Retour de l’option de l’attaque de l’Iran

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La politique extérieure des USA, si on peut nommer cela “politique extérieure”, est désormais repartie dans la spirale des surenchères maximalistes qui est essentiellement la marque de son désordre. Cette fois, il s’agit d’un rapport du type affectionné à Washington, dit “bipartisan”, comprenant deux sénateurs, l’un de l’aile démocrate et l’autre de l’aile républicaine du parti unique, plus l’indispensable général à la retraite. La recommandation, c’est: des sanctions dures contre l’Iran et la préparation ostensible d’une attaque si l’Iran ne cède pas.

Bloomberg.News présente la nouvelle le 15 septembre 2009

«“If biting sanctions do not persuade the Islamic Republic to demonstrate sincerity in negotiations and give up its enrichment activities, the White House will have to begin serious consideration of the option of a U.S.-led military strike against Iranian nuclear facilities,” said the study from the Bipartisan Policy Center in Washington.

»The report was written by Charles Robb, a former Democratic senator from Virginia; Daniel Coats, a former Republican senator from Indiana who also served as ambassador to Germany, and retired General Charles Wald, the former deputy commander of U.S. European command. Their assessment comes as the U.S. prepares to participate in preliminary talks with Iran on Oct. 1 designed to gauge its commitment to address concerns about its nuclear aims.»

Les auteurs du rapport jugent que l’Iran a assez de capacités pour faire une arme nucléaire, se faisant ainsi l’écho de conclusions qui circulent au sein de l’administration Obama. («The report echoes the Obama administration’s conclusion that Iran’s atomic work is approaching a destabilizing point at which it may be able to build a bomb.») Ils jugent que le Congrès doit effectivement voter une loi, déjà proposée au Sénat, pour sanctionner toutes les sociétés non-US exportant de l’essence vers l’Iran. («The authors back a bill that would sanction foreign companies that export gasoline to Iran, if negotiations fail.») Ils proposent enfin une chronologie des pressions US à partir du 1er octobre – 60 jours, pas un de moins.

«The authors say a deadline of 60 days should be set for determining Iran’s seriousness once it commits to negotiations. If those negotiations fail, the administration should toughen sanctions and “prepare overtly for any military option.” Such preparations could include deploying an additional aircraft carrier battle group to the waters off Iran and conducting joint exercises with U.S. allies.

»In the absence of U.S. action, Israel is more likely to strike, the authors argue, saying that an Israeli strike “entails more risks than a U.S. strike.”»

Ce rapport est décrit comme significatif d’une réelle influence, réapparue comme une fusée dans les enceintes washingtoniennes. Depuis quelques jours, effectivement, l’idée d’une attaque contre l’Iran a refait surface. Il est assez difficile d’y voir une opération montée par les “usual suspects” (neocons et le reste), même si ceux-ci y prêtent main forte, mais un spasme de plus d’une politique extérieure dont le contrôle échappe de plus des mains de ceux qui devraient l’assurer. Certes, on est loin d’une menace d’attaque, au niveau officiel, mais la poussée actuelle devrait conduire à un durcissement, évidemment contre la poursuite des manœuvres de rapprochement avec l'Iran qu’Obama a tenté de lancer dans les premiers mois de sa présidence. Ce durcissement serait alors une manœuvre tactique de l’administration par rapport aux mouvements spasmodiques de l’establishment et n’aurait pour effet que d’accentuer la paralysie de la politique en cours.

Les conséquences immédiates vont être de conduire la direction militaire US à tenter de contenir cette nouvelle poussée, surtout la suggestion de concentrations de forces; la direction militaire US ne craint rien tant qu’une perspective d’attaque de l’Iran, qu’elle n’a par ailleurs pas les moyens de mener et alors qu’elle cherche à se concilier l’Iran pour la guerre en Afghanistan. Les conséquences immédiates vont être d’accentuer le trouble chez les alliés qui craignent également cette perspective guerrière; elles vont être de durcir les relations sur cette question avec la Russie, qui rejette catégoriquement une attaque, compromettant le schéma général d’amélioration des relations avec ce pays, avec l’abandon probable de la BMDE. La politique russe de l’administration BHO devient alors incompréhensible, puisque si contradictoire et autodestructrice. Par contre, une probabilité sérieuse, c’est le point du vote du Congrès en faveur de sanctions contre des sociétés non-US. Le Congrès résiste rarement à cette sorte de démonstration de force démagogique, illégale et irresponsable. Dans ce cas, on se retrouverait avec un autre cas de chamailles et de tensions avec divers pays étrangers, dont certains alliés.

Ces diverses circonstances ne font que mettre en évidence combien, en quelques mois, après des tentatives prometteuses pour se libérer du carcan de la “politique de l’idéologie et de l’instinct”, l’administration Obama ne cesse de plus en plus de se laisser enfermer dans le cadre rigide de désordre et de paralysie hérité de l’administration précédente qu’elle avait pour mission naturelle de briser. La politique générale qui est alors développée est incohérente, faite d’une succession de changements de cap sans grand sens parce qu’ils sont essentiellement inspirés par des réactions aux remous et pressions de la vie politique washingtonienne et non par la réalité des situations qu’elle prétend traiter. C’est un constat qui a une dimension structurelle, qui vaut pour toutes les politiques en cours, qui vaut également pour la situation intérieure (le débat sur les soins de santé notamment).


Mis en ligne le 17 septembre 2009 à 06H24