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5612Toujours le même processus. On prévoit un événement important, on le juge de plus en plus probable, – tout en pensant peut-être en soi-même :“Non, il n’aura sans doute pas lieu”, dans tous les cas ne lui accordant pas l’importance dont on sait pourtant qu’il l’aurait. Mais il survient et, brusquement son importance éclate au grand jour, effectivement considérable : du fait de sa soudaineté, du choc qui l’accompagne, il devient une crise en soi (et, dans ce cas, une crise dans la crise).
Il s’agit bien entendu de la démission après avoir été mis en minorité du Speaker (président) de la Chambre des Représentants, personnage très important puisque n°2 dans la succession du président en cas de malheur et personnage le plus puissant du Congrès. C’est la première fois dans l’histoire des USA qu’un Speaker est démis de ses fonctions par son assemblée.
Kevin McCarthy est tombé, victime d’une ultra-minorité dans le partir républicain, essentiellement du député Matt Gaetz de Floride, populiste et trumpiste. Il se dit officieusement que Gaetz avait eu le feu vert de Trump, qui affrontait, hier également, le tribunal grandguignolesque de New York.
Quelques précisions factuelles :
« La Chambre des Représentants américaine a voté mardi par 216 voix contre 210 pour évincer le républicain californien Kevin McCarthy de son poste de président de la Chambre. Tout au long de son court mandat, McCarthy a fait face à une opposition persistante de la droite pour avoir fait des compromis avec les démocrates sur le financement gouvernemental et l’aide à l’Ukraine.
» Le républicain de Floride Matt Gaetz a présenté lundi une motion visant à évincer McCarthy, deux jours après que McCarthy a rallié les législateurs républicains pour adopter un projet de loi finançant le gouvernement américain jusqu'au 17 novembre. Gaetz et une cohorte de conservateurs extrémistes se sont opposés à toute tentative de combiner le financement de différentes agences gouvernementales en un seul projet. un seul projet de loi, Gaetz avertissant qu’il évincerait McCarthy si le projet de loi était adopté.
» Gaetz a pu lancer la destitution de McCarthy grâce à un compromis trouvé en janvier entre le républicain californien et les alliés du ‘Freedom Caucus’ de Gaetz, dans lequel les extrémistes avaient accepté de soutenir sa candidature à la présidence en échange de la possibilité de le démettre de ses fonctions. s'ils perdaient confiance en son leadership.
» Gaetz a dénoncé McCarthy comme “un élément du marigot washingtonien” peu après le vote. “C'est l’intérêt de ce pays que nous ayons un meilleur président de la Chambre que Kevin McCarthy”, a-t-il déclaré aux journalistes.
» Même si McCarthy a supprimé l'aide militaire à l'armée ukrainienne du projet de loi de financement, Gaetz a toujours accusé le désormais ex-président d'avoir conclu “un accord parallèle secret” avec le président Joe Biden, affirmant lundi que McCarthy avait partagé seulement les détails de l'accord apparent avec les législateurs républicains.
» En acceptant d'adopter samedi soir un projet de loi de dernière minute sur les dépenses de 45 jours, les Républicains ont évité une fermeture imminente du gouvernement. “J'ai laissé le gouvernement ouvert afin que les familles de nos soldats et de nos agents frontaliers puissent être payées”, a déclaré McCarthy, tout en défendant son bilan. “Si une poignée de Républicains se rangent du côté des Démocrates pour me destituer pour cela, c'est un combat qui en vaut la peine”. »
C’est un coup de poker qu’a joué Gaetz, alors que certains bruits affirmaient que McCarthy recevrait en dernière minute le soutien d’une poignée de démocrates pour compenser la poignée de députés autour de Gaetz. McCarthy n’a pas suivi une telle voie qui l’aurait complètement discrédité.
Gaetz n’a rien résolu. Il a installé le chaos avec la conviction que l’“ordre” républicain que représentait McCarthy était trop faible pour résister à la subversion démocrate. Il était de cette catégorie identifiée par l’historien Victor Davis Hanson, lors de son exceptionnel entretien avec Tucker Carlson hier :
« Les républicains classiques préfèrent perdre noblement que vaincre en se salissant les mains dans les bagarres. »
Cela est dit en termes modérés mais signale parfaitement le processus de capitulation de modérés réformistes et partisans des arrangements devant des révolutionnaires totalement étrangers à la moindre concession. C’est effectivement la situation que dépeint Hanson d’une “révolution culturelle et politique” lancée par le parti démocrate, et dans ce cas, même si elle était très risquée à faire et reste risquée dans ses effets, l’action de Gaetz se défend et montre même une réelle cohérence par rapport à la situation en-cours.
Pour autant, cette situation est pour l’instant complètement bloquée, avec le député républicain Patrick McHenry assumant comme faisant fonction tous les pouvoirs du Speaker. Gaetz a un candidat, d’autres vont sans doute se signaler sans qu’on puisse dégager une tendance. On parle même, – sans connaître le fond crédible ou pas de l’affaire, – de la nomination de Trump comme Speaker. On ne peut dire si la crise sera longue ou brusquement résolue, mais on peut dire que ces deux possibilités extrêmes existent.
Dans cette affaire, Gaetz a gagné une dimension nationale qui aura certainement une grande résonnance dans ce climat de crise. Le départ de McCarthy n’est pas une crise venue de rien, mais bien “une crise dans la crise”, s’inscrivant dans l’énorme crise du système de l’américanisme réellement confronté à une perspective révolutionnaire.
On peut en écouter là-dessus pendant un peu plus d’une demi-heure dans l’entretien déjà cité de Tucker Carlson avec l’historien et universitaire Victor Davis Hanson. S’il est connu dans les milieux de ses spécialités, Hanson n’est pas une personnalité populaire au sens pratique du mot. Peu importe, Carlson est un formidable ascenseur à cet égard : en 24 heures, aujourd’hui à 14H00, on comptabilisait 35 millions de vues de la vidéo.
Mis en ligne le 4 octobre 2023 à 14H30
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