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665711 janvier 2023 (14H40) – Déjà hier, j’étais ébranlé, en lisant Bhadrakumar, justement cité par le fin renard qu’est Martyanov. Voici ce que cite Markianov, ceci qu’on retrouvait déjà dans le texte de Bhadrakumar, bien entendu :
« Rice et Gates reconnaissent indirectement que la Russie est en train de gagner, contrairement au récit triomphaliste occidental jusqu'à présent. De toute évidence, l'offensive russe attendue à l'avenir les met sur les nerfs. [ ...]
» Le Pentagone est incertain à propos de la stratégie future de Sourovikine. D'après ce qu'ils savent de son brillant succès dans l'éviction des officiers de l'OTAN d'Alep en Syrie en 2016, la guerre de siège et d'attrition est le fort de Sourovikine. Mais on ne sait jamais. Un renforcement constant de la Russie en Biélorussie est en cours. Les systèmes de missiles S-400 et Iskander y ont été déployés. Une attaque de l'OTAN (polonaise) contre le Belarus n'est plus réaliste. »
Martyanov, c’est l’évidence même, n’apporte rien de nouveau puisqu’il cite un texte que nous avons nous-mêmes mis en ligne. Ce que juge intéressant, c’est qu’il le cite, parmi d’autres nouvelles tendant à mettre en évidence une certaine prise de conscience, essentiellement aux USA, de la vérité-de-situation, de la situation militaire en Ukraine.
Mais ce qui m’intéresse plus encore, ce n’est pas tant les nouvelles du front qui seraient l’occasion de spéculations nouvelles sur sa réalité, que le fait que ces nouvelles viennent de Washington D.C. alors que s’est déroulée à Washington D.C. cette si étrange séquence dont on a vu quelques aspects (voir le 21 décembre 2022 [le député Matt Getz, chef de la “terrible twenty”, a effectivement proposé, le 6 janvier, la nomination de Trump comme ‘Speaker’], le 4 janvier 2023 et le 8 janvier 2023).
Comme la plupart des gens qui suivent la situation US, j’attendais aux élections de novembre 2022 aux USA une terrible poussée républicaine. Elle n’a pas eu lieu, les républicains prenant une courte majorité d’une quinzaine de sièges à la Chambre et confirmant leur position minoritaire au Sénat. Une chose m’a surpris, en plus du résultat : les démocrates ne s’en sont pas vraiment réjouis, je veux dire sans beaucoup d’enthousiasme, d’emphase, de proclamation émouvante sur la justesse quasiment divine de leur belle Woke-idéologie, etc. J’en viens alors à la conclusion que les deux partis sont chacun en crise, chacun à leur façon, et sans que cela ne se reflète vraiment dans les résultats électoraux, et alors ils laissent leur enthousiasme au vestiaire....
Pour l’instant, on le comprend aisément puisque c’est de lui qu’on attendait des bouleversements, c’est le parti républicain qui m’intéresse... Le mélodrame McCarthy qui a abouti à son élection comme ‘Speaker’ au bout de quinze votes s’est déroulé d’une façon remarquable et complètement inattendue pour les observateurs extérieurs (comme moi) mais sans surprise pour ceux qui savent sans comprendre précisément que des choses inattendues sont prévues au programme (est-ce mon cas ?). Il a suffi d’une vingtaine de députés venus du ‘Freedom Caucus’ (officiellement des trumpistes, mais surtout des populistes qui ne vont pas nécessairement prendre leurs ordres chez Trump, – la preuve, puisque Trump soutenait McCarthy ! – ni chez personne d’autres) pour tenir en échec le puissant groupe républicain, la nomination du ‘Speaker’ et le fonctionnement même du Congrès. Cela signifie que la “terrible twenty” est faite de gens, souvent jeunes d’ailleurs et très-populistes, qui tiennent extrêmement fermes sur leur position et s’y entendent à exploiter toutes les ficelles des règlements du Congrès et de la Constitution, certaines archaïques et sorties du grenier des Faounding Fathers.
On a d’ores et déjà pu constater leurs capacités de nuisance par rapport au rangement habituel des RINO (‘Republicans In Name Only’, ou républicains-Système). Quelques précisions à cet égard...
• Lors de sa déclaration d’investiture calibrée au millimètre, McCarthy s’est essentiellement attaché à présenter un programme qui satisfasse la “terrible twenty”, pour avoir la paix. (Il a cité ses priorités : la situation sociale et économique intérieure catastrophique, la grave crise de la frontière Sud, pas une virgule sur l’Ukraine.)
Non non, ce n’est pas seulement un coup de com’ en passant. Grâce à l’étonnante ‘Jeffersonian Motion’ sortie des greniers et sur laquelle on fait grand silence chez les experts stipendiés, McCarthy peut à tout moment, à la demande d’un seul député, être mis en état d’accusation en vue d’une destitution pour promesse non tenue ; ce n’est pas la réalité de la menace qui importe, mais bien la menace du brouhaha des débats et donc, pour éviter cela, l’obligation pour le ‘Speaker’ de suivre les radicaux... Alors , on observe (‘bis repetitat’) que son programme s’intéresse d’abord à la frontière Sud et ne dit pas un seul mot de l’Ukraine. Tous les commentaires officieux observent une chute libre dans ce domaine de la Passion presque christique du Congrès pour Zelenski, chose qu’on jugera, j’espère, du plus grand intérêt...
« Le compromis de Kiev est l'une des principales concessions que McCarthy a acceptées pour convaincre ses collègues récalcitrants qui s'étaient opposés à son élection à la présidence, a rapporté samedi le journal britannique Telegraph. [...]
» Depuis que la Russie a lancé son offensive militaire contre l'Ukraine en février dernier, le Congrès a approuvé une aide américaine de 100 milliards de dollars à l'Ukraine, au grand dam des législateurs du "Freedom Caucus", tels que les républicains Matt Gaetz (Floride) et Lauren Boebert (Colorado). Gaetz a pris la tête d'un groupe d'une vingtaine de représentants qui se sont opposés à l'élection de McCarthy, proposant à un moment donné l'ancien président Donald Trump pour le poste.
» Après que McCarthy ait échoué lors des trois premiers tours de scrutin mardi, Gaetz a déclaré : “Aujourd'hui, la Chambre ne s'est pas organisée. Le plus grand perdant : Zelenski. Le plus grand gagnant : Les contribuables américains”. Gaetz s'était opposé aux précédentes demandes d'aide pour Kiev, y compris un paquet de 45 milliards de dollars approuvé le mois dernier, en disant : “Larguer des milliards de dollars des contribuables pour l'Ukraine alors que notre pays est en crise est la définition de ‘American Last’."
» McCarthy, qui porte occasionnellement une épingle à drapeau ukrainien sur son revers, a également accepté de modifier les règles du Congrès, de limiter les dépenses de défense et de créer un comité chargé d'enquêter sur la politisation du gouvernement fédéral. En outre, les conservateurs ont obtenu l'engagement de permettre des votes sur plusieurs de leurs principaux sujets, notamment la sécurité des frontières, la limitation des mandats au Congrès et un amendement au budget équilibré.
Le nouveau président a accepté de donner aux membres du Freedom Caucus des sièges clés dans les commissions de la Chambre. Parmi elles figure la commission du règlement de la Chambre. Comme l'a noté le Telegraph, le fait de donner aux membres du Freedom Caucus des rôles de direction au sein de la commission du règlement pourrait créer “d'immenses obstacles” à l'adoption de programmes d'aide supplémentaires pour l'Ukraine. »
• Voici immédiatement un exemple plus concret de la nouvelle attitude de la Chambre, imposée à McCarthy par le biais des nomination des présidents de commission. Je le trouve convainquant et édifiant parce qu’il entre aussitôt dans le vif du sujet et décrit peut-être de la part du FBI une volonté de montrer une certaine impartialité (je frappe Biden après avoir frappé Trump), histoire de mettre de son côté quelque argument en ce sens lors de futures auditions. Il s’agit d’une opération lancée contre un institut créé en 2018 dans les bureaux de l’institut Biden, aboutissant à la découverte de documents secrets. Cela rappelle évidemment l’opération lancée en août dernier contre Trump...
« Le ministère américain de la Justice enquêterait sur la découverte de documents classifiés dans un think tank de Washington DC étroitement lié au président Joe Biden. En août dernier, le FBI a fait une descente au domicile de l'ancien président Donald Trump en Floride, affirmant qu'il y stockait de manière inappropriée des documents gouvernementaux classifiés.
» La découverte a été faite début novembre au Penn Biden Center for Diplomacy and Global Engagement, une organisation affiliée à l'Université de Pennsylvanie, a rapporté CBS News lundi.... [...]
» Selon certaines sources, M. Biden n'était pas au courant du contenu des documents trouvés au Penn Biden Center.
» Le groupe de réflexion de Biden a été lancé en 2018 et était composé de nombreux anciens membres de l'administration Obama, dont certains ont ensuite fait la transition vers l'équipe du président sortant. Biden a utilisé les locaux du centre de la mi-2017 jusqu'au printemps 2019. »
• Sur ce dernier point, qui montre la célérité avec laquelle ‘The Twenty’ anticipe les pouvoirs qui lui seront donnés, cette intervention du futur président de la commission qui sera conduite à s’occuper de cette affaire me paraît significative de la dynamique et de la dynamite qui attendent les auditions.
« Commentant la confrontation à l'époque, Biden avait qualifié le comportement de Trump de “totalement irresponsable”. Certains politiciens républicains ont fait valoir que les deux affaires étaient similaires. “Quelle est la différence entre ce que le président Trump a fait et ce que nous savons maintenant que le président Biden a fait ?” a demandé James Comer, le futur président de la commission de surveillance de la Chambre des représentants. »
La question qui se pose alors à nous, – à moi dans tous les cas, qui avaient faussement prévu des ouragans républicains, – est de savoir dans quelle mesure ces résultats complètement inattendus des législatives mid-term, en affaiblissant le camp républicain et donc contrecarrant logiquement l’important effet populiste et anti-Zelenski attendu d’une victoire importante, ne produirait pas au contraire un effet indirect encore plus efficace, populiste et anti-Zelenski... Surprise, surprise ?
Le 16 mai 2022, alors complètement convaincu d’une écrasante victoire républicaine en novembre 2022, nous écrivions sur ce site et sur cette question des élections, et dans un sens qui rencontrait parfaitement mon sentiment je le confesse :
« Tout cela confirme qu’on se trouve aux USA dans une séquence d’intense bouillonnement, où les troubles intérieurs qui se sont installés en mode paroxystique depuis le printemps 2020 (mort de George Floyd, BLM et le reste) seraient peut-être sur la voie d’être complétés par les effets d’Ukrisis au niveau des représentations des partis. Pour une fois, le système démocratique pourrait avoir une certaine utilité : en imposant l’étape des élections mid-term à propos de laquelle les uns et les autres atteignent des sommets d’exacerbation. [...] [Ce système démocratique] leur impose autant qu’il leur permet de régler quelques comptes qui pousseront un peu plus le système de l’américanisme dans ses ultimes retranchements. »
Eh bien non, pas d’écrasante victoire ! Et alors ? Mais la situation est totalement inédite, et elle se caractérise par plusieurs faits de comptabilité parlementaire qui sont très remarquables, je veux dire en mêlant les divers constats.
• La majorité nécessaire au ‘Speaker’ dépend d’un nombre de voix inférieur à celui de la vingtaine de réfractaires.
• Il est hors de question de pêcher des voix démocrates, ce qui conduirait à l’opposition d’autres républicains en bon nombre, non-populistes mais adversaires acharnés des démocrates.
• L’étrange ‘Jeffersonian Motion’, qui tient McCarthy lié aux promesses faites à la ‘terrible twenty’, peut conduire à un vote et à un tumulte qui serait moins destiné à faire chuter le ‘Speaker’ qu’à le forcer à revenir à ses concessions faites aux minoritaires populistes. C’est ce qu’on appelle “to hold by the balls ”.
• La force de la ‘terrible twenty’ tient moins à une comptabilité parlementaire qu’au soutien populaire que cette étonnante vingtaine exprime sans qu’il y ait de comptabilité, un peu par la force des choses et par l’intuition : chaque élu républicain, même non-populiste et RINO, sait que son électorat soutient plus ou moins certaines des revendications des minoritaires.
• La position des minoritaires est donc idéale : ils n’ont aucune responsabilité de direction mais ils soutiennent des causes très populaires qu’ils imposent à une direction terriblement affaiblie par les 14 scrutins négatifs de la Chambre et la reconnaissance publique des concessions réclamées.
Dans un tel climat, la faiblesse numérique de la minorité est une force considérable parce qu’elle démontre l’injustice du système parlementaire par rapport aux désirs du public. Dans un tel cas, la politique de soutien à l’Ukraine ne peut que s’amoindrir irrésistiblement, – parce que c’est ‘America Last’ au lieu de ‘America First’, – tandis que l’affrontement avec le Sénat (favorable à Zelenski) accentuera la faiblesse du corps législatif dans sion ensemble, comme entité représentant l’establishment. L’exécutif, lui, conduit par un président gâteux et pressé par des neocons surexcités, poursuivra sa politique ukrainienne qui a fait du budget de la défense de l’Ukraine le troisième du monde (après les USA et la Chine) et aggravera encore la situation générale de blocage où la Chambre tient une position de verrouillage à cause de son pouvoir en matière budgétaire.
C’est une situation parfaite de “dictature de la minorité” à l’intérieur d’un système défini comme démocratique, – ce dernier point étant, selon moi et ma fervente admiration pour la démocratie, d’une importance extrême pour répondre au simulacre de légalité de l’action du Système. Mais il s’agit d’une situation complètement inattendue pour cette sorte d’occurrence. Selon une manigance quasiment exclusive, cette situation (toujours lorsqu’elle est à l’intérieur du Système) a quasiment toujours été favorable aux forces déstructurantes et bellicistes de gauche, à l’avantage de l’establishment qui la soutient. La “dictature de la minorité” n’est alors qu’une façon sophistiquée d’approcher le but final de déstructuration. On comprend qu’il s’agit ici de l’inverse.
(Notes de PhG-Bis : « PhG me confie que, — je cite, – “Certains y verraient sans doute dans cette affaire de la ‘terrible twenty’ une manœuvre élégamment complotiste du susdit establishment...”. Mais il écarte cela, PhG, avec une certaine nonchalance ironique, arguant qu’il faut savoir régulièrement nettoyer ses neurones de tous ses fantasmes accumulées lors de longues randonnées sur les chemins de traverse d’internet, comme on fait avec une automobile tous les 150 000 kilomètres. “Je laisse cela, pour mon compte, disons ‘aux simulacreurs’ encore en âge de composer des visions exaltantes permettant de ne pas faire simple quand on peut faire compliqué”. »)
Dans cette situation nouvelle à la Chambre des Représentants du Congrès des États-Unis, la crise de la frontière Sud ne manquera pas d’y ajouter un piment particulièrement actif. On peut alors faire l’hypothèse optimiste que les prochains mois, et même plus, la période d’ici 2024 et l’élection présidentielle, sera de plus en plus agitée, ici c’est-à-dire là-bas, aux USA, – mais quoique, “agité” d’une autre façon, à l’image de l’agitation ukrainienne... Tant il est vrai qu’‘Ukrisis’ est un monstre aux multiples visages.