Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
5392Depuis deux-trois jours, – et sans doute la chose se poursuivra-t-elle sous une forme ou l’autre, – le président Trump et quelques représentantes des “minorités” qui occupent une place de très grande influence à la Chambre des Représentants ont échangé directement ou indirectement anathèmes et insultes. La chose n’est pas nouvelle mais elle est plus vigoureuse qu’à l’habitude parce que nous allons versv USA-2020 et que nous sommes dans une phase de montée de tension, pour ce qui concerne notamment sinon principalement la question de l’immigration.
(Les cibles des tweets de Trump sont connues et regroupées dans une proximité informelle connue sous le surnom de “The-Squad” : Alexandria Ocasio-Cortez [AOC] de New York, Rashida Tlaib du Michigan, Ilhan Omar du Minnesota et Ayanna Pressley du Massachusetts. Toutes quatre sont démocrates, jeunes, radicales de la gauche extrémiste US, progressistes-sociétales et bien entendu “issue des minorités” comme l’on dit dans les salons [mais à part Omar née au Soudan et immigrée aux USA à l’âge de 12 ans, les trois autres nées aux USA]. On y reconnaît quelques-unes de celles que nommions “les filles du Congrès” qui, à l’instar de Trump lui-même dans l’autre extrême, sont alternativement d’actives complices et exécutantes du Système et d’efficaces antiSystème selon les circonstances... Bien entendu, Tulsi Gabbard, bien que nous l’ayons placé parmi “les filles du Congrès”, n’est pas incluse dans The-Squad ni dans l’épisode actuel parce que trop sérieusement antiSystème [puisqu’antiguerre] pour qu’on lui accorde la moindre place dans les facilités de communication qui lui feraient gagner en notoriété..)
Après diverses actions de ces parlementaires (notamment AOC) à la frontière, pour dénoncer les conditions faites aux immigrants illégaux, une polémique s’est engagée, essentiellement alimentée par les tweets de Trump, – de cette sorte désormais bien identifiable :
« Il est si intéressant de voir des congressistes démocrates “progressistes”, originaires de pays dont les gouvernements sont une catastrophe complète et totale, les pires, les plus corrompus et les plus ineptes du monde (s'ils ont même un gouvernement qui fonctionne), proclamant haut et fort...
» ...expliquant vicieusement au peuple des États-Unis, la nation la plus grande et la plus puissante du monde, comment notre gouvernement doit être dirigé. Pourquoi n’y retournent-elles pas pour aider à remettre sur pied ces pays qui sont totalement brisés et infestés de crimes ? »
Ou bien encore, Trump précisant son attaque en la situant idéologiquement, contre la “vague socialiste“ qui est en train de secouer la gauche américaniste et cela que ses adversaires désignent comme du “marxisme-culturel” trempé au bain postmoderne du progressisme-sociétal, avec les armes de la bienpensance et du “politiquement correct”.
Trump passe outre, bien entendu, bien conscient que son arme principale est de tirer dans le tas, et à boulets rouges si possible, et bien entendu toujours dans ce langage morcelé et chaotique des tweets où les constantes outrances sont constamment équilibrées par de constantes référence de “politiquement correct” (selon une technique de verbiage universellement utilisée par tous les pôles et partisaneries des élites-Système, permettant ainsi de produire régulièrement de l’antiSystème par appel régulier à une logique inversée) :
« Nous savons tous que AOC et sa bande sont des communistes, qu'ils détestent Israël, qu'ils détestent notre propre pays, qu'ils appellent nos gardes-frontières des gardiens de camps de concentration, qu'ils accusent les gens qui soutiennent Israël de le faire pour les Netanyahou...
» ...ils sont antisémites, ils sont anti-américains, nous n'avons pas besoin de savoir quoi que ce soit sur eux personnellement, ni de discuter de leurs politiques. Je pense que ces citoyens américains dûment élus suivent leur propre programme subversif, et que le peuple américain les rejettera... »
L’intervention de Trump se fait au sein d’un camp démocrate lui-même divisé, sinon déchiré, entre les mandarins qui ont pourtant choisi de s’appuyer, histoire de se rajeunir, sur une “nouvelle” gauche-radicale, progressiste-sociétale, et les quelques membres colorées médiatiquement très affirmée de cette gauche-radicale. Cela nous vaut deux épisodes rapprochées concernant la vénérable Nancy Pelosi (Speaker de la Chambre et 79 ans), une fois répliquant aux citriques de sa gauche-radicale, une autre fois défendant cette gauche-radicale contre les attaques de Trump...
• Pour répliquer aux attaques des filles du Squad contre la décision du parti démocrate de soutenir certains aspects de la politique anti-immigration de l’administration, rapide rappel des événements qui ont suivi le vote des démocrates de la Chambre en faveur de la loi sur les frontières, vote violemment dénoncée par The-Squad
« Pelosi a riposté avec fermeté : “Tous ces parlementaires ont leur public et leur monde Twitter, a dit le démocrate de 79 ans au New York Times, mais elles n’ont guère de followers. Elles sont quatre et c'est le nombre de voix qu’elles ont obtenues”, dans leur tentative de bloquer le projet de loi sur la frontière.
» Ocasio-Cortez a joué la carte de la diversité et a insisté sur le fait que Pelosi visait injustement les “femmes de couleur nouvellement élues”, tandis que son porte-parole et militant progressiste, Corbin Trent, a déclaré au Washington Post que le Parti démocrate est saisi par la “lâcheté” et dirigé “dans la peur”par une génération plus âgée.
» Le fossé s'élargissant dans le parti, Trump a lancé l'une de ses vannes habituelles. “Je suis sûr que Nancy Pelosi serait très heureuse d'arranger rapidement des voyages de retour gratuits dans leurs pays”, pour les quatre progressistes. »
• Pour répliquer aux attaques de Trump contre les filles du Squad :
« Plus tard, Mme. Pelosi a qualifié de “xénophobe” l’ouragan de tweets [anti-Squad] du président. Elle a affirmé que Trump avait l'intention de “rendre l'Amérique blanche à nouveau”[‘Make America White Again’], formule paraphrasant le MAGA de Trump et déjà utilisée par Pelosi pour critiquer le programme anti-immigration. Bien que les insultes et les invectives de Trump suscitent souvent des réactions négatives, les commentateurs ont particulièrement critiqué son dernier accès de colère, soulignant que l'Amérique a été un foyer pour les immigrants depuis la fondation du pays. »
• Pendant ce temps et plus récemment, et pour suivre... « Les quatre parlementaires démocrates à qui Trump a conseillé de quitter les USA si ce pays ne leur plaît pas ont répliqué par une conférence de presse solennelle où elles ont affirmé que leur mouvement #Resistance reviendrait aux points essentiels qu’elles défendent.
» Dénonçant “les remarques xénophobes les plus récentes de l'occupant de la Maison-Blanche” – et soulignant que “je l’appellerai toujours l’occupant, parce qu’il n’occupe que l’espace”, – la parlementaire Ayana Pressley (D-Mass.) a exhorté les Américains “à ne pas mordre à l’hameçon”, qualifiant les commentaires de Trump “de diversion perturbatrice pour ne pas aborder les grandes questions des soins de santé, les préoccupations et les conséquences pour le peuple américain”. »
• ... Tout cela reste dans les limites désormais connues du cirque extraordinaire mais désormais bien codifiées dans “D.C.-la-folle” de l’affrontement entre Trump et les Trumphaters à coups de “racistes”, “xénophobes”, “occupant de la Maison-Blanche”, “anti-américains”, “antisémites”, “Retourne chez toi”, etc. Bien plus sensationnelle par contre, tout à fait inédit et sans guère de précédent, est l’intervention de la Première Ministre britannique Theresa May dans le charmant dialogue Trump-Squad. Sans doute attentive à laisser sa trace dans l’Histoire et à améliorer les special relationships USA-UK pour l’arrivée de Boris Johnson, May a fait savoir très officiellement, par son porte-parole, qu’elle jugeait absolument “inacceptables” les propos du président contre les quatre parlementaires “dont au sujet desquelles” il est question...
« Le Premier ministre britannique Theresa May a qualifié les propos du président américain Donald Trump d’“absolument inacceptables”, après qu'il eut suggéré sur Twitter que quatre femmes démocrates “progressistes” du Congrès américain devraient “retourner” dans leurs pays d’origine.
» Lundi, un porte-parole de Downing Street a insisté sur le fait que “le premier ministre est d'avis que le langage utilisé pour parler de ces femmes était totalement inacceptable”. »
Il s’agit d’un épisode particulièrement rare et significatif de la vie politique dans le bloc-BAO, aux USA et dans les relations transatlantiques, par rapport au carcan incroyable de bienpensance que les élitesSystème se sont imposées, et par rapport à l’inconscience et à l’irresponsabilité du mode de communication qui se fait désormais par le moyen favori du tweet. Bien entendu, le grand “responsable” (connotation sans jugement de valeur) de cette évolution n’est autre que Trump, que tout le monde déteste et dénonce, mais qui force tout le monde à agir comme lui-même le fait, à sa façon, là encore accentuant le désordre et l’incontrôlabilité d’une situation qui échappe ainsi, par l’évidence du fait même, au contrôle du Système.
En réagissant comme elle l’a fait, même si elle le fait par calcul ou par amertume, May “fait du Trump”, elle agit un pleine ingérence, sans la moindre considération pour la souveraineté nationale des USA, qui plus est dans des relations cruciales pour le Royaume-Uni qui ne peut imaginer sa vie internationale sans sa soumission complète à la politique US. Venant après l’affaire de l’ambassadeur britannique et ses jugements sur Trump, on mesure le désordre extraordinaire et contradictoire qui caractérise aujourd’hui la politique britannique. On doit envisager que ces interventions vont lourdement peser sur l’attitude de Trump vis-à-vis du Royaume-Unis, par exemple dans l’accord de libre-échange actuellement négocié entre USA et UK, – et cela quelles que soient ses relations personnelles (très bonnes) avec le probable successeur de May, Boris Johnson.
L’épisode donne une dimension supplémentaire à la querelle entre Trump et The-Squad, et à la situation fracturée du parti démocrate. May implique par son intervention que la question de l’immigration est transnationale et que tout le monde, à l’intérieur du bloc-BAO, a un droit de regard sur la politique d’immigration de tout le monde, en arguant des références du politiquement correct avec son poids accablant. Avec un Trump dans la dynamique qu’il a adoptée sur cette question en vue des élections USA-2020, avec un parti démocrate totalement emporté sur sa gauche par le progressisme-sociétal qui s’appuie sur l’agressivité de Trump pour réclamer des positions antagonistes encore plus extrémistes, la situation intérieure US ne va cesser de continuer à se polariser et à se radicaliser toujours plus. L’intervention de May étant ce qu’elle est, le débat intérieur US va avoir des effets directs sur les affrontements en Europe concernant la politique de l’immigration. L’usage intensif du tweet pour faire évoluer la politique selon les caractères primaires de ce moyen de communication implique une aggravation continuelle de tous ces facteurs.
Dans un article sur lequel nous reviendrons, le professeur de droit de l’Université du Tennessee Glenn Reynolds analyse l’extraordinaire appauvrissement de la pensée qu’implique l’usage intensif des réseaux sociaux, « avec [leur] nature primaire, tribale et basée sur des slogans de surface ». Il donne une place particulière, – la pire, et de loin, – à Twitter, dont il remarque qu’il « semble être le plus utilisé par les personnes mêmes, – les experts, les journalistes politiques, l'intelligentsia, – les plus importantes pour le type de débat qu’Emerson considérait comme essentiel [“pour examiner la connaissance et découvrir la vérité”].
» En fait, la corruption de la classe politique/intellectuelle par les médias sociaux est particulièrement grave, car leur descente dans une polarisation irréfléchie peut ensuite s'étendre au reste de la population, même à la grande partie qui n’utilise pas elle-même les médias sociaux, par les canaux traditionnels. »
Nous sommes donc en train de voir s’amonceler les situations où la catastrophique action des médias sociaux (Twitter essentiellement) sur les élitesSystème transforme les diverses politiques en bouffonnerie catastrophique. En d’autres temps, nous déplorerions entièrement cet état de fait ; pour la situation que nous connaissons, nous n'avons aucune estime ni aucun penchant pour la forme de la chose mais, sur le fond, nous constatons que nous pourrions bien nous réjouir complètement du processus en cours. En effet, il s’agit d’un massacre catastrophiques des élitesSystème qui ne cessent ainsi d’aggraver une situation générale et de la pousser vers un point de conflagration inévitable. Cette conflagration-là n’est pas celle d’une civilisation à l’agonie sinon déjà morte, mais bien celle du Système qui a lui-même fait évoluer le civilisation de cette façon, alors que lui-même (le Système) a besoin de cette civilisation ne serait-ce que pour continuer à exister... Toujours surpuissance-autodestruction.
Mis en ligne le 16 juillet 2019 à 15H55