Récession aux USA : d’imminente à d’ores et déjà…

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On ne pourra pas reprocher au Financial Times de sacrifier au rôle de l’optimisme forcé qui caractérise nombre de médias officiels. Au contraire, le quotidien quasi-porte-parole du monde occidental de la finance semble avoir choisi la voie et la voix de Cassandre pour commenter l’évolution économique. Un long article de ce jour analyse les perspectives de récession aux USA, en ne dissimulant en aucune façon, et certainement sans minimiser ces opinions, que pour certains l’Amérique est d’ores et déjà en récession.

«America has entered 2008 in greater danger of recession than at any stage since the collapse of the internet bubble in 2000-01, as the world’s largest economy struggles to maintain growth in the face of the credit squeeze, a housing slide and high oil prices.

»Fourth-quarter growth for 2007 looks likely to come in at 1 per cent or less on an annual basis, while the current three months are unlikely to be much better and could even be worse. The only question is whether the economy will struggle through this sickly period and gradually regain strength over the course of the year – or succumb to its ailments and, with growth turning negative, fall into recession.

»According to the latest NBC News/Wall Street Journal poll, more than two-thirds of Americans believe the US is either in recession now or will be in 2008. Some of the country’s most famous economists – including Alan Greenspan, the former Federal Reserve chairman, as well as Lawrence Summers, former Treasury secretary, and Martin Feldstein, president of the National Bureau of Economic Research – put the odds of recession at close to 50-50.

»This is striking, because economists say it is almost impossible to forecast recessions and, in the last quarter of a century, there have been only two brief and shallow periods of negative US growth. “We have had an awful lot of bad news,” says Mr Feldstein. “It is not a sure thing we are going to have a recession, but nor do I have great confidence that we are going to escape.”

»Bill Gross, chief executive of Pimco, the world’s largest bond fund manager, goes as far as to say he – like many ordinary Americans – thinks a recession has already started, in December.»

Ces analyses pessimistes du FT sont particulièrement révélatrices d’un état d’esprit d’une partie désormais non négligeable et grandissante des commentateurs au sein du système. Il y a effectivement dans cet état d’esprit une certaine volonté et une certaine tendance à considérer la situation économique d’un point de vue pessimiste, du moins en référence aux normes habituelles à cet égard au sein du système. Il s’agit aussi bien d’une position rationnelle, appuyée sur une certaine appréciation rigoriste et un mécontentement devant la faiblesse des réactions officielles devant le danger. On peut également avancer l’hypothèse, qu’on a déjà évoquée, d’une certaine “fascination de la crise” qui commence à toucher certains au sein du système.

Les tensions économiques sont certes très grandes et importantes. Les tensions psychologique (et on connaît l’importance de la psychologie dans ces circonstances) ne le sont pas moins, et elles le deviennent même plus dans une situation d’incertitude où le jugement d’une situation dépend d’abord de l’évaluation qu’on en fait plus que de chiffres strict. Ces tensions psychologiques concernent essentiellement le contraste entre l’optimisme auquel le système tend à contraindre nombre de jugements et les réalités qui exercent de plus en plus leurs pressions. La réaction psychologique, devant ce qui s’avère être un blocage antagoniste (refus de la réalité contre réalité) déclenche chez certains une réaction psychologique forte, presque de révolte. Le FT semble parfois être dans cette catégorie, avec une volonté de plus en plus affirmée de sonner l’alarme. Sa réaction psychologique devient de plus en plus systématique et se transforme en jugement extrêmement pessimiste, d’ailleurs avec de fortes chances que cette réaction ne fasse finalement que rendre compte de la réalité. Ainsi peut-on mesurer, de ce côté également de la crise financière et économique, la force du trouble et du désarroi qui touchent le système. Le pétrole qui franchit le seuil psychologiquement fondamental des $100 est là pour alimenter, si l’on ose dire, cette tendance.


Mis en ligne le 7 janvier 2008 à 07H42