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5253Rarement, sinon jamais peut-être, une élection ‘midterm’ n’aura été attendue aux USA, et par le reste du monde en raison du rôle et de la situation des USA, comme essentielle, capitale, sinon rupturielle et catastrophique. Cette élection porte sur le renouvellement de la Chambre et d’un tiers du Sénat, à mi-mandat du président ; essentiellement, il est donc question de la Chambre des Représentants, qui détient des pouvoirs de proposition essentiels, tant budgétaires que politiques, par rapport à la situation de l’exécutif (par exemple, son président, ou ‘Speaker’ est le deuxième dans la succession, derrière le vice-président, en cas d’indisponibilité ou de destitution du président).
L’importance de ces ‘midterms’ concerne à peu près tous les grandes crises qui concernent le système de l’américanisme, à l’intérieur et à l’extérieur, dans un climat qu’on a déjà maintes fois décrit comme marqué par la haine. Les ‘midterms’ sont notamment attendues pour la situation de notre crise centrale, – ‘Ukrisis’. Hier encore...
« Dans un “Questions-Réponses” du 24 septembre, une des formules d’intervention de Christoforou-Mercouris où Mercouris répond à des questions ou commentaires des auditeurs, Christoforou cite une remarque sur la nouvelle composition du Congrès si les républicains l’emportent... [...] Mercouris abonde dans ce sens et nous renvoie à la date essentielle du 8 novembre (‘midterms’) comme événement le plus considérable à venir ...
» Mercouris : “Je dois dire, comme je l’ai déjà fait plusieurs fois, que le grand espoir pour l’Ouest [pour la paix] est aux États-Unis. Je ne dis pas ça parce que les choses vont bien aux USA, au contraire c’est là aussi qu’est la source du danger, mais regardez l’état d’esprit existant en Europe pour le moment... Si vous voulez stopper cette course au désastre, il y a beaucoup plus d’activité et de vitalité aux USA pour le moment, [pour aller dans ce sens,] que ce qu’on trouve en Europe”. »
Un exemple de cette tension qui précède, accompagne et sans doute suivra les ‘midterms’ se trouve dans cette intervention d’une députée républicaine (Chambre des Représentants du Congrès), Nancy Mace, à CBS-News. Mace est une républicaine ‘centriste’, selon ses propres termes « une conservatrice qui travaille avec les démocrates », qui a d’abord soutenu Trump pour son élection puis durant son mandat, pour ensuite s’en éloigner à l’occasion des diverses péripéties qui ont suivi son échec de novembre 2020. Elle est ainsi devenue ce que les partisans de Trump appellent avec une certaine rage, une RINO (“Republican In Name Only”).
Par conséquent, on peut conclure que les propos de Mace ne sont pas ceux d’une exaltée, mais plutôt d’une loyale collaboratrice du système de l’américanisme, et du Système tout court, fortement appuyée sur une morale et une éthique conformes. On peut donc considérer que ce qu’elle décrit reflète une réalité à l’intérieur du parti républicain : le constat d’une forte poussée pour voter la mise en accusation et la destitution de Biden, évidemment en cas de victoire républicaine le 8 novembre.
« Les républicains seront poussés à mettre en accusation le président Joe Biden si leur parti reprend le contrôle du Congrès lors des élections de mi-mandat de novembre, a déclaré la députée républicaine Nancy Mace.
» “Je crois qu'il y a beaucoup de pression sur les Républicains pour qu'ils votent, pour qu'ils proposent cette législation et qu'ils la votent”, a déclaré dimanche la représentante républicaine de Caroline du Sud dans une interview à NBC News. “Je pense que c'est quelque chose que certaines personnes envisagent”. »
Des parlementaires républicains ont déjà déposé deux projets de mises en accusation pour une destitution du président Biden. Ces projets n’avaient et n’ont aucune chance d’être votés avec l’actuel Congrès, mais ils constituent une épure des poussées à attendre pour l’après-8 novembre en cas de victoire républicaine. Le deuxième projet de loi, déposé ce mois-ci, appuie la demande de mise en accusation et de destitution selon trois arguments :
1) la gestion catastrophique du retrait d’Afghanistan en août 2021 ;
2) l’incapacité, sinon l’absence même de tentative, de sécurisation des frontières Sud des États-Unis ;
3) l’interdiction d’expulsion du migrants illégaux pour des raisons diverses de sécurité et de légalité, mesure qualifiée d’“inconstitutionnelle” par l’administration.
Commentant le deuxième et dernier en date des projets de mise en accusation et de destitution, la députée Mace a exposé sa position qui serait certainement celle des républicains “modérés” (RINO ?) dans la situation hypothétique d’une majorité républicaine à la Chambre :
« “Je vais prendre connaissance des conditions de dépôt de ce projet de loi, ce qu'il contient, quelles sont les preuves qu'il contient” a déclaré Mace à propos de la procédure de destitution contre Biden. Elle a ajouté : “Je vote généralement de manière constitutionnelle, indépendamment de qui est au pouvoir. Je veux faire ce qu'il faut sur le long terme, car il ne s'agit pas seulement d'aujourd'hui, de demain ou de l'élection de cette année. Il s'agit de l'avenir de la démocratie”. »
On a là, avec la députée Mace, un cas très classique, et assez rare il faut le dire, de fidélité au principe du ‘bipartisanship’. En d’autres temps, il aurait été évident que cette attitude avait toutes les chances d’être majoritaire, – d’ailleurs dans les deux partis, ce qui n’est même plus le cas aujourd’hui au stade minimal puisque le nombre de démocrates prêts à “travailler” avec les républicains autrement que sur l’adoption complète du programme démocrate est si faible qu’on peut le tenir comme inexistant. C’est d’ailleurs le problème des RINO : il n’y a pas, en face, chez les démocrates, une fraction conséquente d’élus armés du même goût du compromis ; s’il y a des RINO, il n’y a guère de DINO, tant le travail idéologique, depuis 4 et 6 ans, a été dans ce parti d’une efficacité et d’une puissance inouïes.
C’est là le problème des RINO type-Nancy Mace. Avec si peu de vis-à-vis, ils peuvent très vite se retrouver en position d’“otages”, de “collabos”, de “traîtres”, etc., selon le nom que les populistes et partisans de Trump jugeront le plus adéquat. Il n’est pas assuré que les “trumpistes” purs et durs fassent l’essentiel des victoires républicaines, mais le courant populiste, qui ne passe pas nécessairement par Trump, est devenu puissant au sein du parti, Trump ou pas Trump. S’il y a victoire républicaine, ce sera ce courant à diverses tendances qui s’affirmera comme cause principale de la victoire. En temps de crise, c’est l’évidence, les “marginaux” deviennent la colonne vertébrale des groupes et les “modérés” deviennent des RINO qui doivent de toute urgence réviser leurs priorités s’ils veulent subsister.
La position que défend Nancy Mace ne nous dit qu’une chose : il existe bel et bien un puissant courant pour la destitution chez les républicains. Le reste, ses arguments, son appel à la mesure et à la coopération, son respect des mœurs institutionnels, constituent des détails de circonstance, – justement à cause des circonstances, qui risquent d’être explosives après le 8 novembre (et là, même si la victoire républicaine n’est que partielle ou poussive). En effet, même la destitution n’est pas une panacée pour les républicains puisque l’élimination d’un Biden nous fait déboucher sur une autre calamité (même pour les démocrates !) nommée Kamala Harris, inexistante depuis des mois et des mois, sans même avoir existé auparavant... Le désordre deviendrait alors considérable pour trouver une issue constitutionnelle amenant aimablement à une élimination de la vice-présidente.
Tout cela ne nous fait pas progresser vers une issue de la crise, même favorable aux républicains, mais vers du désordre, encore du désordre, toujours du désordre. C’est alors, dans de telles conditions, que la question de l’aide à l’Ukraine zélenkiste peut effectivement se poser très rapidement, alors que les citoyens et électeurs semblent tout à fait prêts à accepter qu’on ne s’intéresse plus guère à l’Ukraine...
« “Les pressions des médias traditionnels [presseSystème] ont échoué, massivement”, observe samedi le Rasmussen Reports, citant des sondages montrant une divergence entre les sujets les plus martelés par les chaînes d'information câblées et les questions qui préoccupent les électeurs. La crise ukrainienne, en particulier, a été ignorée par de nombreux électeurs, ne figurant pas parmi les douze premiers sujets [“importante” pour 60% des sondés] et n'étant citée comme “très importante” que par un Américain sur cinq (20%).
» En comparaison, 87% des électeurs sont “préoccupés”, dont 56% “très préoccupés” par les crimes violents, selon Rasmussen. Parmi les autres questions les plus importantes figurent la politique énergétique (87% sont préoccupés dont 54% très préoccupés), le prix élevé de l'essence (86% et 57%), l'inflation (85% et 57%), l'économie (84% et 55%) et l'immigration illégale (84% et 54%).
» Les 12 autres sujets les plus importants sont légèrement moins préoccupants, à 75-80%, mais certains d'entre eux suscitent une forte inquiétude chez un nombre encore plus important d'électeurs que les sujets principaux. Par exemple, la tricherie électorale et l'intégrité des élections sont très préoccupantes pour la plupart des Américains, avec respectivement 60% et 59%, soit trois fois plus que le niveau de forte préoccupation concernant l'Ukraine. Environ 58% des personnes interrogées dans le cadre du sondage Rasmussen sont très préoccupées par les questions scolaires. »
Dans un tel désordre où même une destitution s’avèrerait ne rien résoudre, et s’ils ont tout de même obtenu leur victoire le 8 novembre, les républicains seraient amenés à pratiquer une guérilla parlementaire féroce, et à prendre le contre-pied de blocage de toutes les politiques de l’administration démocrate. L’aventure ‘Ukrisis’ est un fleuron démocrate, elle devrait donc être mise en question, sinon passer à la casserole puisque cet engagement passe par des crédits énormes dont la disposition dépend de la Chambre. Les quelques RINO partisans de la politique Biden (la députée Mace l’est en grande partie) devraient choisir non plus en fonction de la valeur de cette politique en conformité avec la politiqueSystème, mais en fonction des engagements de leur parti passé sur le mode offensif dans une guérilla politicienne sans pitié.
C’est dans cette mesure de l’équation fameuse où un négatif plus un négatif donne un positif, qu’il faut se placer : une victoire insuffisante (négatif) des républicains pour rétablir l’ordre mais assez forte pour asséner des coups, une politique ‘Ukrisis’ devenue emblématique des démocrates et donc d’autant plus ciblée (négatif) non pas pour ses vertus supposées mais pour ses tares (ce qu’elle coûte à l’Amérique), – et l’on peut entrevoir la possibilité que les USA se désintéressent de la chose (positif).
Seule l’extension du désordre et de la puissance de la crise intérieure américaniste peut conduire à sa prééminence sur les crises extérieures, aux dépens de celles-ci. Cela répond à nos vœux selon lesquels la crise intérieure des USA doit prendre décisivement le pas sur la crise extérieure à cause des USA. L’on se doute bien que cette version évidente en son raccourci de la fameuse équation du Système, – surpuissance = autodestruction, – a tout pour nous séduire.
Mis en ligne le 26 septembre 2022 à 17H25