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4902Comme prévu la société festive est de plus en plus sinistre, et comme prévu elle est de plus en plus autoritaire et orwellienne, avec un arrière-fond imbibé de satanisme. Voyez Vigilantcitizen.com qui recense le bal illuminé de l’UNICEF. Ici, on passe de la fête de la musique à l’arrestation de Drouet et à l’épuration du web parce qu’on est cool, ludique État-de-droit dans ses bottes....
Philippe Muray a brillamment « tonné contre » la société festive. On l’a rappelé ici-même. Mais on va remonter plus haut et examiner le corps du délit avec notre René Guénon. Qu’était une fête dans le monde traditionnel ? Une subversion momentanée de l’ordre. Guénon, dans ses admirables Symboles de la science sacrée :
« Il n’est pas inutile de citer ici quelques exemples précis, et nous mentionnerons tout d’abord, à cet égard, certaines fêtes d’un caractère vraiment étrange qui se célébraient au moyen âge : la « fête de l’âne », où cet animal, dont le symbolisme proprement « satanique » est bien connu dans toutes les traditions, était introduit jusque dans le chœur même de l’église, où il occupait la place d’honneur et recevait les plus extraordinaires marques de vénération ; et la « fête des fous », où le bas clergé se livrait aux pires inconvenances, parodiant à la fois la hiérarchie ecclésiastique et la liturgie elle-même. Comment est-il possible d’expliquer que de pareilles choses, dont le caractère le plus évident est incontestablement un caractère de parodie et même de sacrilège, aient pu, à une époque comme celle-là, être non seulement tolérées, mais même admise en quelque sorte officiellement ? »
Guénon évoque aussi les saturnales :
« Nous mentionnerons aussi les saturnales des anciens Romains dont le carnaval moderne paraît d’ailleurs être dérivé directement, bien qu’il n’en soit plus, à vrai dire, qu’un vestige très amoindri : pendant ces fêtes, les esclaves commandaient aux maîtres et ceux-ci les servaient ; on avait alors l’image d’un véritable « monde renversé », où tout se faisait au rebours de l’ordre normal… »
La fête a donc pour but de canaliser (aujourd’hui on dirait défouler) les forces inférieures de l’homme déchu. Guénon rappelle :
« …c’est là, en effet, quelque chose qui est très propre, et plus même que quoi que ce soit d’autre, à donner satisfaction aux tendances de l’« homme déchu », en tant que ces tendances le poussent à développer surtout les possibilités les plus inférieures de son être. Or, c’est justement en cela que réside la véritable raison d’être des fêtes en question : il s’agit en somme de « canaliser » en quelque sorte ces tendances et de les rendre aussi inoffensives qu’il se peut, en leur donnant l’occasion de se manifester, mais seulement pendant des périodes très brèves et dans des circonstances bien déterminées, et en assignant ainsi à cette manifestation des limites étroites qu’il ne lui est pas permis de dépasser. S’il n’en était pas ainsi, ces mêmes tendances, faute de recevoir le minimum de satisfaction exigé par l’état actuel de l’humanité, risqueraient de faire explosion, si l’on peut dire et d’étendre leurs effets à l’existence… »
Guénon conclut : « le fait qu’il n’y a là rien d’imprévu « normalise » en quelque sorte le désordre lui-même et l’intègre dans l’ordre total. »
Guénon parle alors des masques (voyez mon livre sur Kubrick et mes analyses symboliques sur les masques dans Eyes Wide Shut calqué de l’admirable Sarabande de Dearden, avec Stewart Granger)). Le masque ne masque pas, il révèle :
« En effet, les masques de carnaval sont généralement hideux et évoquent le plus souvent des formes animales ou démoniaques, de sorte qu’ils sont comme une sorte de « matérialisation » figurative de ces tendances inférieures, voire même
« infernales », auxquelles il est alors permis de s’extérioriser. Du reste, chacun choisira tout naturellement parmi ces masques, sans même en avoir clairement conscience, celui qui lui convient le mieux, c’est-à-dire celui qui représente ce qui est le plus conforme à ses propres tendances de cet ordre, si bien qu’on pourrait dire que le masque, qui est censé cacher le véritable visage de l’individu, fait au contraire apparaître aux yeux de tous ce que celui-ci porte réellement en lui-même, mais qu’il doit habituellement dissimuler. »
Guénon ajoute sur le retournement parodique : « Il est bon de noter, car cela en précise davantage encore le caractère, qu’il y a là comme une parodie du « retournement » qui, ainsi que nous l’avons expliqué ailleurs, se produit à un certain degré du développement initiatique ; parodie, disons-nous, et contrefaçon vraiment « satanique », car ici ce « retournement » est une extériorisation, non plus de la spiritualité, mais, tout au contraire des possibilités inférieures de l’être. »
Ce retournement parodique momentané servait certainement à détourner les attaques du Malin.
Tout se retourne comme toujours au dix-septième qui marque le déclin ou la sanction/récupération des carnavals. Et dans le monde moderne la fête devient permanente pour pousser la consommation-consumation des âmes et des forces : Halloween, Black Friday, Noël, Pride machin, Saint-Valentin toutes les fêtes sont là qui se succèdent et puent. Comme dit Tocqueville, en démocratie on laisse le corps pour aller droit à l’âme (on dira au croyant que la mission est de remplir les enfers).
Guénon sur cette extension du domaine du mal :
« Si les fêtes ne semblent même plus éveiller qu’à peine l’intérêt de la foule, c’est que, dans une époque comme la nôtre, elles ont véritablement perdu leur raison
d’être : comment, en effet, pourrait-il être encore question de « circonscrire » le désordre et de l’enfermer dans des limites rigoureusement définies, alors qu’il est répandu partout et se manifeste constamment dans tous les domaines où s’exerce l’activité humaine ? »
Et le coup de massue final :
« Ainsi, la disparition presque complète de ces fêtes, dont on pourrait, si l’on s’en tenait aux apparences extérieures et à un point de vue simplement « esthétique », être tenté de se féliciter en raison de l’aspect de « laideur » qu’elles revêtent inévitablement, cette disparition, disons-nous, constitue au contraire, quand on va au fond des choses, un symptôme fort peu rassurant, puisqu’elle témoigne que le désordre a fait irruption dans tout le cours de l’existence et s’est généralisé à un tel point que nous vivons en réalité, pourrait-on dire, dans un sinistre « carnaval perpétuel ».
René Guénon, Symboles de la science sacrée. Chapitre XXI. Sur la signification des fêtes «carnavalesques»
http://classiques.uqac.ca/classiques/guenon_rene/Symboles_science_sacree/symboles_sc_sacree.html
Nicolas Bonnal – Stanley Kubrick, génie du cinéma (Amazon.fr)
http://www.dedefensa.org/article/philippe-muray-face-au-desert-des-barbares
https://en.wikipedia.org/wiki/Saraband_for_Dead_Lovers
https://vigilantcitizen.com/vigilantreport/inside-unicefs-bizarre-2018-masquerade-ball/
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