“Retour à la normale” ? C’est à voir

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“Retour à la normale” ? C’est à voir


8 décembre 2003 — La signature fait valeur de test : quand il s’agit de signifier aux Européens qu’il ne s’agit plus de plaisanter, l’International Herald Tribune publie John Vinocur, auteur-maison, acariâtre et spécialiste du phénomène de la désagrégation européenne (à commencer par la désagrégation du couple franco-allemand recolé). Quand il s’agit de signifier aux Européens qu’après tout, tout ne va pas si mal, et que nous sommes faits pour nous entendre, l’IHT fait appel à Elaine Sciolino, de la publication-mère New York Times, Sciolino spécialiste des tendresses adressées aux Français. Aujourd’hui, c’est le cas, le ton est à la diplomatie, à la modération, aux sourires fatigués de Colin Powell dont l’absence complète de substance, l’hyper-prudence bureaucratique et la gentillesse proverbiale font merveille. Sciolineo est sur le pont et nous livre ses considérations.


« After months of acrimony, Europe and the United States are modulating their tone and trying to work more cooperatively on the divisive issues of Iraq, Afghanistan and European defense cooperation.

» The conciliatory stance on the U.S. side is motivated at least in part by the urgent need to have NATO countries contribute more troops and money to Iraq and to deliver promised and much-needed troops and equipment to Afghanistan. But there is a universal recognition among NATO members that the rift both within NATO and with the United States because of the Iraq war has to be repaired if the alliance is to remain viable.

» “I won't say everybody is pretending that everything is fine, but people are really trying to be more constructive, less emotional and, well, diplomatic,” said a senior NATO military official who participated in meetings of its defense and foreign ministers in Brussels last week.

» The most obvious evidence of the new tone was the public posture of the U.S. defense secretary, Donald Rumsfeld, at the NATO defense ministers' meeting last week. “Maybe we ought to try to do a better job of communicating,” he said at one point, much to the surprise of European defense ministers and military officers. »


Effectivement, l’offensive d’apaisement a commencé avec Rumsfeld, dont on attendait des éclats et qui fut tout sourire avec ses collègues de l’OTAN, à la réunion de la semaine dernière. Ensuite, ce fut Powell, qui put tout à son aise jouer au diplomate et au “sage” de l’équipe GW, proférant ainsi avec solennité quelques énormités (l’engagement de l’OTAN en Afghanistan qualifié d’événement historique). Derrière tout cela, on voit les habituelles pressions US, d’une part pour que les Européens viennent à leur aide en Irak, d’autre part pour que l’OTAN prenne en charge la situation à partir de juin prochain.

On observe donc un “redéploiement” de la diplomatie US autour d’un seul but : faciliter de toutes les façons possibles le retrait américain d’Irak, dans le but de faciliter la réélection du président. Sur place, les soldats américains limitent au maximum leurs sorties physiques, de façon à réduire leurs pertes. La “stratégie” US de frappe massive par des moyens mécaniques (avions, blindés, etc) lors d’une attaque rebelle est utilisée à fond. Là aussi, elle permet de réduire les pertes (US, s’entend, les Irakiens, surtout les civils comme d’habitude, essuyant les plâtres)

Tout cela reflète parfaitement le comportement d’une administration dont l’essentiel de l’énergie, voire toute l’énergie est orientée vers le but politique de la réélection. Il s’agit effectivement d’une administration qui, comme le précise Paul Krugman, lorsqu’il s’agit des affaires publiques, « governs as if there's no tomorrow ». L’auteur Ben Rich exprime une analyse très spécifique de l’administration GW Bush, de cette façon qui découvre l’organisation structurelle de cette administration :


« This has been the most political White House in American history ( I should know, I'm writing a book of American History and I've had to research every last one of the sons of bitches-turns out there were about three good administrations since 1801). By 'political', cher lecteur, I don't mean this White House contains an unusual proportion of politicians, although White Houses do contain on average more politicians than, say, a circus or a gynecologist's convention (excluding Bill Frist). Rather I mean that the motivations of this White House are predicated entirely on political means and motives. It has no public policies except those based on political advantage. Crush opposition, ram through personal agenda, sodomize public, rinse and repeat. There is no legacy here, except the legacy of wealth the ultra-rich are accreting under cover of confusion. What we have is a machine entirely devoted to self-perpetuation. It cares nothing for cost. It cares nothing for environmental impact, workplace safety, or the common good. This here machine chugs night and day, spewing fetorous Hadean reeks, making more of itself. Dr. Seuss warned us this would happen, but we grew old and forgot. »


Ces précisions ramènent à ses vraies dimensions l’“offensive” de séduction de la diplomatie US. Elle ne correspond à rien de diplomatique et n’implique aucun changement de politique que ce soit. Il s’agit d’une mesure de pure politique politicienne, prise sous l’impulsion des plans de campagne (de réélection) de Karl Rove, le conseiller du président pour les questions de communication.

La diplomatie US est entrée en hibernation. Elle est devenue une affaire technique : comment faire pour écarter un impact défavorable de l’Irak sur la campagne électorale ? Il s’agit évidemment de l’administration la plus nihiliste qu’aient jamais eue les États-Unis.

Les Européens doivent en profiter le plus cyniquement possible, s’ils sont capables d’un tel réalisme : en accélérant leur processus de formation d’une défense européenne. La bureaucratie américaine de sécurité nationale est furieuse et fait pression sur l’administration pour qu’elle bloque ce processus mais l’administration refuse parce qu’elle a besoin des Européens pour l’Irak.