'atterrissage sur route, qui s’inscrit dans le cadre plus large de l’exercice ‘Northern Strike’. En plus d'être un événement unique aux États-Unis, le prochain déploiement sur autoroute reflète l’importance croissante des opérations de dispersion pour l’armée américaine, notamment dans le cadre du programme Agile Combat Employment (ACE) de l’USAF.
» L’exercice sur autoroute aura lieu le 5 août et est dirigé par l’Air National Guard (ANG) du Michigan, avec la coopération du Michigan Department of Transportation (MDOT). Un tronçon de la Michigan State Highway M-32 près d’Alpena sera fermé pendant cinq heures, lorsque les A-10 et les C-146 y atterriront. [...]
» Les exercices sur autoroute seront menés par la 127e escadre de l’ANG du Michigan, qui fait voler des A-10C depuis la base ANG de Selfridge. La 355e escadre de l’USAF, qui déploie également des A-10C, ainsi que des moyens de recherche et de sauvetage de combat de la base aérienne de Davis-Monthan, en Arizona, participent également à l’exercice. Enfin, le commandement des opérations spéciales de l’USAF (AFSOC), basé à Duke Field, en Floride, est responsable des C-146A, entre autres plateformes. »
L’utilisation d’infrastructure civile, essentiellement des routes (mais aussi des tunnels ou autres lieux de camouflage), d’avions de combat pour des opérations dissimulées en général et très spécifiquement dans la plupart des cas pour éviter une destruction de première frappe par surprise n’est nullement une nouveauté. Divers pays utilisent cette tactique régulièrement, en général des pays neutres n’étant pas incorporés dans un grand dispositif (en général multinational) de défense aérienne et disposant par contre d’une géographie propice à de telles opérations camouflées ; c’est notamment le cas de la Suisse et de la Suède, deux exemples en pointe. L’USAF elle-même a expérimenté de telles tactiques dans ses déploiements outre-mer, notamment en Italie et dans les pays baltes.
Ici, quelques remarques s’imposent :
• en général, cette sorte de tactique concerne des opérations d’urgence de défense aérienne, en cas d’attaque aérienne d’agression ; les avions utilisés sont alors des avions de défense aérienne, interception et combat aérien (les Suédois ont toujours fabriqué des avions [les chasseurs SAAB ‘Draken’, ‘Gripen’, ‘Viggen’] conçus au départ pour pouvoir réaliser notamment ce type d’opération dans des conditions et un environnement ‘austère’ [grottes et routes de campagne] les protégeant des frappes par surprise) ;
• les opérations de ce type réalisées par l’USAF ont également concerné des missions de de défense aérienne (notamment avec des F-16, notamment en Italie), sauf, plus récemment et en raison de la position particulière des pays concernés et de leur paranoïa d’une attaque-surprise terrestre des Russes, – essentiellement, c’est bien sûr le cas des trois pays baltes de l’OTAN, avec manœuvres-USAF de la sorte décrite en 2017 en Estonie puis en 2018 en Lettonie, avec des A-10 ;
• dans le cas envisagé ici d’une manœuvre dans le Michigan, la mission de défense aérienne n’a évidemment strictement aucun sens en raison de l’étendue du territoire et de la prépondérance absolue pour la défense aérienne de l’Aerospace Defense Command (ADC) ; laquelle ADC contrôle un réseau radar continental et des unités (F-15, F-16, F-22) de défense aérienne n’ayant que faire d’avions de type A-10 et C-146 utilisés en couple pour des opérations de forces spéciales et d’appui tactique rapproché en principe réservés exclusivement aux théâtres extérieurs... Cela pose effectivement la question de connaître la cause et l’intérêt d’un tel exercice sur le territoire des États-Unis.
L’opération annuelle/biannuelle ‘Northern Strike’ a été établie en 2011, dans le cadre d’une militarisation interne totalement inédite des USA (établissement du Northern Command, commandement militaire opérationnel interne) à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001 et après. Certains remarquaient tout de même qu’en 2011, de nouveaux fronts d’agitation potentiels, cette fois internes aux USA et à tendance anti-gouvernementale ou anti-système, avaient été identifiés avec la formation du ‘Tea Party’ populiste et des mouvements de protestation de gauche du type ‘Occupy’ (‘Occupy Wall Street’ en 2010). Il ne s’agissait toutefois que d’occurrences assez imprécises, invitant à des spéculations encore hasardeuses.
Cette fois, les choses sont notablement différentes, et l’utilisation des A-10 et du couple A-10/C-146 dans des conditions d’improvisation opérationnelle impliquant aussi bien l’appui tactique aérien rapproché que des opérations de forces spéciales sur le territoire des USA suggère une spéculation beaucoup plus précise, sinon opérationnelle, et directement liée aux événements en cours. Il est difficile d’y voir simplement une coïncidence, ou bien une application sympathique et innocente du programme ACE (Agile Combat Employment), qui a été spécifiquement développé au départ pour le Pacifique ; la cause en était de nouvelles menaces d’attaque nucléaire (Corée du Nord) telles que les imaginèrent les esprits complexes et paranoïaques des bureaucraties de planification, les poussant à rechercher des formules originales de dispersion des forces dans des environnements improvisés.
Ici, nous ne sommes plus dans le Pacifique, nous sommes dans l’État du Michigan, au cœur des États-Unis.
Là-dessus, on le comprend, plusieurs remarques sont à faire, qui conduisent à une appréciation très spécifique de cet exercice avec A-10 et A-10/C-146 ‘On the Road’, au cœur des USA :
• depuis le mandat Trump et la transition extrêmement agitée de novembre 2020-janvier 2021, avec accusations de fraudes électorales, affirmations de gouverneurs de grands États, etc., la menace de “guerre civile”, jusques et y compris des possibilités de sécession, sont à l’ordre du jour ;
• depuis l’arrivée de Joe Biden et l’énorme montage de simulacre d’interprétation de la manifestation trumpiste du 6 janvier, transformée par la machine de communication du parti démocrate en attaque du Capitole pour la prise du pouvoir type-Hitler/Reichstag, les populistes trumpistes devenus ‘suprémacistes blancs’ avec la bénédiction du wokenisme ont été qualifiés par Biden lui-même comme la “première menace contre la sécurité nationale” des États-Unis ; pour la première fois de manière officielle et affirmée dans l’histoire des USA, – mis à part l’épisode de la Guerre de Sécession, – l’“ennemi intérieur”, aussi simulacre qu’il soit selon le déterminisme-narrativiste des démocrates, est jugé plus dangereux que l’“ennemi extérieur” ;
• la “wokenisation” de l’armée a pris un tour vertigineux avec Biden et son secrétaire à la défense Austin ; l’USAF est particulièrement touchée, avec des tensions à cet égard dans l’école de l’air (United States Air Force Academy à Colorado Springs) et un chef d’état-major (depuis 2020) comme premier africain-américain à la tête de l’USAF, le général Charles Q. Brown Jr., donné comme probable successeur du général Milley à la tête du Comité des chefs d’état-major.
Ces divers éléments doivent donc éclairer d’une lumière singulière l’apparition de manœuvres opérationnelles aériennes pour un emploi rustique, improvisé, dans le cadre de structures civiles, d’avions d’appui tactique de la puissance du A-10 et du couple opérationnel (A-10/C-146) pour des opérations des forces spéciales, sur le territoire même des États-Unis.
Par ailleurs, l’emploi d’éléments de la Garde Nationale (Air et Terre) déployés à l’occasion de ces manœuvres ajoute un élément d’incertitude et de tension. Les Gardes sont structurellement des forces militaires des États et, dans des conditions de tension sinon d’affrontement, leur contrôle peut devenir un objet de concurrence antagoniste entre le pouvoir central (Pentagone) et les gouverneurs des États concernés. La Constitution est, sur ce sujet de la désignation de l’autorité suprême des Gardes, extrêmement vague et encline à se référer au gré des circonstances, comme tout ce qui concerne la concurrence entre pouvoir des États chez eux et pouvoir fédéral sur ces États.
Cela ressemble-t-il à une préparation à des événements plus graves encore que ceux que nous vivons actuellement ? Peut-être les bureaucrates-planificateurs paranoïaques n’ont-ils pas de pensées aussi machiavéliques, mais les faits imposent et imposeront une telle construction aux esprits soupçonneux, et poussés à être soupçonneux par la folie des temps que ces mêmes bureaucrates-planificateurs (paranoïaques) contribuent largement à alimenter. Le Système est ainsi fait qu’il favorise tous les soupçons contre lui... Si non e vero, e ben trovato, dit le quidam ironique ; et aussitôt, dans ces temps de postvérité où la vérité est à prendre par le plus offrant, tout se passe comme si cela était vrai.
Sur cet ensemble d’observations, on est conduit à des conclusions de suspicion inévitables dans ces temps d’extrême tension. C’est peut-être en faire trop, c’est-à-dire en soupçonner trop, et peut-être, probablement même, les bureaucrates-planificateurs n’ont-ils pas de ces pensées machiavéliques. Il faut dire qu’ils sont bureaucrates-planificateurs, c’est-à-dire avec des tendances “révolutionnaires” dans ces étonnants temps d’inversion, et par conséquent ils pourraient bien entrer peu ou prou dans le champ de la définition du comte Joseph de Maistre :
« On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse... [...] Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n’y entrent que comme de simples instruments ; et dès qu'ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement. »
Mis en ligne le 2 août 2021 à 16H00
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