Retour de flamme et de sanction, d’Iran en Mer du Nord

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Retour de flamme et de sanction, d’Iran en Mer du Nord

Le gouvernement britannique a introduit d’urgence, fin juin, une demande de dérogation à la Commission européenne, par rapport à la réglementation des sanctions contre l’Iran qui est ouverte depuis octobre 2010 et ne cesse de s’alourdir (il s’agit, pour être précis, de la réglementation 267/2012 à laquelle se réfèrent les Britanniques). La demande concerne le champ d’exploitation gazier de Mer du Nord, dit Rhum North Sea Gas Field. L’exploitation fait l’objet d’une joint venture à 50-50, entre BP et l’Iranian Oil Company (UK) Ltd, filiale britannique de l’IOC iranienne. L’arrêt de l'exploitation du champ avait été décidé à la suite du train de sanctions anti-iraniennes adoptées par l’Union Européenne en octobre 2010.

Les derniers contrats d’entretien de sécurité du champ passés pour 2012 arrivent à expiration. Les sociétés de maintenance et de sécurité refusent de renouveler ces contrats parce qu’elles craignent de contrevenir aux nouvelles sanctions décidées au début de l’année, et d’être lourdement pénalisées. La communication du gouvernement britannique précise : «It means that UK will be unable to guarantee the safety of Rhum and we face the risk of a severe environmental disaster in the North Sea»

Les Britanniques estiment qu’il existe deux solutions à cette situation, et qu'une décision doit intervenir très rapidement. (Ils jugent une réponse nécessaire pour la fin de ce mois.) :

• Détruire le champ d’exploitation, parce que les conditions actuelles de haute pression et de haute chaleur des équipements et emplacements d'exploitation ne peuvent être maintenues en l’état, sans entretien et mesures de sécurité, sans faire courir un risque considérable. «It would be a hugely disproportionate response to EU sanctions», estiment les Britanniques : destruction de l'infrastructure générale du du champ, destruction des installations appartenant aux parties impliquées, risques de poursuites diverses à cause des dégâts causés, etc.

• La deuxième option, évidemment favorisée par le gouvernement britannique, est que ce gouvernement prenne temporairement le contrôle administratif du champ d’exploitation et des équipements, et garantisse aux contractants chargés d’entretenir le champ et d’assurer sa sécurité qu’ils ne courent aucun risque de sanctions. Pour cela, une dérogation est nécessaire, de la part de l’UE par rapport à sa propre réglementation des sanctions. (Le cas peut également se présenter par rapport à la législation US, qui est spécifique et s’estime, comme on le sait trop bien, compétente sur tous les cas liés aux sanctions contre l’Iran.)

Il s’agit d’un cas intéressant et typique de l’imbroglio et des effets pervers, du point de vue de ceux qui mettent en place les sanctions, du régime de contrainte en train d’être établi à l’encontre de l’Iran. Les nouveaux trains de mesures adoptés depuis le début de l’année (embargo sur le pétrole, avec un grand nombre de mesures d’accompagnement) ont créé une situation extraordinairement complexe, avec un très grand nombre de cas spécifiques qu’il est difficile d’identifier en théorie et qui s’imposent à mesure qu’ils apparaissent au fil des décisions prises dans le cadre d’une évolution naturelle des situations nouvelles créées par ces interférences. (C’est le cas pour la demande britannique, qui a été introduite d’urgence et qui s’évalue sur une question de jours, parce qu’il n’a pas été possible de prévoir le cas d’une façon planifiée.) L’enchevêtrement est multiplié par la conjonction des trains de mesures en Europe et aux USA à la fois. L’interpénétration des intérêts, des associations conjoncturelles facilitée par la globalisation, où l’Iran se trouve souvent associé à des pays du bloc BAO où la réglementation des sanctions est mise en place, multiplie encore la complexité.

On assiste ainsi à un phénomène de “globalisation” des effets des sanctions, c’est-à-dire une “globalisation négative”, – non pas un retour sur la dynamique de la globalisation mais un entraînement selon les lignes de la globalisation des problèmes soulevés par les sanctions, et touchant tous les acteurs de la globalisation sans discrimination entre “gentils” (pays du bloc BAO) et “méchants” (les Iraniens). Le phénomène joue à plein à cause du radicalisme et de la gravité des sanctions décidées par les pays du bloc BAO. De plus, il s’agit d’un phénomène fractionnel et cloisonné, comme l’est elle-même la globalisation, échappant à une coordination et une réglementation générales, éventuellement régaliennes, des autorités politiques. Les problèmes se découvrent les uns après les autres, à mesure que les contractants privés les découvrent eux-mêmes, hors de toute approche générale et coordonnée. Cela signifie qu’il est très loin d’être assuré que ces problèmes vont se réduire une fois la mise en place des sanctions effectuée au travers des réglementations, qu’ils pourraient au contraire se multiplier. C’est l’argument des partisans de la globalisation qui se retourne : ces partisans de la globalisation ont toujours travaillé à écarter le plus possible les réglementations et les régulations, par souci pratique mais aussi par choix idéologique forcené, selon l’argument que ces interventions des autorités agiraient comme des entraves et des complications pesantes sur le dynamisme des échanges (tout cela, avec le succès qu’on connaît aujourd’hui et qu’on mesure chaque jour). Cette déstructuration consciente et systématique des voies et moyens de contrôle des échanges et des relations économiques présente aujourd’hui ses graves inconvénients en présence d’un phénomène politique (la politique des sanctions) d’une très grande intensité (l’embargo sur le pétrole iranien depuis le début 2012), qui requiert une soudaine “restructuration” de cette situation pour pouvoir tenter d’en apprécier toutes les conséquences. On suivra avec intérêt et une certaine ironie chaleureuse les étapes et les éventuels résultats de cette dynamique de complète inversion du phénomène idéologique sacrée de la globalisation.


Mis en ligne le 6 juillet 2012 à 16H52

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