RapSit-USA2024 : La “Trumpisation” de D.C. et du reste

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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RapSit-USA2024 : La “Trumpisation” de D.C. et du reste

12 décembre 2024 (19H00) – Quelle différence avec 2016 ! Entre un Trump néophyte, traqué par toutes les accusations du monde, effectuant des choix sans aucun discernement, ne songeant pas une seconde à quelle politique il allait conduire, mené par le bout du nez sous les quolibets, – et 2024 où il apparaît impérial, « maître de lui comme de l’univers », avec tous ses adversaires courant se mettre à couvert (obtenir la grâce du gâteux en fin de parcours pour ne pas finir en taule), et une politique qui est tracée d’une main impériale bien qu’il en soit le contraire : entreprendre le retrait de partout dans le monde où c’est possible... De même, ce président-élu si puissant, qui réduit à une cacophonie impuissante l’administration Biden avant même d’être en fonction, est apparu à Paris, lors de la cérémonie de Notre-Dame comme la président du changement radical, et ceux qui l’insultaient avant le 5 novembre sont tous venus faire acte d’allégeance sans se douter de ce qui les attend de l’autre côté de l’Atlantique.

Ensuite, flanqué d’Elon Musk transformé en voltigeur tous-terrains, il est allé à Budapest rencontrer Orban, à la fureur à peine rentrée des mandarins de Bruxelles, der Layen en tête. L’entretien très productif a été suivi d’un long coup de téléphone (une heure) de Orban à Poutine. Conclusion : Orban est le relais de Trump pour l’Ukraine et aussi pour l’Europe. Orban est, pour Trump, l’homme le plus précieux et le plus important en Europe. Tout cela, c’est du lourd, quoiqu’on pense par avance de la politique de Trump à l’extérieur, dont nul ne sait rien de précis.

A Washington, les choses, partis dans la certitude des plus grandes difficultés, se sont nettement améliorées et Trump a très vite établi sa domination. Un point essentiel était l’hostilité supposée de Washington, sénateurs démocrates et républicains avec la presseSystème et la communautés pourrie de la sécurité nationale, tout cela  confondu, contre un homme que l’on soupçonnait des plus noirs desseins pour ces arrangements confortablement diaboliques et corrompus. Cela était notamment représenté par une  opposition faite de rumeurs et de diffamations à quelques-unes de ses nominations pour les postes gouvernementaux, décidées et annoncées extrêmement vite. Cette opposition s’est symbolisée dans une attaque très violente contre le secrétaire à la défense désigné Pete Heghest, notamment menée par quelques sénateurs républicains dissidents, Lindsay Graham en tête. Tout a basculé dans la première semaine de décembre, couronnée par un appui réaffirmé et tonitruant de Trump, et par une rencontre chaleureuse de Graham et de Heghest, le 10 décembre... Dixit Graham, devenu tout sucre tout miel :

« J'ai eu un entretien très positif, approfondi et franc avec Pete Hegseth au sujet de sa nomination au poste de prochain secrétaire à la Défense. J'ai apprécié sa franchise et sa disponibilité. 

» Je connais Pete depuis de nombreuses années et je connais son service en Afghanistan, car j’étais moi-même réserviste à la même époque. Tous les membres de son unité en Afghanistan, y compris nos partenaires afghans, n’avaient que de bonnes choses à dire à son sujet. Il est intelligent, passionné et aime nos hommes et nos femmes en uniforme et notre pays. »

Ce retournement de situation pour Heghest a en fait touché toute l’équipe et, dès les 10-11 décembre, on disait partout que tous les ministres et directeurs nommés par Trump seraient confirmés au Sénat. Les “noirs desseins” n’ont pas disparu, car cette équipe a été constituée pour les mener à bien. Ce qu’on peut constater pour le moment, outre la maturité et le durcissement professionnel de Trump, c’est l’extraordinaire fragilité et la vulnérabilité de l’équipe social-progressiste/wokeniste, et de la bureaucratie subversive (démission du directeur du FBI) après cinq ans de pouvoir. Au contraire, l’équipe Trump a pour ambition de drainer le marigot de Washington et d’attaquer de front la bureaucratie washingtonienne. Thierry Meyssan remarque :

«  Il a commencé au Parti démocrate puis on l'a trouvé au Tea Party et maintenant au parti républicain... Il s'est emparé du parti républicain mais lui n'est pas républicain... [...]

» Lui profondément c'est un jacksonien, alors personne ne savait qui était Andrew Jackson avant que Trump ne soit élu c'est un président des États-Unis au 19e siècle qui avait le projet de remplacer la guerre par le commerce... »

Jackson, président durant les années 1830 était au fond une sorte de populiste avant l’heure, ennemi de la bureaucratie, partisan de redonner leurs droits aux États, un homme qui brisa la Bank of the United States pour répartir ses avoirs entre les banques “nationales“ des États. Tout ce travail fut anéanti en 1913 par la création de la Federal Reserve après la victoire du Nord en 1865 et le triomphe de la centralisation de Washington. Aux USA, ce qui importe n’est pas le public contre le privé (c’est la narrative des capitalistes) mais les pouvoirs des États contre le pouvoir central.

Trump est un nouveau Jackson dans des conditions peut-être similaires en apparence mais différentes sur le fond. Ce qu’il y a au bout du jacksonisme, c’est la Guerre de Sécession ; ce qui attend, beaucoup plus vite, la présidence de Trump, c’est plutôt une parcellisation des USA, entre États-bleus (les progressistes-wokenistes) et États-rouges (les populistes-traditionnalistes). C’est dans le cadre de cette matrice bouleversée qui implique une véritable transformation révolutionnaire, ou une désintégration révolutionnaire des USA, que l’on verra nécessairement un bouleversement absolument à mesure de la politique étrangère des USA, – sans écarter l’idée, au contraire, que des soubresauts de cette politique étrangère contribueront bien entendu à l’accélération de .la “ désintégration révolutionnaire”.

« La Garde Nationale au Pentagone »

Encore une fois, nous répétons la même affirmation : nous ne peignons ni un génie de la politique ni un grand homme d’État. Nous situons un “homme de circonstance” dans un événement immense (la GrandeCrise bien entendu) qui réclame des exécutants d’une énergie extrême pour accomplir des consignes qui nous sont supérieures à nous tous. C’est le cas de Trump, c’est le cas de son équipe. Sa “victoire” n’est nullement assurée, ni sa “défaite” d’ailleurs, car ces mots n’ont ici aucune signification. Si les choses marchent bien, la désintégration se fera assez aimablement, sinon cela devrait déboucher sur quelque chose comme une pseudo-guerre civile où la communication tiendra  la place essentielle.

En attendant toutes ces bonnes/mauvaises nouvelles, observons un point très intéressant qui va nous être présenté par un vieux routiers de l’analyse stratégique, William S. Lind, dans un texte du site ‘TraditionnalRight.blog’ du 10 décembre. Lind, personnage original, royaliste (!) de surcroît, est naturellement un adversaire de la monstrueuse ‘D.C.-la-folle’ et son cortège de corruption. Il fait depuis des années la promotion de la 4th Generation War (ou G4G, Guerre de la Quatrième Génération), dont la définition est parfois fort mystérieuse mais souvent très élastique et changeante. Peut-être s’agit-il de la forme ultime de la G4G, celle que les USA remporteront enfin en se désintégrant.

Ce qui l’intéresse comme une mesure peu ordinaire et prometteuse, c’est que Hegseth, secrétaire à la défense désigné, avec plus de trente ans dans l’US Army, fait partie, comme commandant, de la Garde Nationale de son État. (Il n’est pas le seul à être de cette orientation ; on sait bien que Tulsi Gabbard, désignée pour être directrice nationale du renseignement, est lieutenant-colonelle dans la Garde National d’Hawaii). Voici son tedxte.

« La Garde Nationale au Pentagone

Le candidat du président Trump au poste de secrétaire à la Défense a un parcours inhabituel. Au lieu du riche PDG d’entreprise habituel, Pete Hegseth est un commandant de la Garde nationale. À ce titre, il a acquis une expérience de combat dans les guerres de quatrième génération, ces guerres que nous avons perdues. Il semble s’en soucier, peut-être au point de se demander pourquoi et comment nous menons de telles guerres.

» Ce serait précieux pour un secrétaire à la Défense. Mais le fait qu’il serve dans la Garde nationale est important pour des raisons qui nous sont plus proches. La première est que dans un monde où les guerres de quatrième génération deviennent la norme, notre service armé le plus important est la Garde nationale. Il n’est plus possible de soutenir l’armée en service actif dans une guerre terrestre majeure à l’autre bout du monde, car il est peu probable que nous puissions mener de telles guerres. Face à la guerre de quatrième génération, les forces de service actif, et pas seulement l’armée, existent pour soutenir la Garde nationale – et la Garde côtière, qui protège nos frontières maritimes.

» À l’heure actuelle, nous sommes envahis par diverses entités de quatrième génération, la plupart arrivant en Amérique en tant que migrants et réfugiés. Ces entités comprennent les cartels et les gangs, les personnes embauchées par des gouvernements étrangers ou des sociétés qui fournissent des mercenaires, les croyants en des religions, idéologies ou “causes” étrangères, etc. Ils sont rejoints par les forces de la G4G générées sur notre propre sol, des gens qui accordent leur loyauté première non pas à l’Amérique mais à autre chose, quelque chose pour lequel ils sont prêts à se battre.

» C’est la véritable menace à laquelle nous sommes confrontés, et elle tombe directement dans le giron de notre police et de notre Garde nationale. Dans certaines régions, la police locale est déjà débordée, au point qu’elle a besoin de soldats de l’État ou de gardes nationaux pour l’aider à maintenir un certain niveau de sécurité publique. L'État est né pour assurer l'ordre et la sécurité des personnes et des biens, et lorsqu'il ne peut plus le faire, il perd son autorité. La Garde nationale est un soutien plus important pour la crédibilité de l’État que n’importe quelle autre force armée en service actif. Il est peu probable que nous ayons recours à des F-35 pour bombarder nos propres villes ou à des divisions blindées pour les aplatir, à la manière de Gaza.

» La deuxième raison pour laquelle notre pays a besoin d’un secrétaire à la Défense issu de la Garde nationale est qu’avec le changement climatique, les catastrophes intérieures deviennent plus fréquentes et plus dévastatrices. Si le but de nos forces armées est d’assurer la sécurité des Américains dans leurs foyers, la Garde nationale offre plus que les forces en service actif. La Garde est mieux entraînée et équipée pour de telles missions, et la plupart des gardes se sont enrôlés pour aider leurs voisins. À leur tour, les membres de la Garde nationale ne sont pas perçus comme une menace, contrairement à ce que certains Américains pourraient considérer comme le déploiement de forces actives conçues pour le combat. Ce sont les gardes nationaux qui nous arrachent des toits de nos maisons inondées, pas des hélicoptères noirs.

» Et parce que presque tous les Américains considèrent les gardes comme des personnes qui viennent les aider en cas de besoin, ils renforcent la souveraineté de l'État là où des unités dotées d'armes lourdes peuvent la miner.

» En 2022, j'ai publié un petit livre, ‘Reforging Excalibur’, qui décrit comment nous devrions changer notre grande stratégie et nos forces armées pour faire face à un monde de guerre de quatrième génération. Il discute des services par ordre d'importance, et la Garde nationale vient en premier, suivie par la Garde côtière. Pour la plupart des secrétaires à la Défense, la Garde nationale est un élément à part entière qui retient peu son attention. Ce ne sera pas le cas de Pete Hegseth. Appelez ou écrivez à vos sénateurs et faites-leur savoir que vous souhaitez qu'il soit confirmé. Votre propre sécurité en dépend. »