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492921 novembre 2023 (17H25) – Interviewé par Jan Psaki, sur MSNBC, le député démocrate Dan Goldman a eu des mots malheureux sur Trump, – en fait, un seul mot, mais qui a provoqué un bruit de tonnerre. Aussitôt repris sur Tweeter-X, la chose s’est répercutée en cascade comme c’est la coutume pour une circonstance de cette sorte, exactement taillée pour en faire une explosion nucléaire sans achèvement, parcourant la labyrinthe sans fin du système de la communication comme l’on plonge dans un trou noir.
Ainsi allait la conversation, évidemment conduite dans un sens extrêmement défavorable à Trump puisque venue de MSNBC, le réseau le plus militant antiTrump aux USA. La conversation en prélude au mot désormais fameux est ainsi décrite (sur ‘Red State’ parmi beaucoup d’autres) :
« Nos amis du site ‘Twitchy’, ont repris le commentaire. Goldman était sur MSNBC avec Jen Psaki. Ils parlaient d'une interview de l'ancien président Donald Trump avec Jonathan Karl, de la chaîne ABC. Dans cette interview, Trump a déclaré à Karl qu'il avait voulu se rendre au Capitole pendant l'émeute du 6 janvier pour essayer d'arrêter ce qui se passait. Trump a déclaré que les services secrets l'en avaient dissuadé. L’incrustation de MSNBC en bas de l'écran interprétait cela de cette façon “New audio : Trump dit qu'il voulait se joindre à la foule [de l’“émeute”] du 6 janvier”, ce qui ne correspond pas à ce que Trump disait. »
Mais cela n’est pas l’essentiel, comme l’on s’en doute ; on a l’habitude des simulacres et des narrative-billevesées qui vont avec. Il faut en venir au mot fameux (que nous mettons en gras), et pour le moins malheureux du député Goldman. Nous y sommes, selon la présentation de ‘Red State’, site pro-républicain mais très moyennement pro-Trump et souvent du côté des dinosaures RINO du parti, – donc, une source qui ne dramatise certainement pas à l’avantage de Trump, – mais qui là, pour le coup, en est resté interdit et le souffle coupé.
« Ensuite, Goldman a essayé de présenter Trump comme une menace.
» “Sa rhétorique devient vraiment dangereuse... Il est incontestable à ce stade que cet homme ne peut plus exercer de fonctions publiques. Il n'est pas seulement inapte. Il est destructeur pour notre démocratie. Il doit être, il doit être éliminé.”
» Il parle d'incitation de la part de Trump, – comment justifier une telle interprétation ! De nombreuses personnes sur X ont, à juste titre, qualifié cette déclaration de menace. Même si beaucoup ne regardent pas l'émission de Psaki, la vidéo de ce passage a diffusé la remarque en postant le clip sur X. Alors qui sait ce que les fous peuvent penser après avoir vu et entendu ce genre de déclaration ?
» Cela montre également à quel point les démocrates sont inquiets à l'idée qu'ils puissent perdre, – que Trump puisse gagner. Ils doivent donc faire tout ce qu'ils peuvent pour présenter l'angle du "danger pour la démocratie”. »
Le lendemain (hier soir pour nous), Goldman a essayé de revenir sur ce qu’il avait dit après avoir mesuré l’ampleur extraordinaire que l’usage du mot “éliminé”, – un mot qui laisse fort peu de place à l’ambiguïté, surtout dans l’actuel contexte, – avait suscité du fait de sa diffusion maximale sur Tweeter-X. Piteuses explications, mais comment faire autrement devant ce qui est, à notre sens, au moins un lapsus évidemment révélateur.
« Hier, à la télévision, j'ai utilisé par erreur le mauvais mot pour exprimer l'importance pour l'Amérique que Donald Trump ne redevienne pas président.
» Même s’il doit être vaincu, je ne lui souhaite certainement aucun mal et je ne tolère pas la violence politique.
» Je m'excuse pour le mauvais choix des mots. »
On pourrait évidemment traiter cet incident comme un fait isolé, un lapsus “au pire”, – mais c’est malheureusement, comme écrit plus haut, comme “un lapsus au mieux” qu’il faut le considérer. Les gens, la majorité du public le percevra ainsi, et même le perçoit évidemment ainsi car le mal est fait et rien n’y pourra rien changer. L’idée d’un “fou” qui pourrait être incité à agir après avoir entendu ce mot, comme évoqué par ‘Red State’, ce serait la réaction à craindre la moins surprenante et la plus significative, mais cette évidence n’a aucune importance car elle n’a aucune chance d’être retenue. Même s’il s’agit bien d’un “fou”, un tireur isolé, un mauvais plaisantin et un type bourré de complexes antifascistes et de vertus populistes, – un nouveau Lee Harvey Oswald dira-t-on sur le ton d’un humour sinistre, – cette explication n’a aucune chance d’être acceptée avant même qu’une telle chose soit commise car la méfiance, l’hostilité la haine règnent aujourd’hui dans la société et dans les rapports de cette société avec toutes les formes hiérarchiques d’autorité pour mieux pouvoir distinguer des complots dans tous les sens.
Le plus extraordinaire de l’évolution de la situation aux USA est ceci : Dieu sait, Lui qui sait tant de choses, si Trump n’est pas un personnage de tragédie mais on est en train de le transmuter en un personnage de tragédie. Bien, je le reconnais, – tragédie-bouffe dira-t-on, mais “tragédie” tout de même dans des temps qui sont propices à de subits changement de rythme et d’orientation, où une situation-bouffe peut devenir une tragédie en l’espace de l’instant d’un éclair ; et vous savez bien, “tragédie” dans le sens des Anciens, des Grecs immortels, dans le sens du Nietzsche de ‘La naissance de la tragédie’, ce sens-là qui nous transporte dans les origines immuables de l’impossible naissance du monde puisque l’éternité projette notre destin dans les deux non-sens au-delà des horizons.
Il nous semble, il me semble à moi que ce personnage, Donald Trump, est du genre qui est capable de créer chez ses cohortes innombrables d’ennemis des bouffées terribles de rage impuissante, des ébranlements sismiques de haines inouïes et inutiles. De même suscite-t-il chez ses partisans des attitudes et des sentiments semblables, à part qu’ils sont tout juste opposées à cent quatre-vingts degrés des précédents. A ce moment, comme vous le comprenez, comme cela est décrit, rien, absolument rien n’est résolu.
Alors, que reste-t-il ? Liquider Trump comme l’on abattit Kennedy ? La tragédie fait trembler mais l’analogie fait involontairement sourire tant diffèrent les deux victimes. C’est là que se situe le nœud gordien, comme une impossibilité de trancher ce qui ne peut être résolu qu’en étant tranché. Assassiner Trump ? Ce serait un immense éclat de rire (“C’est une blague ! Il veut encore faire parler de lui !”) suivi ou même accompagné d’une écrasante pression d’une angoisse sans limite, presque comme une fin du monde (“Mais qu’allons-nous faire sans lui, qui nous reste-t-il à adorer et à haïr ?”). La vérité-de-situation est que l’on aurait tant de mal jusqu’à l’impossible à faire de cette circonstance un événement politique alors qu’elle bouleverserait toute la politique du monde jusqu’à en devenir l’essence d’un tournant métapolitique, – tant de mal, disais-je, que l’événement nous écraserait comme une torture universelle d’incompréhension et de contradiction.
Je plains ceux qui, comme moi par instant, sont touchés par la possibilité d’envisager une telle fracture pour notre raison elle-même, et pour la rendre folle c’est sûr. En vérité, le monde deviendrait fou parce que lui, Trump, qui est le fou du monde serait entré dans le royaume des ombres en prétendant qu’il en est le roi. Comme les possédés autour du bûcher de Jeanne découvrant “Nous avons brûlé une Sainte !”, les assassins, multiples et innombrables autant que les victimes, se prosterneraient en s’arrachant les cheveux de contrition : “Nous avons assassiné le Roi du Monde !”. Cela serait sa dernière blague et ce ne serait pas la plus mauvaise.
En vérité, je suis au service de tout le sérieux possible en moi pour reconnaître qu’envisager cette possibilité sérieusement, comme nous y force le député Goldman, me laisse sans voix et comme coi, sans force devant la perspective d’une énigme extraordinaire. Que se passerait-il ? Que deviendrions-nous ?
Le Sphinx, je le reconnais bien là, ne répond pas, comme s’il semblait nous dire : “C’est vous qui avez fabriqué ce formidable Kaos cosmique, à vous de vous en arranger”.