Réponse à un lecteur sur la perspective Armageddon

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Un lecteur nous interroge sur l’hypothèse de la recherche d’une issue type Armageddon dans le chaos washingtonien.

[Voir les remarques de Michel Tibon-Cornillot, ce 9 juillet, en commentaire du F&C du même jour : « …les néocons ont une solution (qui ne leur est pas étrangère du reste si on en croit leurs alliances avec les évangélistes “apocalyptiques” ou bien les courants sionistes religieux) : Armageddon. Je vous pose donc la question: pensez-vous que les folies américaines actuelles peuvent aller jusqu'à la mise en place d'attaques nucléaires ? »]

Notre réponse sera mitigée mais assurée : la perspective Armageddon existe sans aucun doute mais elle est directement contredite par la paralysie grandissante engendrée par la prolifération du phénomène bureaucratique du système (éclatement et consolidation concurrentiels des pouvoirs au sein du système, jusqu’à la paralysie complète comme aboutissement théorique). Si vous voulez, on pourrait considérer qu’il y a une course entre les deux tendances, nées par ailleurs du même système et de la même pathologie.

Notre impression est que, depuis l’enlisement irakien, la perspective-Armageddon ne cesse de perdre du terrain. Plus la machine s’enlise, plus s’impose et s’expose son impuissance, plus les querelles et les procès internes pour déterminer la responsabilité de cet enlisement se renforcent et se développent. Cette dynamique renforce la parcellisation du système et de tous les pouvoirs qui le constituent et, par conséquent, elle développe le processus tendant vers la paralysie par incapacité d’atteindre une décision. Effectivement, une décision aussi ultime que celle d’une attaque nucléaire, naturellement placée au bout de la chaîne bureaucratique, devient de plus en plus difficile à atteindre. (Non pas “une décision à prendre”, nuance importante, mais bien “une décision à atteindre” : il s’agit bien d’un problème mécanique de progression vers le moment de l’application d’une décision et non d’un problème éthique de choix imposé par cette décision. La décision peut très bien être prise sans être jamais atteinte. Nous avons affaire à une machine sans plus rien d’humain, où les humains ne sont que des vibrions agités conformément à la pathologie générale.)

Le processus décrit par Seymour Hersh est assez intéressant. L’option nucléaire (décision prise, en un sens) pour l’attaque contre l’Iran a été abandonnée devant la difficulté de parvenir à une réunion des pouvoirs bureaucratiques impliqués nécessaires dans la considération d’une telle décision. L’imbroglio bureaucratique décourage la démarche ; nous dirions qu’une fois la “décision politique” prise par le soi-disant pouvoir politique, les difficultés commencent et s’amoncellent sur la voie de l’exécution de cette “décision”, — même lorsqu’il ne s’agit que d’une planification, comme dans le cas évoqué ici, — jusqu’à la rendre complètement impossible et impensable. Il n’y a là aucune attitude humanitaire mais la seule réalité washingtonienne de l’affrontement des intérêts et des garanties de chacun des pouvoirs, intérêts et garanties qui ne cessent de s’emmêler et de s’emmêler encore. La paralysie de la pieuvre est une assurance beaucoup plus grande de son immobilité que l’hypothèse un peu trop bienveillante de ses sentiments humanitaires.


Mis en ligne le 10 juillet 2006 à 15H04