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862Dans l’affaire des anti-missiles US en Europe, la proposition de Poutine sème le trouble. Poutine a proposé d’installer une base-radar alternative (à la base prévue en Tchéquie) en Azerbaïdjan, puis il a également parlé de bases en Turquie, voire en Irak. Cette débauche de suggestions a le mérite d’éclairer d’une lumière plus crue la réalité des projets américanistes.
Il est intéressant de voir apparaître, par inadvertance, cette réalité dans les colonnes du Financial Times, dans son éditorial du jour sur la question. Le FT détaille la proposition Poutine sur un ton qui en dit long sur la pensée réelle du quotidien. Tout se passe comme si le FT considérait la proposition de Poutine comme pas vraiment sérieuse ; mais comme le FT couvre d’éloges cette initiative, il en arrive à nous faire comprendre que cette proposition “pas vraiment sérieuse” est suffisante pour désamorcer une crise elle-même “pas vraiment sérieuse“, — c’est-à-dire, au bout du compte puisqu’il faut aller à la cause initiale, que le projet US initial est lui-même quelque chose de “pas vraiment sérieux”. Ce que nous dit le FT, finalement, est ceci : les USA ont déclenché une crise complètement artificielle à cause de leur lubie de l’armement et de la puissance et il est temps de la désamorcer ; et la proposition Poutine, “pas vraiment sérieuse”, doit être saisie au vol pour désamorcer cette crise.
Deux passages caractéristiques du texte du FT, le début et la fin… La dernière phrase (soulignée en gras par nous), surtout, est assassine:
«Vladimir Putin’s proposed compromise on missile defence may not have been a serious offer, but it is significant all the same. By suggesting a deal, the Russian president has improved prospects for top-level talks on an issue that has flared out of all proportion, increasing tensions between Russia and the west.
(…)
»Nevertheless, Mr Putin’s suggestion offers a basis for discussion. It is worth remembering that the missile defence base in Europe is not due until 2013 and may very well not work. It is absurd to excite talk of a new cold war. Mr Putin’s proposal should be welcomed as a conciliatory move, as should President George W. Bush’s decision to invite him to the US next month to discuss the issue. The two men should reach an understanding and move on. The world has more important things to worry about.»
De vous à nous, en passant par le FT : l’analyse du FT est exactement la nôtre. Le ridicule achevé de l’initiative US a plus à voir avec l’aveuglement de la bureaucratie du Pentagone qu’avec un vaste projet de conquête du monde. Mais une fois déclenchée, cette initiative crée sa propre réalité. Et celle-ci, aujourd’hui, existe bel et bien. Il y a de lourds et pompeux analystes pour parler de “nouvelle Guerre froide”, et la cohorte des scribouillards MSM emboîte le pas puisqu’avec une telle formule ils ont l’impression d’y comprendre quelque chose. Le FT a raison mais il n’aura pas gain de cause. Le système qu’il a choisi de défendre, cette stupide bureaucratie pentagonesque, est d’une telle stupidité (on se répète) qu’elle ne changera pas d’avis. Cette crise stupide et artificielle est faite pour durer et, pour finir, pour trouver disons “sa vraie réalité”, — ce qu’elle est en train de faire, — parce qu’elle met à jour d’autres problèmes (notamment la vassalisation de l’Europe) soigneusement dissimulés. (Ces problèmes-là qui forment la vraie crise, le FT préférerait bien qu’on n’en parle pas. On le comprend.)
Mis en ligne le 11 juin 2007 à 10H33