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358Il est significatif et bienvenu à la fois que le même jour où le général Petraeus vendait sa salade à un Congrès acquis d’avance, l’ONU décrivait la situation en termes généraux en faisant l’équivalence entre la situation humanitaire de l’Irak à celle du Darfour. Les termes de la comparaison autant que la signification de la comparaison elle-même sont clairs. Le Darfour est aujourd’hui le point du monde représentant, selon notre catéchisme moralisateur, l’horreur humanitaire du monde sans l’Occident (dito, sans l’intervention occidentale). L’Irak est aujourd’hui le point du monde représentant, en importance, en effort, en volume, en attention de communication, en forces militaires et en argent dépensé, le point du monde où l’intervention occidentale est la plus massive. Le résultat, comme disent nos amis anglo-saxons, “speaks volume”.
Pour une fois, la sobriété d’habitude intéressée et orientée du Fnancial Times fait bien l’affaire, dans son compte-rendu du 10 septembre.
«Four years after a US-led invasion that was sold to the public partly on humanitarian grounds, Iraqis are suffering from a man-made catastrophe comparable in scope to the tragedy in Darfur.
»The plight facing Iraqis “is as significant (as Darfur),” says Margarette Wahlstrom, deputy head of the UN’s aid coordination arm Ocha.
»Comparisons between emergencies are difficult but in terms of displaced people alone, Iraq’s crisis, with 4m displaced people, is double that of Darfur. For Iraq to be described in similar terms as Sudan — whose plight has mobilised a new generation of human rights activists — is striking testament to how bad the situation has become.
»In early 2003, before US forces crossed the border from Kuwait, Iraqis may have thought things could not get much worse. A crippling conflict with Iran, followed by the first Gulf war and a decade of sanctions, had crippled the economy and left many millions dependent on food handouts.
»But, anecdotally at least, the situation in mid-2007 is now even more dire than in 2003. “As far as children’s living conditions go, they are worse now than immediately prior to the war,” says Claire Hajaj, who works for Unicef, the children’s agency, in Amman.
»Oxfam, the international aid agency, said in a recent report that 8m Iraqis were in urgent need of emergency aid, while “many more are living in poverty, without basic services, and increasingly threatened by disease and malnutrition. If people’s basic needs are left unattended, this will only serve to further destabilise the country.”
»Iraqis are fleeing their homes in their millions, in the largest Middle East population movement since the creation of Israel. Jennifer Pagonis, spokesperson for the UN refugee agency, says the monthly rate of displacement has reached more than 60,000 people.
»More than 2m Iraqis are displaced inside Iraq, and struggling to survive. Syria estimates that it now hosts more than 1.4m Iraqis, while Jordan has between 500,000 and 750,000. Both countries’ social services are overwhelmed, and even those Iraqi refugees who once had resources say their money is running out.
La réplique pourrait être aussitôt que l’intervention en Irak est de conception américaniste, et presque exclusivement américaniste, donc beaucoup trop axée sur l’aspect militaire. Cette réplique, qui se voudrait une défense, est en effet complètement acceptable sauf qu’elle vaut comme explication centrale du mal dénoncé et nullement comme argument polémique. Elle se suffit alors complètement à elle-même. C’est justement la conception américaniste qui est en cause ici, d’une façon fondamentale ; et il est difficile de nier, quand on voit la forme de l’intervention occidentale en Afghanistan, qu’elle n’inspire pas le reste. A cet égard, “nous” sommes américanisés. D’ailleurs, pour l’essentiel, “nous” réclamons cette américanisation comme une chose bénéfique, comme une chose urgente, comme une chose définitive, et cela nos consciences humanitaires en tête avec comme devise le jugement de Vaclav Havel sur l’attaque du Kosovo en avril 1999 («des bombardements humanitaires»).
La comparaison Darfour-Irak est bienvenue à l’heure des agitations extraordinairement virtualistes de Washington. Comme disait l’un de nos grands inspirateurs, nous ne sommes pas la solution du problème, nous sommes le problème. Parlant du “gouvernement”, le grand philosophe Ronald Reagan qui a éclairé de sa douce lumière la fin du XXème siècle était prémonitoire sans le savoir.
Il est bon, du point de vue de la symbolique que nous affectionnons tant, que ces nouvelles nous soient connues, sur ce site, avec le décalage du à notre lenteur d’intervention, — un 11 septembre. C'est notre façon de célébrer l'anniversaire.
Mis en ligne le 11 septembre 2007 à 06H12