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4877Une enquête statistique importante quoique très délicate par sa signification générale montre le sentiment de révolte antigouvernementale aux USA. L’enquête est d’autant plus significative que les questions ne portent pas sur le seul sentiment, mais sur l’action de révolte “par les armes” qui pourrait en découler. La chose mérite donc qu’on s’y attache :
« La plupart des Américains considèrent que le gouvernement est manipulé contre eux et un quart d’entre eux envisagent de riposter par la violence, selon un sondage.
» Près de la moitié des Américains se sentent étrangers dans leur propre pays, révèle un nouveau sondage d’opinion. Il affirme également que la majorité des gens considèrent leur gouvernement comme une institution corrompue travaillant contre eux, et plus d’un quart d'entre eux disent qu’il pourrait être nécessaire de prendre les armes. »
L’enquête a été effectuée par l'Institut de Politique de l'Université de Chicago, et les résultats rendus publics mardi. Deux équipes de sondage, une pour chaque parti, ont interrogé 1 000 électeurs inscrits dans les trois partis pour étudier les divisions dans le pays. Il semble concevable pour notre compte de conjoncturer que cette enquête est rendue publique, éventuellement pour peser sur les délibérations de la commission d’enquête sur les événements du 6 janvier 2021.
L’Université de Chicago est, comme la plupart des établissements universitaires, classée à gauche, donc favorable à la version maximaliste du “6-janvier” comme une tentative de coup d’État ; cette thèse est en ce moment largement contredite par divers témoignages qui mettent la commission en mauvaise position pour atteindre son but qui n’est rien de moins qu’interdire toute fonction officielle à Donald Trump (donc, torpiller son éventuelle réélection). Une enquête rendant compte d’un sentiment insurrectionnel armé contre le gouvernement apporterait beaucoup de gain à moudre au moulin démocrate tournant actuellement plutôt à vide.
Bref, les résultats de l’enquête sont assez remarquables, – sur le sentiment général d’abord, et affectant la population d’une façon générale, surtout cette sensation extrêmement dérangeante et inquiétante, mais si caractéristique de notre époque de stupide globalisation, d’être « étranger dans son propre pays » ; ce sentiment pouvant d’ailleurs être interprété selon une logique idéologique partisane (“étranger” à cause de la présence d’adversaires politiques radicalement différents), ou bien, de façon beaucoup plus haute et gravuissime, selon une logique de crise civilisationnelle et de perte d’identité :
« Les résultats montré un niveau élevé d'insatisfaction à travers les lignes politiques et idéologiques aux États-Unis. Au total, 49% des personnes interrogées ont déclaré qu'elles se sentaient de plus en plus étrangères dans leur pays, ce sentiment étant plus répandu chez les républicains, les indépendants et les conservateurs. Mais même les démocrates ressentent cette aliénation, puisque 40% d'entre eux sont d'accord avec ce sentiment dans une certaine mesure. »
Sur la corruption des hommes politiques, et le détachement des dirigeants du “pays réel” ? Que du bonheur, disent-ils...
« Lorsqu'on leur demande s’ils considèrent que le gouvernement est “corrompu et truqué contre des gens ordinaires comme moi”, 56 % des personnes interrogées répondent par l'affirmative. Les démocrates sont le seul groupe où la proportion de personnes qui ne sont pas d'accord avec cette affirmation est légèrement supérieure à celle des personnes qui sont d'accord, par une marge de deux points de pourcentage. »
Enfin, les questions concernant la possibilité d’une insurrection armée “contre le gouvernement” donne des résultats assez impressionnants dans un pays où il y a plus d’armes en circulation officielle que d’hazbitants, surtout si l’on tient compte qu’il s’agit, pour les personnes interrogées, de membres inscrits des trois “partis” officiels (dont les Indépendants, “sans-parti” officiels) ; c’est-à-dire, de personnes ayant une position et une conduite conformes aux normes politiques du système de l’américanisme, donc nécessairement hostiles en principe à des mouvements séditieux et à la violence illégale. De même, l’hostilité entre membres de partis différents est extrêmement fortes, et quasiment identiques dans les deux partis principaux.
« L'affirmation selon laquelle "il pourrait être nécessaire, à un moment donné, que les citoyens prennent les armes contre le gouvernement" est soutenue par 28% des Américains, dont 38% des conservateurs, 36% des républicains, 35% des indépendants et 37% de ceux qui ont des armes à la maison. Même parmi ceux qui se décrivent comme des démocrates modérés, 19% ont déclaré qu'une résistance armée pourrait être nécessaire.
» Si les partisans des principaux partis se méfient de leur gouvernement, ils ne s'aiment pas beaucoup non plus, selon le sondage. Une majorité écrasante de 73% des républicains s’accordent à dire que les démocrates sont des “brutes” qui tentent d’imposer leurs vues aux autres, et 70% d'entre eux estiment que les démocrates sont “généralement déloyaux et indignes de confiance”. Lorsqu'on a posé aux démocrates les deux mêmes questions sur les républicains, 74% et 69% d'entre eux étaient d'accord respectivement. »
Il est remarquable de noter combien cette hostilité et cette situation d’affrontement se trouvent :
1). Contredites par des sentiments personnels qui ne retrouvent nullement les contradictions idéologiques
« Les Américains acceptent très largement que des personnes du camp opposé se marient dans leur famille, donnent des cours à leurs enfants à l'école ou fassent du baby-sitting pour eux. »
2). Renforcées avec une puissance incroyable par les perceptions et jugements extrêmes sur tout ce qui est du domaine de la communication (information, presseSystème et presse indépendante, réseaux sociaux, etc.) Ce point que nous devons juger essentiel montre une fois de plus la puissance stupéfiante de la communication dans notre séquence de temps, séquence commencée en 2015-2016 et redoublant infiniment un déchaînement de la communication d’ores et déjà en cours depuis les années 1990 (apparition de l’internet) et l’époque post-9/11...
« La moitié des personnes interrogées ont déclaré que l'origine des problèmes liés aux désaccords politiques aux États-Unis était que l'autre camp était “mal informé”, 35% ont reconnu qu'il existait simplement des différences d'opinion honnêtes.
» 48% des personnes interrogées ont déclaré que les journalistes, les rédacteurs en chef et les présentateurs de journaux télévisés “essayaient de faire passer leur propre point de vue”, plutôt que de “présenter les faits avec le moins de partialité possible”, un point de vue soutenu par 37%.
» Les informations par câble et les commentateurs sur les médias sociaux sont perçus comme étant beaucoup plus politisés que les informations locales, auxquelles 74% font confiance pour rapporter les événements de bonne foi. L'attitude envers les journaux nationaux comme le New York Times est divisée par-delà les lignes politiques. Seuls 24% des républicains les perçoivent comme des acteurs honnêtes, contre 70% des démocrates. »
Il est remarquable de voir dans les commentaires du texte cité (RT.com, bien sûr), qui rend compte de façon objective de l’enquête mais qui est lu par des personnes opposées au Système et qui se jugent comme “résistants”, que l’idée d’insurrection armée et de violence anti-gouvernementale n’est guère contredite ni mise en question, au contraire, – le débat étant : un tel événement est-il possible dans un pays où les capacités de surveillance, d’espionnage, d’infiltration, d’écoutes de tous les moyens de communication, les capacités de répression policières et militaires, la férocité du système judiciaire sont si grandes ? Les réactions sont en général au scepticisme et au pessimisme du point de vue “de l’insurgé”. Il est difficile de se regrouper en unités “insurgées” sans être infiltrés, repérés, etc.
Il y a donc une énorme contradiction entre les résultats de l’enquête montrant un pays fracturé et où l’autorité, autant que la pluralité des opinions, autant que la liberté d’expression sont très fortement menacés. En effet, on note par contre que cette extraordinaire hostilité ne touche pas nécessairement l’individu, la personne même, ce qui peut être largement expliqué par l’absence de sentiment profond, personnalisé et sophistiqué que suscite la communication, – laquelle, dans les mains de pouvoirs à tendance totalitaire, est essentiellement quantitative et fort peu qualitative, faisant dans l’affirmation grossière du slogan répétitif et nullement dans la nuance des liens entre humains... Par conséquent, on trouve ce constat, où l’on pourrait supprimer le “encore au point” du fait des limitations même de la communication :
« Toutefois, les divisions ne sont pas
encore au point[dans la situation] où les gens préféreraient une forme de ségrégation selon les lignes politiques, indique le sondage. »
Ces divers constats nous conduisent à avancer une fois de plus que, dans un pays aussi fracturé que sont les USA, mais effectivement aussi sujet à un cadre de surveillance policière très puissant, sans pourtant de rupture idéologique individuelle, la solution la plus concevable s’accorde avec les caractères nationaux caractérisés par le fédéralisme... Il s’agit bien entendu de la sécession, qui résout en partie la question du gouvernement en localisant cette autorité dans un cadre souverain où la légitimité est plus aisée à établir, tandis que l’absence d’antagonismes personnels trop marqués permettrait que des gens d’opinions différentes continuent à vivre ensemble selon le gouvernement de la majorité localiste.
C’est à notre sens pourquoi l’on peut avancer l’idée que l’heure de la sécession a sonné et que, par exemple puisqu’il s’agit d’une nouvelle très récente, le projet de référendum sur la sécession du Texas pourrait effectivement se faire en 2023 et pourrait donner un résultat significatif. On précisera alors que, dans un tel cas extraordinaire, dans une situation générale elle-même extraordinaire, les labyrinthes constitutionnels pour savoir si une sécession est légale alors que la sécession des États du Sud en 1861, si elle été vaincue par le feu et par le sang, n’a pas conduit à une révision constitutionnelle, nous paraissent de peu d’importance. Un tel référendum, s’il avait lieu, “créerait la loi” d’une certaine façon, dans un temps où toutes les autorités et toutes les normes sont mises en question, et les lois d’autant fragilisées sinon désintégrées.
Mis en ligne le 2 juillet 2022 à 16H30