Réalités sociales US: la crise est là

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Les chiffres du chômage aux USA ont toujours constitué, dans tous les cas ces vingt dernières années, un argument de grand poids en faveur du “modèle américain”, et par conséquent du “modèle libéral”. La chose est utilisée dans un but de propagande évident. Mais il y a une méthodologie, d’ailleurs connue et qu’on ne sollicite guère, qui permet de dissimuler une réalité sociale qui contredit le “modèle américain”.

Dans le New York Times du 12 avril Floyd Norris publie un article où il détaille les récents chiffres des “jobless” (sans travail), catégorie différente des “unemployed” (non-employé, terme désignant l’équivalent de “chômeurs” officiels inscrits dans les demandeurs d’emplois).

«Among men ages 25 to 54 — a range that starts after most people finish their education and ends well before most people retire — the unemployment rate is 4.1 percent. That is not especially low, but it is well below the peak rate in all but one post-World War II recession.

»Only people without jobs who are actively looking for work qualify as unemployed in the computation of that rate. It does not count people who are not looking for work, whether or not they would like to have a job.

»But there is another rate — called the jobless rate in this article — that counts the proportion of people without jobs. To be sure, some of them do not want to work. Some are raising families on a spouse’s income, or are disabled, retired or independently wealthy. But others may be discouraged workers, who would take jobs if they thought any desirable positions were available.

»In the latest report, for March, the Labor Department reported the jobless rate — also called the “not employed rate” by some — at 13.1 percent for men in the prime age group. Only once during a post-World War II recession did the rate ever get that high. It hit 13.3 percent in June 1982, the 12th month of the brutal 1981-82 recession, and continued to rise from there.»

Ces statistiques donnent une vision beaucoup moins optimiste de la réalité sociale et de l’emploi aux USA, et correspondent mieux aux conditions de la crise en cours. On pourrait d’ailleurs ajouter à ces chiffres une bonne partie de la population carcérale aux USA, la première du monde avec largement plus de deux millions de personnes emprisonnées (avec une forte majorité d’Américains noirs). Les conditions draconiennes de condamnation et d’emprisonnement permettent en général de considérer que cette gigantesque population carcérale, évidemment non recensée dans les chiffres officiels des chômeurs, a comme effet indirect de réduire le taux officiel de chômage.

Norris ajoute un détail intéressant et significatif dans ces statistiques: «The government breaks down the figures by race, and those figures show that over the last year almost all the jobs lost by men in the 25 to 54 age group have been lost by whites, with most of those losses affecting men ages 35 to 44. There have been just a small number of losses by black men in the 25 to 54 age group, and employment for Hispanic men is still growing, albeit at a much slower pace than it was a few months ago.»

Cette statistique des pertes d’emploi qui sont très majoritairement chez les Américains blancs indique qu’on se trouve devant un phénomène d’ordre économique. Le soupçon de racisme (licenciements prioritairement chez les Américains noirs), si souvent rencontré dans le phénomène des pertes d’emplois aux USA, ne joue plus dans ce cas. Il s’agit désormais de pertes d’emploi pour raisons économiques pures. Ajouté à la réalité du chômage aux USA selon les vrais chiffres, ce point indique que la crise financière est devenue économique et atteint désormais le domaine social. C’est une indication certaine de sa gravité.


Mis en ligne le 19 avril 2008 à 11H02