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762« L’instrument poétique inventé par Rimbaud est peut-être la seule réplique de l’Occident bondé, content de soi, barbare puis sans force, ayant perdu jusqu’à l’instinct de conservation et le désir de beauté, aux traditions et aux pratiques de l’Orient et des religions antiques ainsi qu’aux magies des peuples primitifs. Cet instrument dont nous disposons serait notre dernière chance de retrouver les pouvoirs perdus ? » René Char, in Recherche de la base et du sommet
Les récentes frappes aériennes sur la Syrie de l’entité militaire, ethnique et théocratique qui prétend faire disparaître la Palestine dans un pli de la Mer Morte ont été accomplies sans doute pour de basses raisons internes, rivalité entre factions, et ne résultent certainement pas d’un calcul stratégique pour la simple raison que les politiques corrompus qui se succèdent au pouvoir depuis deux ou trois décennies en sont incapables.
Une anecdote rapportée par Michel Warchawsky, militant israélien pour la paix (il se définit lui-même sous cet oxymoron) dans un récit intitulé ‘Sur la frontière’ indique mieux que n’importe quel sondage ou enquête d’opinion le peu de confiance que les Israéliens mettent dans les individus et leurs programmes qu’ils élisent.
Sur une plage, un estivalier en interpelle un autre sur le volume excessif de la musique diffusée par sa chaîne portative, lui faisant remarquer que ce type d’usage est illégal. Comment? rétorque le contrevenant aux règles de civilité. Pourquoi devrais-je être le seul à respecter la loi dans ce pays?
Cette corruption incapacitante est co-substancielle à la nature d’un État qui ne vit que pour et par la guerre dans une région dont la population le considère comme un greffon qui se rejette lui-même.
Ces attaques sont l’occasion d’une redistribution des cartes dans l’Orient arabe.
De nouvelles alliances se profilent.
Le chef d’État du ‘royaume hachémite de Jordanie’ - c’est l’intitulé que se donne ce morceau de Palestine fragmentée lors des accords de Sykes-Picot, sur le modèle de l’Arabie dite séoudite - a condamné l’agression. Il ne s’agit là que du minimum minimorum comme déclaration fournie et attendue classiquement d’un régime arabe qui se trouve être colonie militaire à la fois de la France, des Us(a) et d’Israel. Il voit d’un mauvais œil l’influence grandissante du Qatar, de la Turquie et des Frères Musulmans dans la région au détriment des Séoud qui lui garantissaient la stabilité du régime hérité de son grand-père, l’émir Abdallah allié de Goda Meir contre le reste des armées arabes en 1948.
La longue guerre contre la Syrie adjacente avec son cortège de djihadistes recrutés sous toutes les latitudes et parfois formés par l’armée française ou étasunienne sur son sol même est un facteur de fragilisation d’une petite structure dont plus de la moitié de la population est réfugiée palestinienne qui lui fournit l’essentiel de ses cadres et de ses professions libérales. Une milice d’illuminés bien entraînés et armés peut faire basculer le royaume dans le chaos à l’irakienne ou à la syrienne.
Des liens à des niveaux de commandement importants sont renoués avec la Syrie.
La dernière guerre occidentale contre l’Irak, celle qui dure depuis dix ans maintenant, a permis l’émergence de l’Iran comme puissance régionale, conséquence non prévue par les néo-conservateurs sionistes promoteurs de l’invasion de 2003.
Cette montée inexorable de la République Islamique comme acteur clé de la zone est liée à la destruction de l’État irakien, sa partition programmée en trois régions indépendantes, mais aussi aux caractéristiques structurelles liées à l’histoire récente de l’Iran, y compris les ambitions modernistes de développement industriel et d’acquisition d’une capacité nucléaire de l’époque de Mohamed Reza Shah Pahlavi.
C’est depuis 1992 que Netanyahu annonce la fabrication imminente de la bombe atomique par l’Iran, preuve que le programme civil nucléaire a été lancé bien avant l’arrivée de Khomeyni. Le dessin qu’il a produit aux Nations Unies indique son mépris pour l’intelligence des délégués présents et son absence totale du sens du ridicule disparu sous une épaisse couche d’arrogance cimentée par la certitude de l’impunité.
Le désordre introduit en Syrie sous forme de cette guerre faussement étiquetée de civile, tant les ingrédients qui la constituent et la prolongent sont de manière patente d’origine étrangère soulève maintenant la plaque tectonique turque.
Le résidu de l’Empire ottoman une fois congédiée la direction trop manifestement militaire et franchement otanesque a vainement tenté d’intégrer l’Union européenne et y a échoué pour son plus grand bien. (1)
L’enfoncement dans une récession économique dramatique de la Grèce et de Chypre a conforté l’orientation d’Ankara vers d’une part le pôle des anciennes républiques soviétiques turcophones rivalisant donc avec la Russie sur cette zone d’influence. L’autre aire de projection est constituée par les États musulmans sunnites qui ont destitué leurs despotes lesquels resteront célèbres pour leur allégeance à l’occident et l’élimination méticuleuse de leurs opposants les ayant laissés en manque de direction politique alternative digne de ce nom. La Tunisie et l’Égypte se sont vues offrir les services de l’AKP.
Vite oublié et enterré l’épisode de 2010 où la Turquie et le Brésil réalisant la perte d’hégémonie occidentale voulurent avec la Russie régler le « problème » du nucléaire iranien en assurant que le combustible fissible proviendrait d’une production extérieure à l’Iran.
Estompé aussi l’acte de bravoure de rupture symbolique avec Israël après l’abordage par un commando israélien dans des eaux internationales de la flottille turque en direction de Gaza et l’assassinat de neuf militants pacifistes turcs.
Les appétits rémanents, venus du temps de l’Empire, se sont aiguisés pour la proie syrienne qui semblait à portée de main en quelques semaines ou mois.
Alors qu’en 2003, les députés enfermés par la foule ont refusé aux Us(a) l’espace aérien turc pour leur aventure en Irak, l’AKP est en train de forger des preuves d’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement syrien devançant les intentions mitigées de l’administration d’Obama pour une intervention militaire directe
Si l’Iran dispose de l’Irak, la Turquie se sent le droit de revendiquer la Syrie.
Sauf que la Syrie est le foyer, le cœur battant du monde arabe.
Sauf que justement il y a cet antécédent de l’Irak où s’engouffrèrent plusieurs milliers de milliards de dollars et que ce bellicisme n’a pas été la solution espérée des problèmes économiques étasuniens qui faisaient déjà bien surface dès l’an 2000. Les jongleries et l’inventivité comptable des firmes étasuniennes de plus en plus énormes endettées par des opérations de fusion acquisition à la recherche de positions monopolistiques n’offraient qu’un masque imparfait de bonne santé financière pour un système conduit à l’autolyse par gigantisme et externalisation de l’emploi en Extrême Orient où se pratiquent les plus bas salaires.
Sauf que l’aventure libyenne qui a coûté quelques cent mille morts, plus que n’aurait jamais pu exécuter aucun tyran, a laissé un goût amer d’avoir été flouées aux deux puissances qui ont donné leur accord pour préserver une population, non pour changer un régime et détruire une nation et entamer une nouvelle forme d’occupation de l’Afrique.
Sauf qu’un autre ancien Empire veut tenir son rang dans le monde arabe.
L’Égypte effacée par Sadate de son rôle de leader des pays arabes et maintenue dans une hypoxie la rapprochant de la catatonie par la momie moubarakienne revendique sa place.
Et ce en dépit de sa dette extérieure, et des difficultés de son financement malgré les miettes jetées par les maîtres es sciences du brigandage siégeant à la City des cordons de la bourse qatarie. Elle se le doit alors même que l’actuelle direction se révèle déjà sans talent politique car elle a très vite perdu l’écoute des masses citadines bouillonnantes et ardentes pour un changement qui leur restitue liberté et dignité.
Elle n’entend pas se laisser voler la vedette.
D’humbles officiers qui ont aidé à porter les Frères exigent le retour à une politique structurante et souveraine comme au temps de Nasser.
Une manifestation a été conduite à la sortie de la prière de ce vendredi depuis la mosquée d’Al Azhar en protestation contre l’attaque d’Israel sur la Syrie et contre la détention du mufti de Jérusalem. Elle aurait été encadrée par des Frères.
Un canal diplomatique important est de nouveau ouvert entre Damas et Le Caire.
Soit une nouvelle fenêtre pour Téhéran.
Le Premier ministre du Qatar, Cheikh Hamad Ben Jabr al Thani, semble avoir intégré un peu de cette nouvelle répartition des cartes. Il déclare vouloir répondre à l’invitation jusque-là négligée faite par Ahmadinejad et se rendre à Téhéran.
La principauté du Qatar, base militaire étasunienne additionnée d’une station de télévision satellitaire et de fonds souverains pilotés depuis Londres, verra sa contribution communicationnelle au sujet de la Palestine occupée minorée par la décision de Bashar Assad d’autoriser l’organisation d’une résistance palestinienne sur le Golan syrien contrôlé par l’armée d’occupation israélienne.
Echec et mat.
Qardaoui peut aller visiter Gaza toujours assiégée, beaucoup savent maintenant que des subsides qataris ont été alloués à la droite et l’extrême droite israélienne pour leurs dernières campagnes électorales.
De plus et surtout, la « rue » arabe, cette bête que l’on discipline peu malgré la perfusion de programmes télévisés décervelant, commence à réaliser qu’un musulman authentique ne peut égorger son coreligionnaire en invoquant la Divinité, qu’Israel veuille abattre le régime syrien le conforte dans l’évidence que les ‘rebelles’ syriens sont des mercenaires en service commandé.
Netanyahu s’est permis de donner une leçon sur la relativité des vérités scientifiques au grand physicien Stephen Hawking qui refuse d’aller en Israel respectant la consigne du boycott demandé par la campagne BDS en soutien au peuple assiégé de Palestine occupée dont il a pu apprécier de visu l’oppression insupportable lors de sa visite en 2006.
Carapaçonné de sa morgue le Likoudnik ignore que cette réserve émise sur la mutabilité des dogmes scientifiques s’applique avant tout à la mythologie sioniste du ‘peuple juif’ ‘exilé’, pure invention du 19ème siècle, et à la non moins légendaire théorie de la Terre sans peuple réservée par un Dieu devenu notaire et agent immobilier à un peuple sans terre.
Avec des gouvernants de cet acabit qui se gaussent d’un astrophysicien de renom dont la signature politique est rare et d’autant plus significative et qui agressent un pays souverain qui ne lui contestait même plus un morceau de son territoire usurpé depuis 1967, Israel n’a plus besoin d’ennemis.
Badia Benjelloun
(1) Les arguments des origines chrétiennes et de la culture hellénique qui feraient défaut à la Turquie sont évidemment de mauvais aloi. La chrétienté a pris son essor depuis les églises d’Antioche, d’Alexandrie et accessoirement de Jérusalem. La Hongrie, évangélisée à la fin du au dixième siècle, a été moins longtemps chrétienne que ne l’a été la Turquie. Byzance a parlé grec, pas Paris ni Londres et encore moins Berlin. Thalès, considéré comme le premier philosophe grec est de Milet, Épictète est de Phrygie en Asie Mineure tout comme Hippocrate est de l’île de Cnos rattachée à l’Asie Mineure.
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