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3308Tout se passe comme si rien ne se passait mais tout se passe néanmoins. La presse, qui est presseSystème, ne s’en alarme point puisqu’est à la barre, à la Maison-Blanche, au Congrès, dans les universités, à Hollywood et dans le chef scintillant du Corporate Power sociétal-progressiste, – le “Camp du Bien”. Les commentateurs de la presse-samizdat des réseaux et de l’internet poussent des cris d’alarme sans fin et sans espoir devant l’apocalypse, – mais ces gens au mieux sont des galopins, au pire des ‘suprémacistes blancs’ même s’ils sont de toutes les couleurs. Ainsi va l’effondrement-soft des USA, soft mais à bonne vitesse ; principalement l’effondrement des structures juridiques les plus sacrées, renvoyant aux symboles qu’on croyait ardemment irréfragables des valeurs fondatrices du projet de l’américanisme tel qu’il fut défini par les Founding Fathers.
On en veut pour signe et pour preuve les sobres et précis commentaires du plus brillant constitutionnaliste du pays, cet homme que le Congrès convoque en audition lorsqu’un cas constitutionnel ou institutionnel complexe se pose. Jonathan Turley développe un site (‘Res Ipsa Loquitur’) qui connaît un grand succès en tant que référence ; il dispose aussi de sa rubrique régulière dans ‘The Hill’, site respecté de la presseSystème proche du Congrès. (Sans parler, bien entendu, des articles hautement techniques dans les grandes revues de droit.) Ainsi Turley est-il une référence, et ainsi deux de ses plus récents articles illustrent-ils, selon notre lecture de ce qui se perçoit entre les lignes, ce que nous désignions comme “l’effondrement-soft” des USA. Turley n’a pas l’habitude de parler sur un mode sensationnel des vérités-de-situation les plus sensationnelles ; ce qu’il nous donne à comprendre ne l’est pasq moins pour autant.
• Le premier article référencé concerne la façon dont la plus haute autorité exécutive du pays, le président lui-même, puis derrière lui ses sbires chargés autant de le censurer que de la retirer en lui bâillonnant les phrases pour qu’il ne chute pas sous le poids des insanités qu’il profère (peu importe ici la mesure prise par Biden, dont parle Turley : les mesures inconstitutionnelles décrétées par Biden sont désormais une litanie plutôt qu’une occurrence exceptionnelle) Ainsi Turley parle-t-il de la “foi en la Constitution”, – son titre, lui, est sensationnel : « Notre crise de la foi en ce ‘Constitution Day’ », – pour en déplorer la perte bien entendu :
« Lors de l’une des conférences de presse les plus effrayantes qu’ait jamais donnée un président, Biden a admis devant la presse que cette mesure était probablement encore inconstitutionnelle, mais qu'il espérait faire sortir des milliards de dollars avant que le nouveau décret ne soit invalidé. Lorsqu’il a été confronté au fait que cinq juges [de la Cour Suprême] avaient déjà déclaré que le CDC n'avait pas cette autorité, Gene Sperling, un conseiller de haut niveau de Biden, a déclaré que la volonté [du président] d’agir sans autorité légale était une mesure de son empathie et de sa grandeur : “C’est un président qui comprend vraiment le déchirement de l’expulsion [de leur maison des propriétaires ne payant plus leur crédit]. La raison pour laquelle il insiste et insiste, même lorsque l'autorité légale semble mince, est qu’il veut s’assurer que nous avons exploré toutes les autorités potentielles d’action.”
» Malgré les assurances de Tribe, le décret a été déclaré invalide.
» En effet, en ce jour de célébration de la Constitution [‘Constitution Day’], il semble que la Constitution elle-même et les institutions qui la soutiennent fassent l'objet d'une attaque sans précédent. »
• Le second concerne les polissonneries du général Milley, président du JCS (Joint Chiefs of Staff, pour Comité des chefs d’état-major), telles que rapportées dans le livre ‘Peril’ de Bob Woodward, assisté de Robert Costa. Le titre de l’article de Turley est « Milley’s Mutiny? A New Book Raises Equally Serious Questions For The Pentagon and the Press ». Dans le cas de Milley, il est question de sédition, d’insubordination, voire de trahison, et d’autre part de la violation du serment de défendre la Constitution. Le serment est pour un militaire une chose aussi sacrée que la Constitution elle-même puisque le fondement de la fonction de militaire aux USA est le serment de défendre la Constitution par tous les moyens, contre toute attaque de l’intérieur et de l’extérieur des USA.
On voit donc bien que nous sommes au cœur de la sacralité qui habite, selon les fondateurs, l’entité nommée États-Unis d’Amérique, et cette sacralité étant le seul ciment de ce pays qui s’est construit hors de toute circonstance et pression historiques. On donne ici la conclusion de l’article où Turley a détaillé le comportement de Milley, le général qui occupe la plus haute fonction des forces armées (président du JCS), et également le “serment” qu’il a fait prêter aux chefs militaires les plus importants de n’obéir à un ordre extérieur à lui (du président notamment) que dans la mesure absolue où lui-même l’aurait confirmé, – et de n’y pas obéir si lui-même en décidait ainsi.
« En vertu de l’article 94 du Code Général de la Justice Militaire, la mutinerie et la sédition sont traditionnellement caractérisées comme “les plus graves et les plus criminelles des infractions connues par le code militaire.” Si le récit de Woodward-Costa est vrai, on ne comprend pas pourquoi les officiers militaires subordonnés ne se sont pas manifestés pour faire part de leurs préoccupations concernant un ordre illégal, – non pas de Trump mais de Milley. C’est pourquoi le récit sensationnel du livre semble plus motivé par les ventes que par les sources.
» Le Congrès devrait se pencher sur ce récit et traiter non seulement les actions présumées de Milley, mais aussi les options permises aux officiers dans de telles circonstances. Milley n’a pas hésité à aborder publiquement les controverses liées à l’armée, de l’émeute du 6 janvier à la chasse aux suprémacistes blancs, mais il a été lent à aborder les faits rapportés [par Woodward-Costa]. Le livre indique que Milley a traité son prétendu ordre comme un “serment” selon lequel les subordonnés n'agiraient pas sur le seul ordre de Trump, – et ainsi, c’est son propre serment [celui de Milley soldat] qui est maintenant mis en question.
» En commençant sa carrière militaire en 1980, Milley a juré de “soutenir et défendre la Constitution des États-Unis contre tous les ennemis, étrangers et nationaux” et de “montrer une foi et une allégeance irréfragables à [cette Constitution]”. Il doit établir qu’il n’a pas trahi sa foi en la Constitution en créant une chaîne de commandement ad hoc, avec lui-même comme commandant en chef effectif. »
On comprend combien la Constitution et la foi du citoyen (et quels citoyens pour nos cas !) en cette Constitution, sacralisée par le serment d’allégeance, constituent des engagements symboliques essentiels. Dans ce pays bâti sur le symbole (et symbole de mythes abusifs selon ses critiques), et sur la sacralisation du symbole, argument d’une extrême puissance pour les esprits rationnels et rationnellement patriotiques, on mesure la fragilité si cette sacralisation n’existe plus, même en simulacre. Dans ce cas, en effet, ce n’est pas le simulacre qu’on doit dénoncer, mais justement l’absence de simulacre (ce qui est logique dans la mesure où l’Amérique et l’américanisme sont des incarnations du Système). En un mot, on ne se donne même plus la peine de simuler !
Ainsi en vient-on à Trump... Car l’on ne peut s’empêcher d’observer combien Trump constitue un véritable ouragan qui risque d’emporter l’Amérique en ôtant toute prudence, toute “bienpensance” symbolique (sorte de Symboliquement-Correct si l’on veut) aux principaux “acteurs” du symbolisme américaniste. Il s’agit non seulement des actes de Trump-président, mais bien plus, de la haine qu’on ne peut qualifier que de pathologique qu’il a suscitée chez ses adversaires.
En l’occurrence, Trump n’est ici coupable de rien, sinon d’avoir existé et d’exister encore sous une forme qui agit comme une sorte de Covid de la haine (aucun vaccin réalisé à ce jour, ni même de passe-vaccinal). En effet, on ne peut avancer d’autre explication que cette pathologie entraînant des officiers du rang de Milley à fantasmer jusqu’à l’insubordination et le sacrilège à propos d’intentions apocalyptiques de Trump, à propos d’une manifestation assez quelconque (le 6 janvier au Capitole) transformée en une sorte de tentative de Révolution d’Octobre américaniste ; entraînant le parti démocrate à fabriquer un ticket Biden-Harris qui met le pouvoir suprême dans une impasse au travers de deux personnages figurant chacun à sa façon impuissance et paralysie ; en engageant ce pouvoir impuissant et paralysé dans la bacchanale de politiques radicales quasiment inapplicables, au rythme d’une ‘cancel culture’ absolument hors de contrôle, qui emprisonne tout le monde contre tout le monde...
Il y a déjà un certain temps que Turley s’exclame discrètement et en mesurant ses propos, décrivant avec une horreur retenue mais d’une puissance condsidérable, « une effrayante perte de la foi en l’Amérique des citoyens américains ». Démocrate de toujours, adversaire de Trump, cet homme évidemment mesuré décrit, alors que tous les moyens du parti qui est le sien sont déployés dans tous les pouvoirs, – sauf la Cour Suprême dont les avis sont systématiquement contestés sinon ignorés, – une non moins effrayante désintégration symbolique et par conséquent ontologique de l’Amérique. Devant ses yeux horrifiés et sous sa plume contenue, mais avec toute la connaissance et l’expérience qu’on lui connaît, cet homme chuchote que “c’est le Droit qu’on assassine” et les symboles qui fondent l’américanisme qu’on désintègre dans un chaos tourbillonnant.
Les États-Unis d’Amérique ne s’en relèveront pas.
Mis en ligne le 23 septembre 2021 à 16H15