RapSit-USA2024 : Trump, Tulsi et le nucléaire

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RapSit-USA2024 : Trump, Tulsi et le nucléaire

Depuis quelques jours, on ne cesse de s’arracher les cheveux et de tirer diverses alarmes après la décision de l’administration Biden d’autoriser le tir de missiles ATACMS suivie, de la riposte russe dans la décision de Poutine de modifier la doctrine russe d’emploi du nucléaire en y incluant la possibilité d’emploi contre une nation non-nucléaire soutenue par une puissance nucléaire. Cette décision du président Biden alors qu’il vit les dernières semaines de son mandat est apparue extraordinairement incompréhensible pour les commentateurs sérieux qui vivent dans le monde réel (Mercouris notamment), et explicable tout de même et seulement par la colère et la hargne d’une démence sénile plus orientée contre Trump que contre Poutine.

Sur un ton exaspéré par l’incroyable distorsion des éléments en jeu, l’excellent commentateur qui se nomme lui-même ‘theRaven’ (le corbeau), sur son site ‘QTR Fringe Finance’, titre l’article qu’il consacre à ce cas, comme s’il parlait d’un enfant gâté en mal de caprice, nommé ‘Joe Biden’ comme vous et nous :

« C'est ma fête de la troisième guerre mondiale et je pleurerai si on ne la fait pas »

Puis quelques citations pour nous donner une idée du contenu et de l’orientation du texte :

« Pour moi, cette décision se situe à mi-chemin entre l’incompétence et la malveillance pure et simple. [...]

» L’administration sortante sait très bien que l’administration Trump entrante va essayer de négocier la paix entre la Russie et l’Ukraine d’une manière que l’administration Biden n’a pas faite. [...]

» Alors expliquez-moi ça comme si j'étais un enfant : si l'administration Biden cherche vraiment une transition bon enfant entre les administrations, comme l'indique la rencontre cordiale entre Biden et Trump il y a quelques jours à la Maison Blanche, quelle explication rationnelle pourrait-il y avoir aux changements radicaux de politique de l'administration Biden au cours des dernières 48 heures ? »

Ainsi comprend-on le peu de considération que nous avons pour ces décisions absurdes basées sur des appréciations totalement stupides et mensongères.  On comprend que nous ne perdons pas notre temps, ni n’en ferons perdre à nos lecteurs à tenter de donner une impossible appréciation logique à cette péripétie de déments certifiés. Pourtant, nous nous arrêtons à une observation

« ...Parce que deux semaines seulement après le jour de l'élection, nous avons [enfin !] passé cette matinée à avoir une discussion sérieuse sur le potentiel d'un conflit nucléaire entre les États-Unis et la Russie. »

Le “enfin !” nous échappé parce que, depuis des mois sinon des années, nous nous lamentons de voir la légèreté, l’irresponsabilité, l’hystérie, la complète bêtise dans les commentaires des foules expertes de nos élites-Système à jouer avec le feu en riant des possibilités de feu nucléaire tout en réduisant la puissance russe à une FakeNews de bas étage sinon de ‘gilets jaunes’ de rond-point. Il se trouve que, même si cette nullité doublé d’un aveuglement pathologique totale reste absolument répandue dans les salons et plateaux parisiens, on distingue un changement assez marquant aux USA où une certaine conscience commence à apparaître... Comme ça se trouve, juste quelques jours après le choc de l’élection de Trump.

Alors, laissons les ATACMS et les plateaux parisiens, et parlons de Trump.

Une intervention inattendue de Trump (voir le podcast) sur la situation actuelle et la situation de danger gravissime d’un conflit nucléaire, permet en même temps le développement de ses projets de grande politique. Il commence par une dénonciation terrible du plus grand danger qui nous menace ( la guerre nucléaire). Il écarte une analyse des responsabilités directes de la situation en Ukraine, et donc évite l’écueil d’avoir à évaluer la position des Russes dans une ambiance où les élites-Système sont totalement submergées par leur haine de Poutine et de la Russie, installée au sommet du simulacre de mensonges construits pendant un nombre respectables d’années de manipulation de la communication.

L’essentiel de sa mission, explique-t-il en martelant les mots et les phrases, tient dans le démantèlement total de cet amalgame monstrueux de ‘DeepStater’ de toutes origines et fonctions, de neocon, de bureaucraties traîtresses, de relais dévoyés de la communication. Il y a notamment un passage où il dit à peu près ceci (transcription prise au vol) :

« Notre actuel establishment de sécurité nationale, s’appuyant sur des mensonges et des mensonges construits autour de cette affirmation, affirme que la Russie est aujourd’hui la plus grave menace pour les USA. Mais la plus grave menace n’est pas la Russie. La plus grave menace contre la civilisation occidentale n’est probablement personne d’autre que nous-mêmes, nos neocons globalistes, nos bureaucraties activistes... »

Le caractère exceptionnel de cette intervention est, sur l’instant et pour notre compte, et d’une manière extrêmement symbolique,  qu’elle rejoint, sans que personne ne s’en avise, ce fantastique discours de Rumsfeld “le jour d’avant” (le 10 septembre 2001, veille du 11 septembre...), que nous ne cessons de rappeler, qui nous apparaît comme une énigme historique majeure caractérisée par ces questions sans réponse :
1) Comment le discours est-il passé si inaperçu ? (Sauf de Tulsi Gabbard, peut-être ?)
2) Comment Rumsfeld a-t-il développé une telle conception que l’on retrouve chez Trump, la veille de l’attaque du 11 septembre, dont certains l’accusent d’avoir été partie prenante, qui renversa totalement la stratégie de réforme radicale qu’il préconisait ?
3) Comment Rumsfeld se lance le 11 septembre, avec quel enthousiasme, dans la chasse au terrorisme comme première menace contre les Etats-Unis, après avoir dit la veille que cette première menace était la propre organisation belliciste interne de la sécurité nationale des USA ?

On rappelle les trois premiers paragraphes du discours de Rumsfeld, qui retrouve absolument l’idée centrale de Trump exonérant les responsabilités extérieures comme menace centrale, pour mettre en évidence la  responsabilité évidente du Système, dont la principale force de relais est le cœur faussé de l’Amérique, sa puissance bureaucratique belliciste et destructrice du monde en même temps que d’elle-même.

« Le sujet du jour est un adversaire qui représente une menace, une menace sérieuse, pour la sécurité des États-Unis d’Amérique. Cet adversaire est l’un des derniers bastions de la planification centralisée au monde. Il gouverne en dictant des plans quinquennaux. Depuis une seule capitale, il tente d’imposer ses exigences à travers les fuseaux horaires, les continents, les océans et au-delà. Avec une constance brutale, il étouffe la liberté de pensée et écrase les idées nouvelles. Il perturbe la défense des États-Unis et met en danger la vie des hommes et des femmes en uniforme.

» Cet adversaire ressemble peut-être à l’ancienne Union soviétique, mais cet ennemi a disparu : nos ennemis sont aujourd’hui plus subtils et implacables. Vous pensez peut-être que je décris l’un des derniers dictateurs décrépits du monde. Mais leur époque est également presque révolue, et ils ne peuvent pas égaler la force et la taille de cet adversaire.

» L’adversaire est plus proche de chez nous. C’est la bureaucratie du Pentagone. Pas les gens, mais les processus. Pas les civils, mais le système... »

Bien entendu, Trump ne cesse d’appuyer sur la responsabilité de Biden et des divers composants de l’establishment militaro-industriel, – chez qui il faut placer l’affaire des missiles ATACMS, – mais cette dénonciation s’appuie sur la gravité du risque d’une guerre nucléaire. Cette orientation du discours rencontre assez bien l’influence de son entourage, et surtout de Tulsi Gabbard dont Scott Ritter tente ci-dessous d’expliciter l’importance du rôle qu’elle devrait avoir à tenir auprès de Trump.

Note de PhG-Bis : « On comprend par ailleurs l’importance que Tulsi attache à un risque de guerre nucléaire si l’on se souvient des 38” de folie qu’elle passa à Honolulu, en janvier 2018, à l’occasion d’une fausse alerte d’attaque nucléaire contre l’archipel. Je trouve que cela lui donne une grande expérience inédite, au niveau essentiel de la psychologie, dont la plupart des gens du renseignement qu’elle doit coordonner et surveiller ne disposent pas. Puisqu’on lui reproche son amateurisme dans la matière, en plus d’être notoirement un “asset” de la Russie poutinienne, autant prendre ça dans la figure. »

On comprendra alors qu’il nous est apparu particulièrement bienvenu de reprendre un texte de Scott Ritter (sur ‘ConsortiumNewsle 14 novembre) nous présentant à la fois ce que devrait être, selon lui, le fonctionnement de l’administration Trump-II et les relations du président avec sa directrice nationale du renseignement (DNI).


Lis en ligne le 21 novembre 2024 à 20H45

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Tulsi Gabbard et la révolution Trump

Gabbard est bien placé pour devenir le conseiller le plus influent du président Trump concernant les problèmes critiques de politique étrangère et de sécurité nationale auxquels son administration sera confrontée.

« Le président élu Donald Trump a envoyé une onde de choc au sein de l'establishment de la sécurité nationale en nommant l'ancienne membre démocrate du Congrès Tulsi Gabbard comme candidate au poste de directrice du renseignement national. 

Les réseaux sociaux sont en proie à de nombreuses critiques et condamnations, tant à l’encontre de la nomination que de Gabbard, principalement en raison de ses déclarations passées critiques à l’égard de la politique américaine à l’égard du Venezuela, de la Syrie, de l’Ukraine et de la Russie. Apparemment, Gabbard, qui est lieutenant-colonel dans la réserve de l’armée américaine et a combattu en Irak, est en quelque sorte considérée comme « anti-américaine » pour avoir osé dénoncer une mauvaise politique.

Peu importe que l’histoire ait montré que ses critiques étaient fondées. Ou que la capacité à faire une analyse pragmatique et précise de problèmes complexes de sécurité nationale, sans parti pris partisan, est exactement le trait que l’on recherche chez un officier du renseignement, en particulier chez celui chargé d’informer personnellement le président des États-Unis.

Certains affirment que la gestion de l’immense empire du renseignement américain, composé de 18 agences distinctes réparties sur plusieurs juridictions ministérielles, est une tâche qui dépasse les compétences de Gabbard. C’est bien sûr une absurdité – aucun parcours professionnel ne peut préparer quelqu’un à un tel défi. 

Il suffit de demander à Dan Coates, un sénateur républicain de l'Indiana, qui a été le premier DNI de Trump pendant son premier mandat, alors qu'il n'avait aucune expérience préalable dans le domaine du renseignement. Ou à Avril Haines, l'actuelle DNI du président Biden, qui a brièvement occupé le poste de directrice adjointe de la CIA, là encore sans aucune expérience préalable dans le domaine du renseignement, avant de devenir DNI.

Traditionnellement, le DNI joue le rôle de gestionnaire, supervisant un empire dont la gestion quotidienne est déléguée à des subordonnés au sein du Bureau du directeur du renseignement national (ODNI), ou des 18 agences de renseignement discrètes.

Donald Trump n’est cependant pas un président traditionnel, et le travail de DNI que Tulsi sera probablement appelée à accomplir sera différent de celui de tous les autres DNI avant elle.

Les modèles traditionnels d’établissement utilisés par tous les présidents de l’après-guerre impliquent que les directives politiques soient données par le président, avant que la responsabilité concernant la formulation des détails de la politique ne soit transférée au conseiller à la sécurité nationale, où elle est transmise aux différentes agences et départements pour développement et coordination, avant d’être finalisée et renvoyée au président, qui ordonnerait ensuite sa mise en œuvre.

Donald Trump n’est cependant pas un président comme les autres. C’est un gestionnaire qui élabore ses propres idées politiques dans un vide virtuel, dictant ses ordres à des fonctionnaires de son cabinet dont le travail consiste à mettre en œuvre ses instructions à la lettre. Cela peut conduire au chaos et, dans les cas où ses idées sont contestées, à la rébellion. 

Il convient de noter que l’une des initiatives politiques les plus innovantes de Trump, le plan de dénucléarisation de la Corée du Nord, a été fortement contestée par son secrétaire d’État, son secrétaire à la Défense, son conseiller à la sécurité nationale et son directeur du renseignement national.

Trump, dans son interview pré-électorale avec Joe Rogan, admet qu’en 2016, lorsqu’il a formé son premier cabinet, il n’était pas prêt à gouverner et qu’en conséquence, il dépendait du soutien de personnes qu’il connaissait peu et qui avaient été nommées pour ce poste par des conseillers dont la loyauté était envers l’establishment, et non envers le président.

Au cours des quatre années qui ont suivi, Trump a été confronté à chaque occasion à l’opposition de personnes à qui il avait confié la tâche d’exécuter ses ordres, mais qui en réalité étaient motivées par le désir de le maintenir sous contrôle.

Le Donald Trump de 2024 est une personne très différente de celle qui a remporté la Maison Blanche il y a huit ans. Il a quatre ans d’expérience pour savoir à quel point on peut être facilement trahi par ceux qui sont censés travailler pour vous, et quatre années supplémentaires pour planifier le fonctionnement d’une deuxième administration Trump, et pour savoir à qui il pouvait faire confiance pour l’aider à concrétiser ses idées politiques.

Le slogan de Trump « Make America Great Again » (rendre sa grandeur à l’Amérique), examiné sous l’angle de la sécurité nationale et étrangère, comporte plusieurs volets. Tout d’abord, il y a la notion de « paix par la force », qui implique une certaine agressivité à l’égard de la position internationale de l’Amérique. 

Cette agressivité sera toutefois tempérée par plusieurs facteurs. Le premier et le plus important est l'engagement de Trump à maintenir l'Amérique à l'écart des guerres. Cela implique de privilégier la diplomatie plutôt que la force. Deux problèmes se posent ici. 

La première est que Trump hérite d’un monde très différent de celui qu’il a quitté en 2021. La guerre en Ukraine, le conflit au Moyen-Orient, une Corée du Nord nucléaire et une Chine en expansion sont autant d’ensembles de problèmes qui n’existaient pas dans leur état de développement actuel lorsque Trump a quitté la Maison Blanche. 

L’émergence des BRICS, la chute du dollar et l’affaiblissement de l’ordre international fondé sur des règles se sont combinés pour créer une nouvelle réalité de politique étrangère qui dominera l’agenda.

Ajoutez à cela la réalité d’une armée américaine affaiblie et le fait que, même si Trump voulait entraîner son pays dans la guerre, l’armée ne serait probablement pas à la hauteur de la tâche. Tout cela signifie que Trump accordera la priorité aux solutions diplomatiques pendant que l’armée se réarme et se réorganise.

Trump cherchera également à mettre l’accent sur des solutions économiques à des problèmes qui auraient pu être résolus par le passé par des sanctions et/ou une action militaire. Cela nécessitera une capacité à dialoguer diplomatiquement avec des personnes et des entités que les États-Unis éviteraient normalement.

Trump a montré qu'il était capable d'assumer seul de telles tâches, comme il l'a fait lors de ses rencontres avec le président russe Vladimir Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jung-un, et il est fort probable qu'il cherchera à le faire à nouveau à l'avenir. Le secrétaire d'État et le secrétaire à la Défense jouent donc un rôle de soutien, réagissant aux initiatives de Trump au lieu de guider proactivement le président. 

Le rôle du DNI devient ici primordial. L'une de ses principales tâches est de produire le Presidential Daily Briefing, ou PDB, une compilation des informations de renseignement les plus sensibles et les plus pertinentes produites par la communauté du renseignement. 

Tulsi Gabbard est peut-être une étrangère aux yeux de la communauté du renseignement, mais elle a gagné la confiance du président élu Trump, ce qui lui sera utile lorsqu’elle deviendra le canal des informations de renseignement qui guideront la réflexion du président Trump une fois qu’il aura prêté serment.

Elle sera en mesure de fournir des informations factuelles et pragmatiques au président pour l'aider à formuler ses idées. Lorsqu'il aura des questions, c'est à elle qu'il les posera et qu'il cherchera des réponses.

En bref, Gabbard est bien placé pour devenir le conseiller le plus influent du président Trump concernant les problèmes critiques de politique étrangère et de sécurité nationale auxquels son administration sera confrontée.

Ce faisant, elle pourra contrôler les ambitions et les prérogatives politiques du secrétaire d’État et du secrétaire à la Défense. Elle fera en sorte que le conseiller à la sécurité nationale réagisse à ses renseignements, et non l’inverse.

Rien ne garantit que l’administration Trump se comportera de la manière décrite ci-dessus. Mais une chose est sûre : si Trump avait choisi un candidat plus traditionnel au poste de directeur du renseignement intérieur, issu des rangs de l’establishment même qui a conspiré contre lui lors de son premier mandat, il se serait retrouvé à devoir mettre en œuvre des politiques dans un environnement où il se heurterait à une résistance et une opposition constantes.

En tant que directrice du renseignement intérieur de Trump, Tulsi Gabbard est un multiplicateur de force pour le président, lui fournissant potentiellement les connaissances, les informations et les idées dont il aurait besoin pour prendre avec succès la tête de la mise en œuvre des politiques qui, selon lui, rendront à l'Amérique sa grandeur.

La victoire électorale décisive de Trump lui a donné le mandat de mettre en œuvre des changements révolutionnaires dans la manière dont l'Amérique est gouvernée et interagit avec le monde. Pour réussir cette révolution, Trump a besoin de ses camarades révolutionnaires.

Tulsi Gabbard est l’une de ces révolutionnaires, et son choix au poste de directrice du renseignement intérieur de Trump, vu sous cet angle, est un coup de génie. »

Scott Ritter