“Retenez-moi ou je m’en vais !”

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“Retenez-moi ou je m’en vais !”

D’une façon générale, il apparaît, à notre appréciation, que les Britanniques, hôtes du G20 et considérablement Anglo-Saxons comme chacun sait, sont inquiets de la tournure des événements, et surtout du climat autour de ces événements – avant, pendant et après le G20. Il y a parfois des relents d’odeur de révolte contre l’alignement habituel et anglo-saxon, – et l’on connaît le slogan bien français “relooké” façon G20: “Non Votre Très Gracieuse Majesté, ce n’est pas une révolte, c’est une révolution”. Dans ce tourbillon qui commence à ressembler à un sourd fracas, les Français, Sarko-Carla regnante chaotiquement, se réveillent et ne sont plus en reste.

Comme l’on sait par conséquent, le président français a donc déployé une variante du “retenez-moi ou je fais un malheur”, et qui se nomme “retenez-moi ou je m’en vais” (du G20). La chose est appréciée avec une philosophie pateline et, ô surprise, assez bienveillante par le Financial Times du 1er avril 2009. Le texte se place dans le contexte d’un fond d’observation générale sur le G20 de demain et avec quelque chose dans la plume qui ressemble effectivement, comme nous en parlions plus haut, à de l’inquiétude. Parfois, il semblerait que le FT prenne au sérieux ce qui ne devrait pas l'être selon les normes courantes du quotidien et l'on se demande s'il ne se demande pas: et si Sarko partait réellement? (Sous-entendu : qu’est-ce qu’il resterait de notre G20 favori?) D’où les arguments précipités, 1) que Sarko ne s’en ira pas parce que le lendemain (vendredi) il accueille nombre des grands de ce monde réunis au G20 au sommet de l’OTAN de Strasbourg, et qu’il a intérêt à ce que tout se passe bien, et que tout cela ne peut être précédé de l’esclandre en question; et 2) que Sarko ne s’en ira pas parce qu’il a de toutes les façons d’ores et déjà gagné… C’est ce dernier point qui est intéressant, que nous soulignons d’un gras majestueux dès l’entame de l’article.

«France is likely to be one of the nations best able to claim victory when the summit ends on Thursday, suggesting that Nicolas Sarkozy will not have to make good on his threat to walk away from the negotiating table if his demands are not met.

»Christine Lagarde, the French finance minister, said on Tuesday that the president had been “very clear”. “He said, ‘If the deliverables aren’t there, I won’t sign the communiqué.’ It means walking away. I think he’s very determined.” Mr Sarkozy reportedly told his cabinet on Monday there would be “an empty chair” – a reference to Charles de Gaulle’s seven-month boycott of the European Economic Community in 1965 – if he was not satisfied. However, while mindful of his occasional unpredictability, officials and diplomats in Paris scoffed at the idea that Mr Sarkozy might walk off if he did not get his way. “Can you imagine Sarkozy storming out in London only to welcome many of the same people to Strasbourg the next day [for the Nato summit]?” said one official. “This is classic Sarko. It is his provocative thing.”

»Mr Sarkozy spoke to Gordon Brown by phone on Monday. The UK premier's office said the exchange was “constructive and friendly”.

»Diplomats said the French threat was a classic pre-summit negotiating technique. It would enable Mr Sarkozy to claim success for what was already likely to emerge. “They are right to keep up the heat but it is already a French victory,” said one. Mr Sarkozy claims paternity of the summit, having argued for it at the United Nations last September. He can claim that many of France’s arguments – and its central thesis that lightly regulated Anglo-US financial capitalism was inherently unstable – have won the day.»

Car c’est bien étrange, – pardonnez-nous d’insister, – mais cette insistance du FT pour assurer le monde entier que les Français ont gagné, oui, qu’ils seront les grands vainqueurs, etc., cela est très remarquable. Par conséquent, pourquoi ne spéculerions-nous pas qu’effectivement les Britanniques craignent que Sarko n’attend qu’une occasion pour faire comme… – devinez qui? Charles de Gaulle himself, «a reference to Charles de Gaulle’s seven-month boycott of the European Economic Communit»… (En passant: si Sarko ne remonte pas de vingt points dans les sondages avec un tel esclandre bien présenté... Vingt points dans les sondages, cela vaut bien un esclandre au G20, selon l’esprit de la citation fameuse sur Paris et sa messe.)

Bien, soyons décidément sérieux et observons combien nous sommes marqués par la tonalité de cet article du FT, l’absence complète de référence sarcastique aux Français et au président français à l’occasion d’une menace qui relève pourtant pour un Anglais du total et gallic absence de goût, de l’incapacité froggy de savoir se tenir et tenir sa place, sourire aux lèvres, dans l’alignement conforme, tasse de thé à hauteur des lèvres et petit doigt levé, à l’écoute des consignes anglo-saxonnes. Mais non, le cas Sarko est traité avec sérieux et attention. On en serait presque à lui dire qu’on le comprend, mais qu’il faut qu’il comprenne, lui, qu’il ne doit pas songer à un tel esclandre, parce qu’il a gagné, gagné, mille fois gagné, by Jove

Cette crainte qui nous semble palpable entre les lignes concerne bien sûr le comportement du président français lui-même, mais aussi ce comportement en fonction du climat général, éventuellement en fonction de contacts secrets que les Français auraient pu établir en préparation, autour, pour et après le G20, avec l’un ou l’autre pays de mauvaise réputation (la Russie, la Chine, le Brésil, qui sait?), en plus de l’efficacité contestatrice que forme aujourd’hui leur alliance avec Berlin-Merkel. L’article reflète cette même inquiétude que les milieux officiels britanniques entretiennent désormais après l’ultime grande tournée préparatoire au G20 qu’a effectué Gordon Brown. Nous parlons ici, également, du climat, qui serait effectivement très lourd, quasiment d’une forme pré-révolutionnaire dans le chef de certains, tel qu'a pu le constater le Premier ministre britannique.

 

Mis en ligne le 1er avril 2009 à 14H47