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509124 juillet 2023 (19H15) – Je reconnais bien volontiers une insistance particulière à signaler à mes quelques fidèles lecteurs l’importance essentielle au-dessus de tout et du reste, y compris de l’Ukraine, de la situation du système de l’américanisme. Je parle bien de “système de l’américanisme”, comme je parle souvent d’“américanistes” et non d’“Américains”, parce que je considère que l’esprit de système a complètement perverti aux USA l’“esprit de patrie” qu’on avait tenté d’y installer. Donc, pour mon compte, les États-Unis d’Amérique, ou dit plus rapidement et singulièrement “l’Amérique”, qui n’ont jamais existé en tant que nation, n’existent plus désormais en tant que “pays”. Alors, parlons de “système” en s’interrogeant sur sa direction, comme Mercouris nous dit, d’un air mystérieux (je parle beaucoup de lui dans cette page) :
« ... Et d’ailleurs, on ne sait pas exactement qui contrôle le ministère de la justice [le DoJ]... »
... Et tout cela pour dire : c’est là que “tout se passe” (aux USA), et constater que “tout se passe” dans une très grande discrétion pour nous autres Européens, – et nous autres, Français, pire que tout !, – attachés comme nous sommes aux débris poussiéreux et fumants d’une cause ukrainienne dont nous avons fait un film épique. Nous autres, Européens du Temps-courant, ne brillons pas particulièrement dans le genre film épique comme notre époque le comprend : Gance et Eisenstein ne sont plus dans notre mémoire, et David Lean lui-même est d’un Temps Disparu. L’épique est aujourd’hui plus que jamais hollywoodien, où l’on conserve jalousement les secrets de la vulgarité et du Rantanplan de l‘héroïsme.
... Et tout cela pour arriver effectivement à dire qu’à ignorer le “c’est là que tout se passe”, nous ratons effectivement l’essentiel de l’intrigue, le cœur de l’énigme, le bouquet du paroxysme. Or, hier même, en à peu près 17 minutes, un de mes commentateurs favoris, nous a dessiné un tableau foudroyant du drame épique qui secoue le système de l’américanisme. On en revient donc à Mercouris et à son sujet fort bien orienté par son comparse Christoforou : « Targeting Trump et Protecting Biden », – sans nécessité de traduction, n’est-ce pas..
Pour situer le décor, on dira que nous sommes sous le coup d’une nième péripétie, avec une possible nième inculpation de Trump où l’ancien président et peut-être futur président serait accusé de choses assez vagues à propos du mouvement populaire qui faillit renverser la Grande République le 6 janvier 2021. Jonathan Turley, auquel Mercouris se réfère avec un grand respect, nous expose cette affaire sous le titre hollywoodien de “Mr. Smith Goes to Washington”. Mercouris est, lui, beaucoup plus expéditif :
« La dernière inculpation probable de Trump [concernant les émeutes du 6 janvier 2021] est si farfelue, la théorie sur laquelle elle repose est si farfelue... Je ne crois pas qu’un système juridique puisse continuer à fonctionner s’il pousse ce cas à son terme. »
Ce paragraphe, que l’on répète plus loin, est précédé d’un jugement général absolument crépusculaire sur le comportement du ministère de la justice US et d’une partie du système juridique. Encore une fois, je mets en évidence le langage et la forme qu’y met Mercouris, qui se trouve par ailleurs dans sa partie puisqu’il est avocat de formation (d’où la “tristesse“ qu’il exprime lorsqu’il met en cause le système juridique). Il s’agit d’un commentateur qui a des engagements, certes, mais qui tient son discours sous la référence de la Loi, de la grandeur qu’il lui prête, de la nécessité de l’honneur et de l’intégrité du discours qu’elle impose.
C’est une forme d’intervention assez proche de celle d’un Turley, dont j’ai également souvent parlé. Je ne suis pas, dans ces lignes, pour épouser cette forme de pensée (la référence de la Loi) qui n’est pas exactement la mienne, mais pour l’écouter s’exprimer sur un problème, sur une crise, dont on découvre, à l’entendre, qu’elle attaque directement la clef de voute à la fois des États-Unis lorsque c’était encore un pays, et du système de l’américanisme qui en est l’avorton en ces temps de crise.
Ainsi comprend-on, je le crois, la puissance de cette crise, et combien elle touche directement à l’existence et à l’essence même de “l’Empire” et de ses œuvres impies. On peut donc entendre Mercouris exposer avec mesure et prudence ce qui apparaît alors comme un événement d’une exceptionnelle puissance, où il est effectivement question du destin de l’avenir immédiat.
« Je dois dire que le DoJ et une partie de la communauté juridique, et je suis bien attristé de devoir faire le second constat, agissent à plein temps et par tous les moyens pour s’assurer, premièrement que Donald Trump ne sera pas réélu, et deuxièmement que Joe Biden est protégé autant qu’il est possible... Le DoJ fait tout ce qu’il peut pour tourner la tête et ne rien voir, et même agir de toutes les façons pour ne rien voir, dès qu’il s’agit de la myriades d’allégations et de témoignages concernant les agissements de Hunter et de Joe Biden...
» La dernière inculpation probable de Trump [concernant les émeutes du 6 janvier 2021] est si farfelue, la théorie sur laquelle elle repose est si farfelue... Je ne crois pas qu’un système juridique puisse continuer à fonctionner s’il pousse ce cas à son terme. »
Et c’est ici qu’il faut redire cette remarque faite comme ça, en passant, – cette remarque finalement extraordinaire et que je crois pour autant absolument fondée et justifiée, et d’autant plus importante lorsqu’on connaît la puissance et l’autonomie d’action par rapport aux pouvoirs démocratiques du DoJ... Il y a une petite semaine, on trouve dans ce ‘Journal’ une page où un très long passage est consacré au fonctionnement et à la puissance autonome du DoJ, ce qui permet de mesurer l’ampleur de la crise, et qui donne en même temps une dimension énigmatique à la remarque de Mercouris ; – je veux dire, hors de toute fantaisie complotiste, et bien plutôt tournée vers les hypothèses de forces incontrôlables agissant sur les instruments humains sans que les acteurs qui s’y trouvent, réduits au rôle de figurants, n’y puissent grand’chose :
« ... Et d’ailleurs, on ne sait pas exactement qui contrôle le ministère de la justice [le DoJ].. »
Tout cela est dit et fait pour illustrer et mieux comprendre une situation d’une extrême tension, « bien au-delà des querelles internes » des partis politiques. Le schéma des choses en cours est finalement assez simple pour Mercouris, mais de la simplicité d’une catastrophe quasiment inéluctable.
Trump est donc confronté à plusieurs inculpations et il s’est engagé dans une course “contre la montre”, pour parvenir à empêcher les procès avant l’élection de novembre 2024, et selon son plan, sa propre réélection, – et cela, tout en faisant de ces inculpations que la majorité du public juge comme une attaque politique contre lui l’argument essentiel et unique de sa campagne. Turley a largement expliqué cette façon en observant que ce qui semble une “folie” de Trump d’aller au-devant des inculpations devient en fait une stratégie de campagne inédite et peut-être irrésistible.
C’est là que Christoforou, toujours à propos, pose la question à Mercouris : que vont faire les républicains devant les avatars que le DoJ ne cesse de balancer sur Trump ? On sait en effet que Trump n’est pas aimé dans son parti, parce qu’il s’agit d’un parti de l’establishment politique et que Trump se positionne de plus en plus comme un candidat antiSystème. La réponse de Mercouris est sans appel, très simple elle aussi, parce que justement on se trouve « désormais au-delà... », parce que c’est de l’avenir des États-Unis que l’on parle :
« Si les républicains ne soutiennent pas Trump en masse, il y a toutes les raisons de croire que, tôt ou tard, cette “Machinerie Légale” qui a été créée [pour avoir la peau de Trump] poursuivra son œuvre et se tournera vers eux [pour leur faire subir le même sort]... Ainsi, ils n’ont d’autre choix désormais que de serrer les rangs derrière Donald Trump...
» Ils doivent comprendre que si cette opération juridique réussit, alors l’avenir des États-Unis devient absolument catastrophique... En fait, nous sommes désormais au-delà des batailles internes [pour la direction ou l’orientation des partis]... »
... Ainsi, le sort de Donald Trump déterminerait celui des États-Unis ? Catastrophique s’il est empêché de se présenter, – et alors, par simple logique contradictoire, sauvegardé s’il peut se présenter (et être élu) ? Il y a un peu de cela, mais seulement à moitié : les choses sont tellement simples que rien n’arrête leur développement jusqu’à l’« au-delà ».
Jusqu’alors, disons jusqu’à la guerre en Ukraine de février 2022 qui a détourné l’attention générale et donc avant qu’il soit question d’inculpations, la situation de la présidentielle-2024 était surtout envisagé du point de vue de l’hypothèse de la réélection de Trump, voire simplement de la présence volontaire de Trump. Les commentateurs s’attachaient surtout à débattre de la possibilité de sa présence et de sa victoire et le courant général, conforme aux consignes ou même simplement conforme sans l’épouser à la narrative du Système, était que cette réélection relancerait une logique crisique de désordre. Il était parfois dit (j’ai dû moi-même écrire dans ce sens) que cette perspective n’était pas mauvaise, si l’on avait une position antiSystème.
Aujourd’hui, en suivant Mercouris, on s’aperçoit que la catastrophe existerait également sinon essentiellement dans le fait d’empêcher Trump de se présenter par des inculpations grotesques parce qu’apparaît alors une logique de désagrégation accélérée du Système par le biais de la mise en pièce de son système juridique. En quelque sorte, on en arrive à la conclusion objective qu’il faut que le candidat favori et antiSystème puisse se présenter, – et l’emporter puisqu’ainsi le veulent sa popularité et l’effondrement dégénératif de son adversaire, – pour sauver le Système ! Mais l’on sait bien que son but affiché, à ce candidat-là (Trump), n’est pas de sauver le Système, et que par ailleurs ou par conséquent, son élection déclencherait une vague de contestation insurrectionnelle, voire de désobéissance civique dans certaines bureaucraties du gouvernement ; l’on sait bien que cette élection exacerberait la vindicte et la haine des défenseurs du Système et des belles âmes défendant la démocratie contre le fascisme. (Curiosité drolatique pour ces belles âmes : ...“alors que” la campagne d’inculpation pour empêcher Trump de se présenter est l’amorce indiscutable du fascisme...)
On comprend que de quelque côté que l’on se tourne, c’est l’hyper-paroxysme d’une crise installée dans un paroxysme structurel qui nous attend. (Encore n’a-t-on pas dit un mot de divers autres facteurs d’agitation pouvant devenir essentiels, comme la présence de Robert Kennedy bien entendu.) Je ne vois pas d’autre voie de “sortie de crise” que cette impasse de la haine dans une absence totale de “sortie de crise”, et par conséquent l’existence même des USA tels qu’ils sont aujourd’hui mise dans la balance du destin. C’est à ce moment que l’on comprendra qu’‘Ukrisis’ est bien le détonateur à multiples facettes de la GrandeCrise, et que nous sommes effectivement dans l’œil du cyclone. Effectivement, “Là”, dans le sort des USA, “est la Suite de Tout” ce qui concerne le développement de cet effondrement de la civilisation.
C’est donc le moment de reprendre une citation souvent faite, que notre ami et contributeur thomien ('thomiste' est déjà pris) ‘J.C.’ a reprise en introduction de son texte du 20 juillet :
« Nous l’avons déjà écrit et nous le répétons avec force : il ne peut y avoir, aujourd’hui, d’événements plus important pour la situation du monde qu’une dynamique de dislocation des USA. [...] La fin de l’‘American Dream’, qui interviendrait avec un processus de parcellisation de l’Amérique, constituerait un facteur décisif pour débloquer notre perception, à la fois des conditions de la crise, de la gravité ontologique de la crise et de la nécessité de tenter de chercher une autre voie pour la civilisation – ou, plus radicalement, une autre civilisation. » (de defensa.org, 14 octobre 2009)
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