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3650Comme dit l’autre, ou bien notre estimé confrère : « Turkey again invade », et le même, excellemment traduit par Le Sakerfrancophone : « C’est reparti pour une invasion turque ». On rêvasse avec nostalgie au temps où une telle nouvelle, un tel acte, eût provoqué une très grave tension internationale, des mobilisations, des réunions urgentes. Aujourd’hui, eh bien un constat un peu fatigué, “Tiens, ils y vont à nouveau”, avec en plus la menace étrange en termes diplomatiques, de la part d’Erdogan que l’âge commence à assiéger, que si l’on ne dit pas que son initiative est remarquable il lâchera des millions de réfugiés sur l’Europe apeurée. (Cris d’horreur du ministre allemand de l’intérieur : ce sera bien pire qu’hier [en 2015].)
Du côté US, ce fut et continue à être l’habituel cirque de la communication, Trump annonçant un retrait US sans avertir personne dans son administration, avec une réaction effarée au Pentagone, et violente au Congrès chez les habituels faucons (Lindsey Graham en tête, maudissant Trump, lui qui, en même temps, le défend toutes griffes dehors face aux menaces de destitution). Finalement tout est très vite revenu au désordre habituel et il est impossible de savoir quelle est la politique US et qui la conduit.
Les Kurdes en tireront les conclusions qu’ils veulent. Là aussi, ce serait plutôt du type “Plus ça change, plus c’est la même chose”, et la Syrie figure bien comme le champ d’action privilégié de toutes les conséquences indirectes et bien entendu cruelle des initiatives agressives initiales de déstabilisation et de déstructuration du bloc-BAO avec leurs alliés de circonstance (Turquie, Arabie, etc.).
E.J. Magnier nous donne un aperçu général de ce qu’il perçoit de la situation, avec son appréciation que les USA ne se retireront pas de Syrie cette année, que les Turcs devraient y aller modérément avec une certaine retenue russe et iranienne, et que les Kurdes, qui continuent à présenter des exigences irréalistes au seul acteur qui est prêt et a un intérêt direct à les aider (les Syriens d’Assad), se trouvent de nouveau perdants avec leur étrange alliance avec les USA soumise aux cahots de la crise intérieure de “D.C.-la-folle”.
Le texte de E.J. Magnier a été publié sur son site le 9 octobre 2019, avec ce titre : « Les forces US ne devraient pas se retirer de la syrie cette année ».
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Malgré l’annonce du retrait tactique des forces US de lieux bien délimités dans la partie occupée du nord-est de la Syrie, à la suite de son accord avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, abandonnant ainsi les Kurdes syriens à leur sort, le départ des forces US de la Syrie est “hautement improbable”. Ces forces US ont établi plusieurs bases et aéroports militaires, qui assurent un soutien logistique et opérationnel aux forces US basées en Irak ainsi qu’aux forces aériennes israéliennes. La fin de l’occupation du nord-est de la Syrie signifierait l’abandon d’un emplacement stratégique au Moyen-Orient, une décision que l’administration américaine n’est assurément pas prête à prendre cette année. De plus, le soutien international dont jouissent les Kurdes (en Syrie et en Irak) pourrait bien les protéger contre les attaques des djihadistes et des militants pro-turcs sur tous les fronts, sous l’œil attentif du monde. Cependant, il en va de l’intérêt des USA de ménager son allié de l’OTAN plutôt que de donner la priorité aux militants kurdes syriens qui ont combattu et reçu de l’argent et du matériel militaire en échange de leurs services, comme Trump l’a expliqué. Il faut donc s’attendre à une opération limitée des Turcs, en dépit des complications et des conflits d’intérêts qu’elle engendra entre la Turquie et ses alliés russes et iraniens.
Les USA ont toujours dit très clairement que leurs propres intérêts ont préséance sur ceux de n’importe quel autre pays ou groupe. Les USA n’ont pas d’alliés stratégiques, seulement des partenaires commerciaux. Il serait donc tout à fait normal dans le contexte actuel que l’administration américaine laisse tomber les militants kurdes syriens. Après tout, Trump semble croire qu’il s’agit de mercenaires qu’on a payés pour mener à bien la tâche qu’ils devaient accomplir, qui était d’éliminer le groupe armé “État islamique” (Daech).
Sauf que les Kurdes syriens menacent de ne plus assurer la garde de plus de 50 prisons où sont confinés quelque 11 000 militants de Daech. Ils contrôlent aussi le camp d’al-Hol, où se trouvent plus de 80 000 membres des familles de militants de Daech. Mais les Kurdes ne mettront jamais leur menace à exécution, parce que s’ils le font, ils seront exterminés par ceux-là mêmes qu’ils auront libérés. La base militaire d’Al-Basel à Raqqa a d’ailleurs déjà été ciblée par deux attaques suicide mardi soir, à la suite desquelles une cinquantaine de djihadistes ont tenté de prendre la base.
Daech a perdu les villes mais demeure une force d’insurrection active, en recourant à la tactique d’attaques éclair, tant en Syrie qu’en Irak. Il serait donc étonnant que les Kurdes se tirent dans le pied en libérant même un seul militant de Daech. Leur menace vise essentiellement à faire pression sur le monde et l’Europe en particulier, afin d’empêcher le retrait des USA.
L’on s’attend à une attaque de la Turquie et de ses mandataires syriens sur deux fronts, Tel Abiyad et Ras al-A’yen, à la suite du retrait tactique et partiel du secteur par les USA. La zone que la Turquie cherchera à occuper s’étend sur 100 km et fait 300 à 400 km en tout.
Ce qui surprend, c’est que dans les circonstances, les dirigeants kurdes n’ont pas réduit leurs attentes irréalistes dans leurs négociations avec le gouvernement de Damas concernant leur demande de former une fédération dans le pays. Les Kurdes ont demandé à Damas, en présence de négociateurs russes et iraniens, de maintenir leur contrôle sur les très riches gisements gaziers et pétroliers de la zone qu’ils occupent, qui correspond à un peu moins du quart du territoire syrien. Les Kurdes veulent aussi contrôler totalement l’enclave sans la moindre présence ou activité de l’armée syrienne, sauf à la frontière avec la Turquie! Damas n’a pas l’intention de devenir un agent frontalier et souhaite reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire syrien. Le gouvernement syrien veut que les Kurdes cessent de mettre leurs installations au service des USA et d’Israël, comme les Kurdes irakiens l’ont fait.
Moscou et Téhéran refusent de troquer une occupation américaine contre une occupation turque. Même si la Russie, l’Iran et la Syrie croient que la présence turque est moins dangereuse que celle des USA, Damas et ses alliés rejettent toute occupation de la moindre parcelle de territoire syrien et sont déterminés à ce que le gouvernement central reprenne le contrôle de l’ensemble du territoire et de ses ressources pétrolières.
Malgré le fait que le président Erdogan pourrait fermer les yeux sur le destin d’Idlib et laisser le gouvernement syrien reprendre le contrôle de la ville et de sa région rurale (qui entraînerait l’élimination des djihadistes, dont ceux d’al-Qaeda), le président syrien tient absolument à reprendre le contrôle de tout le territoire.
Des négociateurs turcs ont rencontré des responsables russes et iraniens pour discuter d’un échange d’Idlib contre Hassaké et Qamishli. Assad a rejeté un accord semblable avec les Turcs et « s’occupera de l’occupation du nord-est de la Syrie une fois que le Moyen-Orient se calmera ».
L’accord sur le nucléaire iranien et ses conséquences sont sur la table et ont la priorité. La situation en Irak est inquiétante, car elle fait ressortir la capacité des USA et de leurs alliés de rebattre les cartes au Moyen-Orient en exploitant les exigences « légitimes » de la population, qui demande des réformes et des emplois.
La Turquie sait bien que la Russie et l’Iran peuvent armer les Kurdes syriens si Ankara décide d’occuper le nord-est de la Syrie. Pareille incursion pourrait entraîner la Turquie dans le marasme syrien. Il est encore trop tôt pour en arriver à ce genre de relations entre les alliés (Iran, Russie, Turquie) et l’on s’attend à ce que la Turquie s’avance dans une zone restreinte au nord-est de la Syrie.
Les Kurdes demeurent les plus grands perdants. Ce qui s’est passé à Afrin est un exemple éloquent. Les Kurdes ont abandonné leur ville, mais ont refusé de laisser le gouvernement syrien en prendre le contrôle. La bataille d’Afrin a fait ressortir les limites des Kurdes à défendre seuls leur territoire. L’instinct de survie a poussé les Kurdes à fuir et à abandonner leur territoire. Si les Kurdes ne parviennent pas à un accord avec Damas, et le plus tôt sera le mieux, il leur restera très peu d’endroits où se réfugier. Le président Assad est prêt à les accueillir à bras ouverts, du moment qu’ils cessent de protéger les USA.
Brett McGurk, l’ancien envoyé spécial des USA en Irak et en Syrie (sous Obama, puis sous Trump), a affirmé que « les deux présidents ont choisi et mis de l’avant la collaboration avec l’opposition soutenue par la Turquie, malheureusement truffée d’extrémistes, dont bon nombre sont liés à al-Qaeda ». L’entêtement des Kurdes syriens les conduit dans un aveuglement total vers une situation où aucune solution n’est possible. Incapables de tirer des leçons de l’histoire, ils s’entêtent encore à vouloir construire un État… sur le sable !
Les Kurdes irakiens ont perdu tous leurs privilèges lorsqu’ils ont tenté de proclamer un État indépendant. Trump croit que les Kurdes syriens sont des mercenaires dont les USA n’ont plus besoin. Sauf que les Kurdes refusent de voir la réalité en face.
Il existe un virus (certains appellent cela une malédiction) qui persécute ceux qui s’immiscent dans les affaires du Moyen-Orient ou y combattent. Ce virus affecte principalement les Américains, et maintenant les Kurdes. C’est le virus du « refus de tirer des leçons de l’histoire ».
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