Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.
4132On sait que l’affrontement entre Israël et les Palestiniens se joue aussi, et peut-être surtout, à Washington, par rapport à ce principe intangible de la politique américaniste du “soutien inconditionnel” à Israël depuis 1967, donnant à ce pays sa complète liberté d’action (et les moyens en armement d’exercer cette liberté d’une façon hautement contestable sinon condamnable). Mais cette fois dans le cycle infernal des crises israélo-palestiniennes, il se passe quelque chose d’important, en rapport direct avec les événements qui secouent les USA en une dynamique crisique d’une considérable puissance. Ainsi a-t-on une mesure de l’effet, donc de l’importance et de la puissance déstructurante du mouvement qui bouleverse les USA, – le wokenisme certes ; cette mesure se trouve dans le fait que cette dynamique crisique met sérieusement en cause “ce principe intangible de la politique américaniste” du “soutien inconditionnel” à Israël.
Ce qu’on a vu depuis l’actuel affrontement entre Israël et le Hamas, avec l’extrême dureté de l’action israélienne, c’est une réaction anti-israélienne très dure de la part de la gauche du parti démocrate. On dira que ce n’est pas nouveau et que c’est toujours resté au niveau rhétorique parce que la gauche du parti démocrate était absolument marginale. Mais il faut s’aviser subito presto que la situation a changé aujourd’hui ; la gauche “marginale” tient le haut du pavé avec le mouvement wokeniste qui tient lui-même sous son joug toutes les personnalités, les structures et les puissances de l’américanisme de l’establishment, avec ses armes absolues d’influence terroriste que sont l’antiracisme, la diversité, le Politiquement Correct, et la myriade composant le LGTBQ+. De la rhétorique, nous sommes passés à la pratique, parce que la “pratique” aujourd’hui c’est la rhétorique-activée, c’est-à-dire la communication terroriste… D’où ce vote à la Chambre des Représentants (Sputnik.News du 19 mai) :
« La semaine dernière, le républicain Carlos Gimenez avait pris la tête d'une initiative à la Chambre, visant à condamner les “actes de terrorisme” commis par le groupe militant palestinien Hamas et à accroître le soutien aux citoyens israéliens.
» Mais les démocrates de la Chambre ont rejeté hier la proposition des républicains d'examiner une législation qui imposerait des sanctions aux militants du Hamas dans un contexte d’escalade des tensions dans le conflit israélo-palestinien.
» Avec un scrutin de 217 voix contre 209 mardi, les démocrates ont refusé la tenue d’un vote sur le projet de prévention du soutien au terrorisme international palestinien, dont l'auteur est le représentant républicain Brian Mast. »
Il s’agit donc de la concrétisation d’une position démocrate (le vote montre un groupe démocrate uni), signifiant que le parti se range sur son aile gauche. Le refus porte sur la procédure du vote, et non sur le vote du projet de loi contre le « terrorisme international palestinien ». Cela permet de sauver la face en arguant qu’il n’y a pas eu un refus stricto sensu de condamner le « terrorisme international palestinien ».
Pour la vérité-de-situation, on comprend bien ce qu’il en est : la puissance du wokenisme est telle aujourd’hui, d’ailleurs selon les manœuvres du parti démocrate lui-même, que ce parti démocrate est enchaîné à ce mouvement et à ses diverses positions. C’est une conséquence classique de la manipulation du radicalisme dont on devient les prisonniers, lorsque le radicalisme lui-même devient dominant, et surtout écrasant au niveau de la communication. Il n’est pas sûr que le lobby israélien AIPAC et Netanyahou aient parfaitement mesuré l’importance du wokenisme aux USA, et la situation réelle : qui tient l’autre du parti démocrate et du wokenisme ?
Divers articles ont déjà détaillé cette situation, essentiellement de la part de soutiens d’Israël déplorant la possibilité de l’érosion, sinon pire, du soutien US à Israël. Il y a par exemple cet article de Brent Stephens, dans le New York Times du 17 mai, sous le titre « Si la Gauche obtient ce qu’elle réclame d’Israël » avec cette conclusion suivant la description de l’actuelle situation d’affrontement et l’action du Hamas palestinien contre Israël :
« Quant aux Israéliens, ils finiront par sortir du marasme, au prix d’un terrible tribut de sang, parce qu'ils n'ont pas d'autre choix... Quand ils le feront, ils pourront être sûrs que l’aile progressiste du parti démocrate s’empressera de les dénoncer pour avoir eu la témérité de survivre. »
Un article plus détaillé traite le problème à la lumière du risque de guerre généralisée qu’implique cet affrontement entre Israël et les Palestiniens. Robert Charles termine son article (du 18 mai) en détaillant les plus récentes réaction d’opposition à Israël, au sein même de l’establishment et des courants wokenistes au sein du parti démocrate.
« Enfin, et c'est le plus dangereux, provoquer une guerre au Moyen-Orient oblige Biden à prendre une décision de “soutien ou d’abandon” du soutien à Israël. Cette incertitude a son origine dans des événements très proches de chez nous. Une partie de l'administration et du parti démocrate [qui se révèle à visage découvert] anti-israélien et pro-islamique se réjouirait de l’abandon d'Israël.
» Bien que cela soit difficile à concevoir, – un changement de cette ampleur au sein du parti démocrate, – il est difficile d’en nier la possibilité. Tout comme certaines parties du parti démocrate se sont déplacées vers la gauche, vers un gouvernement centralisé, vers l'opposition aux droits du premier, du deuxième et du dixième amendement et vers l’aliénation des cols bleus et des minorités, elles se déplacent vers les affaires étrangères.
» La réalité est qu’une partie non négligeable du parti démocrate est désormais activement anti-israélienne, pro-islamique, au moins au Moyen-Orient, et semble insensible à la perspective de voir des terroristes envahir Israël. Cela conduit à se demander – de même qu’à propos de la manière dont John Kerry a informé secrètement l'Iran – ce qui se passe [au sein du parti démocrate].
» Les voix qui devraient défendre Israël dans cette Maison Blanche et ce Congrès restent muettes. C’est choquant, étant donné l’histoire d'Israël, notre alliance, leur passé culturel, l’importance de la Terre Sainte pour les Américains, et l’isolement physique de cette nation. Où est Biden ? Harris ? Schumer ? Pelosi ? Où est la contre-force au sein du parti démocrate qui dirait à sa gauche radicale “arrêtez la folie, asseyez-vous, ... les valeurs occidentales, l’existence d'Israël, son rôle dans le monde, la défense de la stabilité sont essentiels” ? Nulle part. Pourquoi ? »
A cela, on ajoutera, – non encore connue par Robert Charles lorsqu’il écrivit son article mais renforçant encore son sens, – cette prise de position et ces précisions venues de la principale organisation activiste aux USA, qui domine en influence tout le reste et qui constitue une force d’influence irrésistible au sein du parti démocrate. On imagine l’embarras des démocrates “classiques” de la vieille garde, jusqu’alors aveuglément soumis au soutien inconditionnel d’Israël, lorsqu’ils ont découvert cette prise de position, – certainement très minutieusement calculée puisque venue une semaine après le début de la crise israélo-palestinienne, et donc appuyée fermement sur une argumentation interne qui a rassemblé l’organisation :
« La principale organisation Black Lives Matter s’est déclarée “solidaire des Palestiniens” lundi, une semaine après que les terroristes du Hamas à Gaza ont commencé à tirer un barrage incessant de roquettes sur Israël, bombardant sans discernement des cibles civiles ainsi que larguant quelques missiles à courte portée et faisant exploser des bâtiments sur son territoire.
» “Black Lives Matter est solidaire des Palestiniens”, a tweeté le groupe. “Nous sommes un mouvement engagé à mettre fin au colonialisme de peuplement sous toutes ses formes et nous continuerons à plaider pour la libération de la Palestine. (Nous l’avons toujours fait et nous le ferons toujours). #freepalestine”. »
On se trouve là devant un cas typique de renversement des positions par rapport au schéma d’engagement que nous suivons. Tous les engagements sont soumis à de tels renversements, aussi est-il nécessaire de s’engager vis-à-vis, ou à l’encontre d’une entité non identifiable selon les répartitions géographiques et politiques courantes, – comme le Système par conséquent, entité absolu, qui est notre seul adversaire absolu (Delenda Est Systema). Un tel engagement permet la meilleure souplesse du monde, et de se trouver à l’aise, en signalant effectivement la justification de ces variations, pour suivre les variations d’une époque incontrôlable où toutes ces certitudes sont soumises aux constantes et très rapides modifications d’une situation chaotique. Simplement, il s’agit de bien reconnaître les siens...
Dans un certain sens extrêmement puissant, nous sommes tactiquement opposés au wokenisme qui représente une formidable force de dégénérescence et de déconstruction. Mais nous ne cessons de répéter que dans le plus grand nombre de cas, le désaccord tactique que nous ressentons vis-à-vis de certaines actions se transforme en accord stratégique dans la mesure où ces actions déconstructurante détruisent des structures qui ont été soit mises en place, soit confisquées par le Système ; dans quelque cas, par contre, le rapport tactique-stratégie d’indirect devient direct, dans la mesure où certaines actions tactiques d’une force à laquelle nous nous opposons tactiquement deviennent soudainement stratégiquement positives.
C’est le cas ici. Le wokenisme, force tactique hautement condamnable pour nous tant qu’elle agit sur la situation interne de nos pays, sur leurs cultures et leur cohésion sociétale, prend une orientation pour nous complètement différente dans certaines situations de politique intérieure et surtout extérieure. Le wokenisme, et surtout sa composante antiraciste-USA et “indigéniste”, suit le schéma intérieur tactique qu’on a vu, sans aucun avantage stratégique direct puisqu’il ou elle a partie liée avec les puissances du woke-capitalisme qui est absolument une composante du Système.
Mais dans le cas israélo-palestinien, le wokenisme dans la composante qu’on a dite (antiraciste-USA), se situe par ses origines référentielles et sa dialectique présente, dans les restes des courants ex-tiersmondistes et anti-impérialistes (beaucoup plus qu’anticolonialistes, qui est un complet simulacre en France). L’impérialisme, devenu néo-impérialisme et dont la politique d’Israël et celle des USA sont à l’unisson parties prenantes, est aujourd’hui une force bien vivante et malfaisante au service du Système, d’ailleurs composante centrale de la “politiqueSystème”. Ainsi le wokenisme, avec BLM en bandouillère, s’inscrit-il contre la politique néo-impérialiste d’Israël, – et il devient pour nous, miracle et logique à la fois de la transmutation élastique des variables, complètement antiSystème.
Ce constat tactique-stratégie est importante, mais il n’est pas tout. On se trouve en effet dans un cas fondamental que résume la question : la politique de “soutien conditionnel à Israël” des USA est-elle menacée ? Eh bien, cette question n’est plus de rhétorique et certainement sérieuse opérationnellement ; elle a toute sa justification, et la réponse n’est certainement pas négative. Il s’agit désormais d’un problème clairement exprimé, qui affecte l’une des constantes les plus puissantes de la situation stratégique du monde (le “soutien inconditionnel” et l’armement de la même sorte, d’Israël par les USA).
Pourquoi pouvons-nous être si tranchant dans l’existence du problème et la menace portée contre cette politique ? Pour deux raisons absolument complémentaires :
• la faiblesse de la direction politique américaniste actuelle, maintes fois exposée et maintes fois manifestée ; notamment une faiblesse très forte par rapport au parti démocrate dont cette direction est issue, justement à cause de sa propre faiblesse interne (celle du parti démocrate) due à ses divisions ;
• la faiblesse du parti démocrate tient dans le fait de cette force dont ce parti prétend faire la source de sa fortune future, c’est-à-dire le wokenisme au travers de tous ses composants (antiracisme, diversité, genrisme, bref toutes les matières sociétales et toutes les minorités) ; le parti démocrate appuie ce qu’il juge être son hégémonie politique future sur ces nouvelles “clientèles” et il n’a donc rien à leur refuser, – comme le montre d’ailleurs le vote de la Chambre, où c’est toute la majorité démocrate qui a voté contre le processus menant au vote sur le projet de loi républicain anti-Hamas : alors, que faire dans le cas israélo-palestinien ? A nettement parler, si le wokenisme reste sur ses positions, il nous semble que le parti démocrate est complètement pris à son propre jeu ; et l’alternative à un alignement sur le wokenisme se nomme désordre, ce qui est également une excellente chose (win-win pour nous...).
• On comprend alors qu’effectivement se pose la question “la politique de ‘soutien conditionnel à Israël’ des USA est-elle menacée ?”, et qu’il s’agit bien d’un suspens potentiellement révolutionnaire (là aussi !) en matière de politique extérieure.
Pendant ce temps, il y a les républicains. Farouchement opposés aux wokenistes, et opposés avec des nuances aux démocrates, tout cela radicalisés dans les circonstances qu’on connaît ; mais aussi farouches soutiens d’Israël en général, avec des nuances beaucoup plus modérées chez ceux (les paléos-conservateurs et les libertariens) qui se disent également antiguerre (adversaires de la politiqueSystème). Pour l’instant, les républicains se réjouissent des ennuis des démocrates, sans nécessairement réaliser qu’ils pourraient eux-mêmes en avoir...
Quant à nous, nous nous situons dans ce cas plutôt en opposition aux républicains ; question de souplesse... Dirait-on que nous sommes parfois sinon souvent à droite, et parfois malgré tout à gauche jusqu’à complètement l’espace d’un instant ? (Dans les années 2000, nous étions “parfois sinon souvent à gauche, et parfois malgré tout à droite jusqu’à complètement l’espace d’un instant”)... Nous sommes également, non pas parfois ni souvent, mais complètement indifférents, sinon hostiles et méprisants, à l’égard des étiquettes. Question de principe.
Mis en ligne le 20 mai 2021 à 14H30
Forum — Charger les commentaires