RapSit-USA2022 : Le président-téléprompteur

Brèves de crise

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RapSit-USA2022 : Le président-téléprompteur

Voici un tableau de l’Amérique Biden-2022, de la plume de Victor Davis Hanson, un “historien au marteau” à la façon dont Nietzsche se disait “philosophe au marteau”. Ce n’est certainement pas faire de comparaison ni de qualité ni de valeur entre les deux, mais plutôt indiquer que Hanson a le verbe dur comme Nietzsche l’avait. L’aspect intéressant de cette référence est que Hanson se réservait traditionnellement pour les guerres des théâtres extérieurs, qu’il comparaît notamment avec les logiques militaires des Anciens, dont il avait fait sa spécialité ; Hanson a toujours insisté sur l’aspect psychologique dans les questions guerrières qu’il étudie, voire l’intérêt porté à des matières éloignées de l’activité de la guerre (la culture, par exemple), mais y jouant un rôle indirect important.

Désormais, il opère dans la sphère médiatique, souvent sur des sites indépendants et dissidents, à propos de la situation intérieure aux USA. Hanson est aujourd’hui un conservateur de la tendance dure, éventuellement populiste (pro-Trump), venu d’un conservatisme classique (et même conservateur démocrate à ses débuts), d’un bellicisme de type-neocon, soutien de la guerre en Irak et admirateur de Rumsfeld, antirusse au moment de la crise ukrainienne de 2014, etc. C’est dire son évolution, qui s’est faite essentiellement ces dernières années, devant la dégradation de la vie publique et ce que nous jugeons être la crise du système de l’américanisme depuis l’arrivée de Trump en 2015-2016 ; et par “évolution”, nous entendons moins un changement d’opinion sur les matières de politique étrangère qu’un basculement du champ de son intérêt vers la situation intérieure des USA.

Pour ces raisons, il nous paraît intéressant parce qu’il illustre parfaitement deux points qui nous paraissent aujourd’hui fondamentaux :

• L’importance et la gravité de la situation crisique du système de l’américanisme en soi ;

• L’équivalence en importance, sinon l’importance plus grande de la crise intérieure US par rapport aux crises extérieures.

L’évolution de Hanson semble bien porter témoignage de ces deux constats et l’intérêt de ses textes est bien qu’une certaine brutalité de son écriture permet de prendre une exacte mesure d’une crise que nos habitudes de soumission intellectuelle tend systématiquement à occulter.

Désordre : succès ?

Le texte de Victor Davis (« Notre désordre marque-t-il le succès de Biden ? » ), du 20 mai 2022, est une revue générale de cette crise par rapport à la politique de Biden, ou de l’administration Biden. Nous préférons donner d’abord le texte en lecture avant d’en faire le commentaire.

« Si une administration avait délibérément voulu causer des ravages à la frontière, faire en sorte que le prix du carburant soit presque inabordable, créer une vague de criminalité sans précédent, déclencher une hyperinflation comme celle des années 1970 et raviver les tensions raciales, qu'aurait-elle fait de différent que ce qu’a fait le président Joe Biden ?

» Alors, Joe Biden est-il malveillant, incompétent ou un idéologue de gauche animé du zèle des nouveaux croyants ?

» Lorsqu'on le presse au sujet de l'inflation et de la hausse des prix du carburant, Biden rejette la faute sur quelqu'un ou quelque chose d'autre, se fâche contre la personne qui pose la question ou prétend que c'est l'ancien président Donald Trump qui en est responsable.

» Son administration croit apparemment que les choses se passent bien et conformément aux plans prévus.

» Lorsque les sondages ne sont pas d'accord, son équipe croit soit que le peuple américain a subi un lavage de cerveau, soit qu'elle n'a pas produit suffisamment de propagande. Ainsi, ils ne changent jamais de cap, repoussent tout compromis et accélèrent dans le sens de ce qu’on considère comme un échec.

» Pourquoi ? Apparemment, ce que la plupart des habitants du pays considèrent comme des désastres, Biden le considère comme un succès.

» Prenez la frontière [Sud], – ou plutôt sa disparition.

» Jamais dans l'histoire des États-Unis une administration n'a simplement annulé les lois sur l'immigration, ouvert la frontière et accueilli des millions d'étrangers en situation irrégulière. Tous arrivent illégalement, sans audit ni vaccinations et tests de pandémie.

» Les cartels importent désormais à volonté des drogues mortelles aux États-Unis. Nous n'avons aucune idée du nombre de terroristes qui traversent la frontière chaque jour.

» La quasi-totalité des millions de migrants qui enfreignent la loi sont pauvres, n'ont pas de diplôme d'études secondaires et ne maîtrisent pas l'anglais, avec un besoin urgent de subventions fédérales et étatiques massives en matière de logement, d'alimentation, d'éducation, de droit et de santé.

» Les gauchistes de Washington croient-ils que des millions de nouveaux résidents aussi dépendants se tourneront vers la gauche pour obtenir un soutien pendant des décennies et l’en remerciera en votant pour elle ? Est-ce la raison pour laquelle les démocrates se vantent, de manière tribaliste et sans complexe, de changer la démographie de l'électorat ?

» Steven Chu, secrétaire à l'énergie désigné par l'ancien président Barack Obama, avait montré le bout de l’oreille lors de la campagne 2008, en souhaitant ouvertement que les prix de l'essence aux États-Unis atteignent les niveaux européens.

» En vérité, la Gauche a toujours pensé que la seule façon d'atteindre ses objectifs de décourager la conduite automobile, de forcer les Américains de la classe moyenne à prendre le train et le bus, et de les persuader de vivre dans des tours urbaines plutôt que de conduire des voitures émettrices de carbone depuis de spacieuses maisons de banlieue de style ranch, était d'encourager les prix élevés du carburant.

» Ce programme est-il la raison pour laquelle Biden, pendant la crise énergétique actuelle, a tout simplement annulé les nouvelles concessions fédérales de pétrole et de gaz ? Alors que le diesel atteint 7 dollars le gallon en Californie, pourquoi a-t-il refusé de terminer le pipeline Keystone XL ou de rouvrir les champs pétrolifères de l'Alaska ?

» L'inflation continue officiellement de dépasser 8% par an. La plupart des consommateurs ont l'impression que c'est le double lorsqu'ils paient leur nourriture, leur carburant, leurs matériaux de construction, leur maison ou leur loyer, – toutes ces choses essentielles de la vie.

» Qu'est-ce que l'administration Biden espère en maintenant des taux d'intérêt réels proches de zéro, tout en imprimant des milliers de milliards de dollars au moment où l'offre est insuffisante et où la demande explose ?

» Ou pense-t-elle que l'inflation répartit plus équitablement les richesses ? Est-ce que cela incite à de nouvelles attaques nécessaires contre la “cupidité des entreprises” ? Exige-t-elle davantage d'intervention fédérale et de politiques socialistes ?

» Si l'inflation est “mauvaise” pour la plupart des gens, elle ne semble pas l'être pour cette administration de gauche.

» La criminalité violente est en passe de retrouver les niveaux des années 1970. La combinaison de la débudgétisation de la police, de procureurs activistes de villes et de comtés qui n’inculpent pas ou n'enferment pas les criminels, et de l’évidement des prisons a déclenché une vague de criminalité nationale.

» L'administration Biden s’en fiche. Elle n’offre aucune nouvelle aide fédérale pour renforcer les effectifs de la police et inculper les criminels libérés en vertu des lois fédérales en vigueur.

» Pense-t-elle qu'il est plus juste socialement de laisser les criminels libres que de les incarcérer ?

» Adhère-t-elle à la “théorie juridique critique” selon laquelle les lois ne reflètent pas les anciennes idées du bien et du mal, mais sont plutôt “construites” par les privilégiés pour opprimer ceux qui sont déjà opprimés ?

» Est-ce que ce que les Américains considèrent comme un crime dangereux est applaudi par les zélateurs de Biden comme un karma d’une grande efficacité sociale ?

» Les Américains sont fatigués du nouveau tribalisme woke. Juger les individus sur la base de leur race, de leur sexe ou de leur apparence superficielle est amoral et contraire à tout le mouvement des droits civiques et à la Constitution des États-Unis.

» Cela détruit toute idée de méritocratie et divise artificiellement le pays en victimes supposées et en bourreaux.

» Mais les gens de Biden le voient-ils ainsi ?

» Ou encouragent-ils les tensions raciales et le tribalisme, comme une ferveur révolutionnaire bienvenue ?

» À cet égard, les bidenistes promeuvent la politique identitaire comme un bon moyen de touiller la marmite sociale, de diaboliser les oppresseurs supposés et de déifier les opprimés, – tout cela pour conserver le pouvoir politique. Pour la gauche, vivre dans une nation socialiste contrôlée par une élite est de loin préférable à vivre dans une nation libre et prospère qui ne répond qu'au peuple.

» Le public pense que l'administration Biden a laissé tomber l’Amérique, avec des résultats désastreux dus soit à son incompétence, soit à sa belligérance, soit à son fanatisme de gauche.

» Mais Biden et son équipe délirante semblent ravis de ce qu'ils ont accompli.

» En définitive, ce que les Américains considèrent comme des crimes dangereux est acclamé par les zélateurs de Biden. »

Le téléprompteur déconstructeur

Lors d’une récente conférence, Elon Musk fit une description en règle de la situation économique critique des USA, notamment du point de vue de l’inflation. Milliardaire devenu activiste populiste en rachetant Twitter, Musk s’est montré très critique du “travail“ de l’administration et de l’impulsion ( ?) donnée par le président, – si impulsion et si président il y a ...

« Au cours de la conférence, Musk a également déclaré que l'administration Biden “ne semble pas faire grand-chose” et il s’est demandé qui est réellement aux commandes.

» “Le vrai président est celui qui contrôle le téléprompteur [du président]”, a-t-il déclaré.

» “Le chemin vers le pouvoir est le chemin vers le téléprompteur”. »

On comprend ce que Musk veut dire et, alors, l’on s’interroge sur l’analyse de Hanson, qui semble souvent parler de Biden comme d’une sorte d’inspirateur, mais qui s’interroge également sur ce qu’il est : « Joe Biden est-il malveillant, incompétent ou un idéologue de gauche animé du zèle des nouveaux croyants ? » Nous-mêmes nous sommes souvent interrogés à ce propos, sans jamais parvenir à une réponse nette ; envisageant  même, parfois, que ses incontestables faiblesses cognitives, voire sa démence sénile, favorisassent une sorte de penchant inconscient du président-téléprompeur pour une politique de déconstruction, qu’un esprit dérangé, qu’une sorte de folie, peuvent favoriser par le seul goût du désordre ou d’un “ordre”-du-fou qui constituerait une destruction de l’ordre en place. On ne nomme pas cela “idéologie” mais il est évident que des inattentifs peuvent s’y laisser prendre.

Il ne fait aucun doute que le téléprompteur dont Biden a un besoin vital pour ses interventions peut être manipulé à souhait, mais on ne parvient pas à envisager qu’il soit le fruit d’une sorte de “complot” dont l’esprit dérangé de Biden n’a nul besoin. Au reste, il peut lui-même, Biden, prendre des initiatives (comme à Varsovie, affirmant que Poutine doit être renversé), et tout ce qu’il dit (téléprompteur) ou phantasme (hors-téléprompteur) à propos de l’Ukraine montre que son idée fixe à l’égard de cette crise va dans le sens de la déconstruction sans prendre le risque d’un engagement direct, – autre idée fixe : déconstruction mais pas d’engagement, comme Biden l’a montré lors de l’affaire afghane. Quant aux références classiques de ses adversaires pour définir sa “politique” intérieure si déconstructrice et comme trempée dans le wokenisme, il n’est nul besoin de s’y attarder tant elles sont évidentes : il s’agit d’une sorte de remake en mode de communication d’une recette bolchévique ; mais remake-bouffe du fait de l’extraordinaire poids de la communication et de l’inculture ambiante, et de l’âge canonique de nombre des acteurs-figurants ; cela ne saurait d’ailleurs déplaire à Marx, dont on raconte dans les chaumières qu’il aurait dit quelque chose comme :

« L’histoire se répète, tout d’abord comme une tragédie, après comme une farce. »

Au reste, tous les boulons de la machine américaniste, – presseSystème, Congrès, “experts”, parti démocrate, Hollywood, capitalisme-sociétal, – tournent dans le même sens, sans nécessité nous semble-t-il, d’impulsion, d’incitation ni de feuille de route. Cela vaut pour l’Ukraine puisque nous en avons parlé, comme cela vaut pour la situation intérieure US dont nous parlons. A cet égard, ce que Hanson nomme “la Gauche” semble être une représentation idéologisée d’une dynamique quasi-automatisée, ou alors, selon notre appréciation métahistorique, d’une dynamique suscitée par un “événement” autonome (par rapport à nous) et doté d’une “souveraineté spirituelle”. L’effet recherché serait évidemment la désintégration de cette énorme machinerie déconstructrice qu’est le système de l’américanisme. Il s’agit d’un enjeu colossal bien entendu, comme nous ne cessons de le répéter, et toute la situation mondiale dans ses déséquilibres et ses désordres actuels en dépend... Bref, il s’agit de la clef, de la matrice, du verrou de la GrandeCrise.

C’est le même Hanson (dans un autre texte) qui annonce que les cinq mois qui viennent (d’ici novembre 2022) vont être cruciaux pour le destin des Etats-Unis :

« Les Américains entrent maintenant dans un territoire inexploré et révolutionnaire. Ils pourraient être témoins, au cours des cinq prochains mois, de choses qui, autrefois, auraient semblé inimaginables. […]

» Les fondements traditionnels du système américain, – une économie stable, une indépendance énergétique, de vastes excédents alimentaires, des universités sacrées, un système judiciaire professionnel, des forces de l'ordre et un système de justice pénale crédible, – sont en train de se dissoudre. »

La logique totalitaire qui entraîne Biden et l’administration Biden, et tout ce qui suit, est l’outil de leur légitimité fabriquée et le seul socle sur lequel repose cette apparence de légitimité. C’est le seul argument qui justifie leur maintien au pouvoir, qui a permis les attaques contre Trump, les deux procès en destitution, la défaite de Trump dans des conditions originales et exotiques au milieu d’un étourdissant désordre vaccinal, la transformation de l’émeute-bouffe du 6 janvier 2021 en monument national de la sauvegarde de la démocratie, etc. Aucune mise à jour des évidences diverses pour tout esprit critique, – comme l’inlassable mise à nu du véritable caractère de corruption et de machine à fric que sont les BLM (‘Black Lives Matter’), – ne freine cette logique totalitaire, tandis que les divers bombes à retardement de la désintégration ont déjà leurs mèches allumées, – comme l’activisme autonomiste (par rapport aux puissances du jour) du gouverneur DeSantis de Floride.

Tout cela n’explique rien, ni dans un sens ni dans l’autre, mais ne cesse de confirmer cette perception de l’inévitabilité de la catastrophe, – laquelle est d’ailleurs, paradoxalement, le but de cette Gauche révolutionnaire-déconstructrice comme celui d’une inéluctable réaction antiSystème comme outil nécessaire de l’“événement“ conduit par sa “souveraineté spirituelle”. C’est dans ce paradoxe que se trouve la démonstration que la description qu’on fait ici constitue une véritable vérité-de-situation. Aucune explication, et encore moins aucune compréhension précise et rationnelle des circonstances en-cours, ne sont requises pour la description de ce très-grand phénomène métahistorique qui ne cesse d’affirmer et d’affiner sa forme sous nos yeux.

 

Mis en ligne le 21 mai 2022 à  18H30