Rasmussen est-il un SecGen de type déstructurant pour l'OTAN?

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Le comportement général du Secrétaire Général de l’OTAN, l’ancien Premier ministre danois Rasmussen, est assez remarquable pour faire le sujet d’une courte réflexion.

@PAYANT D’une façon générale, il apparaît évident que Rasmussen entend suivre sa propre politique, selon des axes qu’il a choisis, et ne pas trop s’embarrasser du reste. Cela implique, notamment, la dégradation passive, ou plutôt la réduction progressive, sans brutalité, par le simple cours des choses, de ses rapports avec le Conseil de l’Atlantique Nord (les ambassadeurs des pays-membres). Du coup, «l’utilité et l’efficacité du Conseil sont en train de se réduire», selon une source à l’OTAN.

Rasmussen est fortement inattentif à ce fonctionnement du haut de la bureaucratie otanienne. «Il a ses déplacements, ses loisirs, et tout cela ne prend guère en compte le fonctionnement du Conseil et les priorités de la bureaucratie de l’OTAN. La semaine prochaine, Rasmussen n’est pas là, il est en vacances, au ski ou dans sa “résidence secondaire” [NDLR : sans doute dans le Luberon]. L’habituel “déjeuner des ambassadeurs” hebdomadaire, où les ambassadeurs se réunissent en petit comité avec le Secrétaire Général, et qui a pour intérêt principal cette rencontre, dans ces conditions, avec le Secrétaire Général, a été annulé. D’autres réunions internes régulières, dans le cours de cette année, notamment sur des questions d’organisation de défense, ont été annulées à cause de l’agenda du Secrétaire Général.»

Rasmussen rentrera, sans doute bronzé, juste la veille de la conférence de Londres sur l’Afghanistan, à la préparation de laquelle il ne s’est guère intéressé selon les canaux otaniens habituels. «Les ambassadeurs commencent à grogner, y compris l’Américain [le nouveau-venu Ivo Daalder]. L’ambassadeur du Danemark, délégué informellement par ses collègues auprès de Rasmussen, lui a glissé quelques remarques suggérant un peu plus d’attention pour le Conseil, sans guère de succès…»

Cela ne signifie certainement pas que Rasmussen ne s’intéresse pas à sa fonction, ni à l’OTAN, ou qu’il est disons paresseux ou dilettante mais plutôt qu’il a des pratiques complètement inhabituelles et des priorités à mesure. Ainsi, il est régulièrement et directement en contact avec le Premier ministre britannique Gordon Brown et avec le directeur du National Security Council du président Obama, le général James Jones… «Alors, à côté d’un Brown ou d’un Jones, les ambassadeurs UK et US à l’OTAN, ce sont des petits formats…» (A noter que les rapports de Rasmussen avec les Français semblent moins de cette sorte. Il semble bien que Sarko, pour une raison ou l’autre, ne veuille pas jouer ce jeu et une demande récente de rencontre de Rasmussen avec Sarko n’a pas reçu une réponse favorable.)

Certes, le phénomène tient à l’homme, mais aussi à sa carrière et à ses habitudes. C’est la première fois qu’un Premier ministre passe à la fonction de Secrétaire Général de l’OTAN. L’homme étant ce qu’il est, il a apporté avec lui ses habitudes de Premier ministre, qui sont de faire sa propre politique, d’avoir son carnet d’adresse personnel, ses rapports réguliers avec des dirigeants du même niveau que celui qu’il occupait. Donc, ce SG n’est nullement inactif, mais il est actif en-dehors des structures bureaucratiques de l’OTAN. Du coup, l’OTAN commence à se languir et cette question à se poser: Rasmussen est-il un SG déstructurant?

Ce n’est pas une question sans intérêt. Un Secrétaire Général (de l’OTAN, comme de toute autre organisation) est un exécutant dont la principale fonction est de diriger et de faire marcher une bureaucratie selon les consignes générales données par les Etats-membres. C’est d’abord l’animateur interne de la machine-OTAN. Rasmussen a gardé les habitudes d’un Premier ministre, qui n’est l’exécutant de rien ni de personne dans un pays où il occupe la première place. Comme il n’est pas question qu’il ait un tel comportement dans le cadre des structures de l’OTAN, et, disons, directement au nom de l’OTAN, il l’assure en-dehors, en se créant une aire et un environnement d’activités personnelles et de politiques à développer. L’important n’est pas, ou pas encore, d’apprécier ces politiques et leurs résultats, mais de constater que cette attitude générale tend à réduire fortement la position et l’importance de l’OTAN en tant que telle. Nous répondons par la positive, en employant le langage qui nous est cher: Rasmussen est un Secrétaire Général déstructurant pour l’OTAN.


Mis en ligne le 16 janvier 2009 à 06H11