République ? Républicains ?

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République ? Républicains ?

Pas de jour sans que le mot République ne sorte de la bouche d’un politicien. Tout désaccord, tout différent entre celui de gauche, de droite ou du centre, s’estompe dès que s’entend le Mot!... « Je suis républicain, monsieur », « Nous les républicains », « Votre parti n’est pas républicain », etc… En 2006, parait le Mémento du républicain, ISBN-13:978-2842059439, l’éditeur le présente ainsi: « Tous les hommes politiques se disent républicains. Mais dans le même temps, ils vident la République de tout contenu politique au nom d'une prétendue modernité. On caricature le modèle républicain, le rendant responsable de tous les maux passés et présents. Les Principes républicains sont-ils responsables des injustices sociales d'aujourd'hui ou des crimes d'hier tels que la colonisation? Non, c'est bien plutôt la trahison systématique de ces principes qui explique ces drames. La mondialisation remet-elle en cause la citoyenneté, la souveraineté populaire? Non c'est, à l'inverse, un projet politique de disparition de toute souveraineté populaire qui tire prétexte de la mondialisation pour se légitimer. Réaffirmer les principes républicains est un instrument de lutte contre la mondialisation qui restreint les libertés, contre les inégalités qui s'accroissent ». Ce qui revient à dire, si je comprends bien, que la République est le Régime Excellent dont la non-application est la mission de la France! Dans une veine semblable, Régis Debray, républicain lui aussi, écrit en 1995: Comme l'Homo sapiens est un mammifère plus, la république est la démocratie plus. Plus précieuse et plus précaire. Plus ingrate, plus gratifiante. La république, c'est la liberté, plus la raison. L'Etat de droit, plus la justice. La tolérance, plus la volonté. La république, cette fois, n’est plus définie comme un régime ayant dû s’accomplir mais ne l’ayant pu pour une raison inconnue, elle nous est présentée sous les auspices du mystérieux « plus », superlatif dont l’explication attendra. En quoi « la tolérance plus la volonté » définit-elle la république? La république debray on le voit, se situe elle aussi dans un Empyrée dont le « plus », invisible sur terre, ne fait qu’empirer. Que cache donc ce mot dont tout le monde jouit, et à coup sûr mésuse? Cache-t-il autre chose qu’une chose pour le populo? Et cette chose populiste est-elle si pudique qu’il ne faille la mentionner qu’à bout d’argument? Est-elle au contraire si impudique qu’elle se plie aux caprices du client? De quoi cette République, à la fin est-elle le nom?

Le mot fait son apparition à Rome en 509 a.c (ante Christus). Un mot embellit toujours la chose qu’il désigne, lui donne des vertus qu’elle n’a pas. C’est ce qui a dû se passer pour la publique. Qui l’a "inventé" ? Le public, ou ceux qui le dirigent? Comment les dirigés l’ont-ils pris la chose? La prennent-ils seulement? Ne la laissent-ils pas au bord du chemin, laissant les républicains s’en charger? La République en général, la nôtre en particulier, ovni linguistique traversant les siècles et venant se loger dans l’esprit français un jour de 1789, vaut-il qu’on s’y arrête? Depuis cette date, son cadavre décomposé n’a-t-il pas nourri tous ses amants de gauche et de droite? Surtout le dernier, l’incestueux, qui s’abouche à la matrie républicaine et en force le nom : les Républicains?

Pour savoir qui est quoi, il faut un survol historique minimum, un cadre chronologique pour saisir pourquoi nous sommes arrivés à appeler notre régime République, et qu’assez vite il fallut lui ajouter indivisible, laïque, démocratique et sociale pour le rendre crédible. Sans cette légion d’adjectifs n’aurait-elle pas été assez républicaine la République? Notre propos ne sera pas donc seulement historique mais politique, religieux, ethnologique, philosophique, métaphysique même, afin de le rendre Historique. Il est une réflexion globale sur ce que savoir et intuition humaines actuels offrent de convaincant, invite le lecteur non à « jeter la pierre » mais à apporter la sienne.

Les cités antiques, grecques ou romaines, contemporaines dans le temps, l’ont-elles été dans l’essence? Athènes c’est la démocratie, mais Sparte, mais Thèbes? Rome c’est la République, mais surtout, après sa République, c’est son Empire, son Droit de Cité et son katholikós, son ambition universelle catholique, stimulée par le Nouveau Dieu. Pourquoi après l’avoir honni lui vient cette certitude d’en convaincre son peuple par l’alpha et l’oméga, son début et sa fin, sa laïcité au sein de son ecclésia, son église? Le laïc de l'ecclésia c’est l'homme qui appartient au peuple des fidèles (laos, peuple). Il n’est pas klerikos, pas clerc, pas cadre. Le laos c’est, cette fois, le peuple qu’unit non pas le territoire, l’origine ethnique ou l’humble condition, ni demos, ni genos, ni plebs, mais un engagement commun sur les pas d’un dieu fait homme, une assemblée convaincue du Ressuscité. Ainsi le voit le philosophe-théologien. Il n’est pas le seul. C’est aussi la définition du « citoyen républicain » tel qu’il apparaît dans les discours « laïques » de Jean Luc Mélenchon. C’est donc une chose très essentielle et très actuelle de savoir qui est ce peuple de la chose publique, ce res publicain auquel on fait tant honneur.

La cœur du problème n’est pas sa date dans l’histoire horizontale il est dans sa verticalité, dans le télescopage de facteurs humains et non humains, de facteurs historiques et a-historiques, du temps immobile et du temps qui se déroule, de Αἰών (aiôn) et de Χρόνος, (chronos). La cité grecque connaissait le citoyen ethnique, membre du demos, différent du métèque et de l’esclave. La romaine connaissait cela mais discernait d’autres composantes : la plèbe dont les membres sont clients des patriciens, des pérégrins, tous ceux au fond considérés comme moins bons, hors de la gens, hors du clan, hors du patriciat mais membre de curies, puis de centuries, c'est-à-dire de territoires appartenant à la cité. Quelques 700 ans plus tard, en 212 p.c (post Christus), l’édit de l’empereur Caracalla fait de tous les habitants libres de l’Empire des Citoyens, c'est-à-dire des hommes non plus seulement reconnus parce qu’ils appartiennent à un groupe, à un lieu, mais par leur seule Personne. Entre temps stoïcisme et épicurisme avaient ouvert à une acceptation de la condition humaine marquée par sa beauté mais son ambigüité. Par ailleurs, si la vie individuelle était confortée, elle était à la fois niée puisque par le testament d’un mort elle étendait la loi des morts sur les vivants, faisant d’eux des vivants-soumis aux morts, des morts-vivants. Les dieux païens, réservés, gardaient le silence. Bien avant l’édit, Pilate, à qui Jésus explique qu’il « rend témoignage à la Vérité », répond : Qu’est-ce que la vérité (Jean 18-38). Cette réponse montre combien à l’époque les esprits sont fermés à toute certitude spirituelle, que le doute est général. Et c’est pourtant dans cette coquille vide de la citoyenneté romaine que va se loger la certitude que « Dieu est au-dedans de nous », que « la pauvreté en esprit » n’est pas celle qu’on croit.

Il n’est pas facile de dire avec les mots ce qui se passa dans les esprits au cours des siècles qui suivirent. Si une nouvelle certitude habita peu à peu les hommes, si la notion juridique de citoyen put, par la prédication, l’exemple et les sacrifices, ne pas rester un contenant mais acquérir un contenu et combien la nouvelle religion impulsée en Palestine et répandue par des hommes au départ peu nombreux, devint ce contenu et fut comprise par un nombre sans cesse croissant d’individus dont les pensées n’avaient plus les contours clairs et convaincants des concepts d’Aristote. Ce qu’on peut dire, ou plutôt ce qu’on peut faire, c’est le constat que la « romanité devint chrétienne » et nourrit pendant plus de mille ans des certitudes qui furent davantage comprises par le cœur des hommes que par leur intellect. Elle fut la foi du Moyen-âge qui couvrit l’Occident d’une « blanche robe d’églises ». La Renaissance, réincarnation de l’esprit grec, suit. Elle s’abreuve de nouvelles nourritures puisées dans la mathématique, l’astronomie, la physique, aussi bien que dans kabbale juive. La vieille foi du cœur commença sa montée vers l’esprit sans pour autant avoir toutes les armes pour le conquérir. La romanité finissait, l’âge Moderne commençait. Il voit la personne humaine s’avancer plus loin encore dans sa certitude qu’elle est à la fois une assemblée et une collection d’individus uniques et, pour cette raison, plus précieux que tout. En même temps, progrès technique aidant, se développe la conviction que l’homme va se faire « maitre et possesseur de la nature », que cette nature bien qu’ingrate doit profiter à tous et que chacun doit en avoir sa part. C’est la naissance de l’esprit démocratique individualiste qui, à travers des êtres exceptionnels incarnés aussi bien dans le corps d’un Pascal, un Louis XIV ou un Rousseau, se fraye un passage jusqu’à nous. C’est la lente arrivée du peuple sur la scène.

Au début il n’est qu’un Tiers. Un tiers du reste que sont les deux autres Tiers -nobles et clergé- qui sont souvent les mêmes et forment une caste, une minorité convaincue que sans elle le monde s’effondrerait sur lui-même puisque Dieu ne le soutiendrait plus! Le roi est de « Droit divin », est droit parce qu’il est divin, tandis que le peuple est courbé sous le fardeau voulu par Dieu. Les nobles sont aussi de droit divin à peine moins que le roi et les clercs font semblant de croire -et sont en même temps persuadés- qu’ils dictent leur loi au prince, la Loi, la grande écrite dans le livre des Juifs qu’un autre Juif, rebelle celui-là, est venu accomplir, c'est-à-dire en souligner l’insuffisance dans le cadre de sa réalisation puisque le ciel et la terre dureront jusqu’à ce que tous les iota soient accomplis (Matt.4.17) et que donc, « quand tu fais l’aumône que ta main droite (qui est la Loi), ignore ce que fait ta main gauche » qui est hors-de-la-Loi, ni au dessus, ni en dessous, mais ailleurs, dans la solitude de ta Nouvelle Liberté, de ta Personne.

Ce Tiers vit de grands espoirs et de grands esprits le soutiennent mais le vers est dans le fruit car ce tiers monde n’était qu’un quart monde, pas en nombre certes, mais en voix, en influence, en culture. Alors, déçu, souvent démuni et sans loi qui autrefois le protégeait (ignoble Le Chapelier), parfois désœuvré, il se fait d’abord chair à canon pour les armées impériales puis chair à machine pour les maitres de forges du Creusot et d’ailleurs, devient prolétaire. Et Rome revient! Un prolétaire est un citoyen romain qui n’a que ses enfants (proles) comme richesse. Il appartient à la classe la plus basse de la civitas, de l’ensemble des citoyens qui ne peuvent acheter une pièce d’armure et ne possèdent le droit de vote qu’en théorie. Un prolo au 19e siècle c’est soit un ouvrier dépossédé de ses outils et qui n’a d’autre possibilité que de vendre sa force de travail à celui qui en a, soit un paysan chassé de sa terre par l’appropriation bourgeoise de la terre et qui est dans la même situation. Chez eux, les clercs auront du mal à faire revivre l’assemblée, l’ecclésia d’autrefois où se côtoyaient les laïcs, c'est-à-dire tous les hommes, y compris les esclaves ou les serfs. La nouvelle ecclésia va être rassemblée par un drôle de clerc barbu et allemand et tentera de trouver une dignité que la révolution bourgeoise lui avait ôtée. Par chance, chez nous Français, elle sera récupérée in extremis par un autre habit, aussi militaire que celui des soldats de l’empire, et aussi noir que celui des clercs: les hussards de la république. Si bien que l’instituteur évitera aux gouvernants bourgeois le traumatisme d’une autre Commune qui celle-là eût débordé Paris. Cette réforme à la hussarde n’empêcha pas qu’il fallut un « cimetière sous la lune » pour calmer les ardeurs de ce prolétariat encore trop remuant malgré l’hussard: ce fut la merveilleuse Grande Guerre où les rancœurs, les frustrations, les peurs et les misères de la France laïque purent saigner et suppurer pendant quatre longues années. A l’est, elle réussit et de Commune fit Communisme, mot puissant chargé de passion de justice, et qui comme le mot république, se révèlera trop beau pour la chose. La vie est décidément une leçon de Chose, chose publique ou chose privée mais toujours chose, chosifiante, chosifiée, réifiée si vous préférez le vocabulaire de Marx. A l’opposé du peuple russe, un peuple non moins doué que le prolo, le serf ou le koulak mena une révolution plus individualiste, plus égoïque, face cachée de la médaille prolétarienne, qui s’appellera western. Et c’est ainsi que la formule drôle d’Armand Farrachi dans son Petit lexique d’optimisme officiel, p.176, nous fait rire et nous enseigne qu’« elle se mit à remplacer le sauvage par le domestique, l'herbe par le maïs, les bisons par les vaches, les Indiens par des esclaves noirs ou des ouvriers chinois, pour mieux régner sur un nouveau monde, tel est le mot d'ordre du western mais aussi de notre civilisation tout entière : place au bétail ». Mais l’espoir n’était pas étouffé, le Français fit son Front Populiste tandis que le Boche donnait sa préférence à un Socialisme seulement National. Certains ont cru que c’était la même chose, d’autres non. C’est alors que les descendants de Thiers (le mot allemand Thier se prononce [ti:r], s’écrit aujourd’hui sans h mais veut quand même dire animal), préparèrent un complot dont le 9/11 2001 fut jaloux par anticipation. Ce complot fut baptisé par la bouche d’un Juif historien de talent : « Une étrange défaite ». C’est l’histoire d’une percée, programmée par les percés eux-mêmes si bien que les perceurs percèrent en effet de leurs panzers la ligne mal imaginée mais s’étonnèrent quand même que la première armée d’Europe alliée à l’anglaise et à la belge succombât aussi vite. La première surprise passée, les laïcs de France et de Navarre, cette assemblé généreuse qui n’avait jamais cessé de croitre sous les ors corrompus de la république, perça elle aussi et alliant rose et réséda, ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas, embêta sérieusement le boche et ses complices de l’Union Nationale qui siégeait soit rue Lauriston, soit à Vichy pour se refaire une santé compromise par le 3e Reich. Staline et ses hordes de bolchéviks aidant, les FTP s’excitant plus que nécessaire, Western se décida à un débarquement massif afin d’éviter que cette France imprévisible ne succomba à son église qui avait déjà tenu un concile CNR, le Conseil National de la Résistance, qui prévoyait Sécurité Sociale, Nationalisations, Statuts des fonctionnaires, principes pas vraiment goûtés de ceux qui avaient appelé de leurs vœux l’étrange défaite et la victoire de l’Allemagne. La paix revenue, Western Union Business s’abattit sur la France et l’Europe habillé en Marshall mais n’empêcha pas CNR de réaliser le cœur de son programme. A peine plus tard, un prêtre-soldat voyant la France s’user dans une guerre perdue bouta le Socialo hors l’Etat et, convaincu depuis longtemps des méfaits de ceux qui ignorent l’assemblée laïque prononça cette sentence qui réconcilia Moscou et Western: « Je n’aime pas les communistes parce qu’ils sont communistes, je n’aime pas les socialistes parce qu’ils ne sont pas socialistes et je n’aime pas les miens car ils aiment trop l’argent.» Comment résumer mieux l’économie politique? Hors la rhétorique typique de l’homme qui se voulut, et qui fut, au dessus des partis, il faut s’incliner devant l’art de dire en une phrase la diabolique tripartition malfaisante du monde: On eut des communistes qui furent et sont encore des intello-utopistes (tout dans la tête, mais une tête trop pleine et mal faite), on a hélas encore des socialistes, sentimentaux malhonnêtes (tout dans le cœur mais le cœur est faux), et enfin on a des bourgeois grippe-sous qui ne sont qu’intestins qui se goinfrent car ils n’ont ni tête ni cœur. Lucifer habite leur haut, Satan leur bas. Le cœur, pris entre ces feux est détruit. Au dessus de ces infirmes on a un homme qui assure que «Tout peut un jour arriver, même ceci qu’un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté apparaisse, en fin de compte, comme un bon placement politique ». Phrase que seule la République du Laïc peut faire sienne, c'est-à-dire le régime qui n’a jamais existé nulle part sauf dans le cœur des grands hommes qui se sont appliqués à le faire désirer aux petits en laissant parler au-dedans d’eux leur commune grandeur. Mais cela n’a qu’un temps, n’est qu’un temps de la vie des sociétés et des peuples. Après l’abaissement que Pétain assuma comme ange noir de l’étrange défaite, il fallait que renaisse la grande assemblée de la France chrétienne, pas chrétienne au sens des curés, des salonards, des petits marquis ambitieux style Macron, mais à celui de la plèbe selon Spinoza, pas selon César, qui un jour aura sa « part »:

«Il n’est pas étonnant que la plèbe n’ait ni vérité ni jugement, puisque les affaires de l’Etat sont traitées à son insu, et qu’elle ne se forge un avis qu’à partir du peu qu’il est impossible de lui dissimuler. Donc pouvoir tout traiter en cachette des citoyens, et vouloir qu’à partir de là ils ne portent pas de jugement, c’est le comble de la stupidité. Si la plèbe en effet pouvait se tempérer, suspendre son jugement sur ce qu’elle connaît mal, et juger correctement à partir du peu d’éléments dont elle dispose, elle serait plus digne de gouverner que d’être gouvernée.» Ou encore ce discours d’hier qui s’applique parfaitement à aujourd’hui :

« En France même, ces hommes qui n'ont de foi qu'en leurs billevesées et de loi que leur intérêt, ces hommes que la décadence de notre régime avait fait foisonner dans la politique, les armées, la presse, le monde, les affaires, se sont rués à la servitude. Enfin, une abominable propagande d'humiliation et de renoncement a réussi à influencer quelques esprits faibles et quelques cœurs mal accrochés. Cet ensemble de malveillances, de lâchetés, de médiocrités, put faire supposer que la France, atteinte aux sources de sa vie, tomberait dans l'état d'asthénie chronique où les nations perdent la volonté et jusqu'au goût de l'indépendance, bref, qu'elle ne serait plus autre chose qu'un grand souvenir du passé, une victime du présent, un accessoire de l'avenir ».

Celui qui est aujourd’hui conscient de ce nouvel abaissement de notre pays et qui aurait le courage de ne plus appeler République ce régime vermoulu et de dire aux Français ce qu’il en est de leur présent et de leur futur s’il le veulent vraiment, sait bien que toutes les qualités essentielles ne se retrouvent plus dans un seul homme, qu’ils sont désormais plusieurs à porter des bribes de vérité et qu’il faudrait qu’ils les mettent en commun pour qu’un pas décisif s’accomplisse dans le sens de l’Assemblée, dans le sens d’un peuple laïc guidé par une foi qui, si elle ne peut plus être aujourd’hui « religieuse », doit comprendre « qu’aucune modification structurelle de la Cité n’est suffisante. On aura beau établir une Cité humaine où l’exploitation sera sinon effacée du moins considérablement diminuée, établir un régime fiscal plus juste, resserrer la hiérarchie des salaires, on n’obtiendra rien s’il n’y a pas une modification profonde du regard jeté par les hommes sur le monde et sur la vie. Le malheur restera au fond de l’individu humain si cet individu n’a pas une vue du monde qui lui permette de dépasser le désespoir » (H.Guillemin). C’est quand même autre chose que les pensées du bouledogue surestimé que fut Churchill qui ne voulut vaincre Hitler que pour tuer la Russie et par là même toute justice sociale. En voici une des plus fortes :«Le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses. La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère » Pauvre pilpoul anglo-saxon d’un homme finalement assez bas, qui se crut haut, et qui ne dut sa fortune qu’au sang et aux larmes. Là, Marx a raison, c’est bien l’Histoire qui fait l’homme, pas l’inverse.

Laissons Baudelaire, ce très grand économiste méconnu, répondre à notre Lord boutiquier en se plaçant à une hauteur qu’un aristocrate british ne soupçonne même pas puisqu’il place ses banques à la hauteur d’une Cité (city in english):

 « Le commerce est, par son essence, satanique. Le commerce, c’est le prêté-rendu, c’est le prêt avec le sous-entendu : Rends-moi plus que je ne te donne. L’esprit de tout commerçant est complètement vicié. Le commerce est naturel, donc il est infâme. Le moins infâme de tous les commerçants, c’est celui qui dit : « Soyons vertueux pour gagner beaucoup plus d’argent que les sots qui sont vicieux ». Pour le commerçant, l’honnêteté elle-même est une spéculation de lucre. Le commerce est satanique, parce qu’il est une des formes de l’égoïsme, et la plus basse, et la plus vile ».

Quel meilleur leitmotiv pour ceux qui ne veulent plus que tout soit marchandise et qui rêvent de cette République Démocratique qui n’a jamais existé et qui existera un jour si les citoyens de cette Invisible Assemblée, cessent de se faire croire qu’ils vivent déjà sous son régime. « Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Matt. 18.20). Imaginez-vous qu’un jour, en France (peut-être ailleurs), ils se décident à être des millions! A marier Alpha et oméga avec le Je Suis… sans même savoir qu’ils sont réunis par Lui. Ça serait une belle réponse à ceux qui voient de l’Anti christ partout, non ?

Marc Gébelin