Révolte du F-22 : du vent, sapiens !

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 1991

Révolte du F-22 : du vent, sapiens !

Au premier abord, les spécialistes ne prennent pas l’affaire trop mal. DoDBuzz, présentant le 24 septembre 2012 l’intervention du général Hostage, chef de l’Air Combat Command de l’USAF, lors du dernier séminaire de l’Air Force Association, titre simplement que “Le F-22 favorise le cas des UAV” ; c’est-à-dire que les problèmes de l'avion de combat F-22, qui sembleraient bien être insolubles à cause du pilote qui insiste pour être à bord, constituent un puissant argument en faveur des véhicules sans pilotes (UAV et UCAV). Pourquoi cette conclusion ? Parce que le véritable problème du F-22, c’est l’homme… Sapiens ne semble pas pouvoir supporter la fréquentation du F-22, à l’intérieur de son cockpit et à ses commandes. DoDBuzz nous avertit qu’on avait vu venir le problème, mais qu’il s’avère encore plus radical : «Scientists and engineers generally agree the human pilot is the largest limiting factor in the progression of aircraft development. It appears the problems facing F-22 pilots are making that case even stronger.»

Plus loin, DoDBuzz nous rapporte donc l’intervention du général Hostage, le bien-nommé : «Gen. Mike Hostage, head of Air Combat Command, said Sept. 19 at the Air Force Association’s annual conference he isn’t so sure it’s purely a mechanical problem. He pointed his finger in another direction — the human body. “It’s not the O-box system. It’s human physiology,” Hostage said. “Now there are things within the airplane that exacerbate this element of human physiology, and the changes we are making to the plane are to lessen our susceptibility.”

»Hostage explained that Air Force investigators have tested pilots by putting them inside the centrifuge and replicated flight conditions in the F-22 in a controlled environment, and the pilots report the same symptoms. “The bottom line is it wasn’t an element in the airplane, it was human physiology,” Hostage said.»

Pour l’instant, nous dit-on, il est particulièrement difficile de dire si l’on pourrait finalement faire réintégrer au pilote le cockpit du F-22 en toute sécurité approximative ou si le F-22 a définitivement mis son veto… Dans ce dernier cas le mal serait génétique et générique, ce serait non seulement le F-22, mais tous les avions de la dite “cinquième génération” made in USA qui en seraient affectés. (Quant à la suite, “sixième génération” et le reste, passons outre pour ne pas sombrer dans le ridicule ; d’ici là…) Alors, le JSF est sur la liste de la malédiction et l’on vous dit bien qu’à la question implicite et dramatique évoquée ci-dessus, la réponse officielle est “nous ne savons pas encore”. (Pourquoi le “encore” ?)

«It’s hard to tell if the adjustments made inside the F-22 cockpit will help pilots, or if the situation Hostage is describing is one that comes when flying a fifth generation fighter jet. Air Force leaders have been repeatedly asked if they should expect these sort of problems to also occur in the F-35. Their answer is consistent: We don’t know yet.»

Là-dessus, DoDBuzz développe la question technique et bureaucratique de savoir s’il ne faut pas d’ores et déjà se préparer à passer outre et passer, dans tous les cas pour l’USAF, au “tout-drone”. Problème certes intéressant, mais que nous laissons, nous, de côté, car il y a plus urgent.

Il est tout de même à noter certaines nouvelles, avant de prendre les déclarations de l’USAF pour du comptant (notamment le “nous ne savons pas encore” concernant les limitations des avions de “cinquième génération”, ce qui laisserait un rayon d’espoir pour remettre le pilote dans le cockpit). C’est Russia Today qui nous informe d’après AP, ce 27 septembre 2012, que l’USAF était au courant des problèmes du F-22 depuis des années (depuis 2005) avant que ces problèmes ne se déclarent et, notamment, coûtent la vie à un pilote. (Spécifiquement, il s’agit de problèmes d’alimentation en oxygène du pilote, mais au vu de ce que nous dit le général Hostage, on est en droit de penser qu’il y a plus grave, qu’il a un problème d’incompatibilité fondamentale entre la machine et sapiens.)

«A group of experts calling themselves RAW-G (Raptor Aeromedical Working Group) formed a decade ago during an early stage of production to brainstorm solutions to the problem. The group presented its recommendations in 2005, and held its final meeting in 2007 before it was dissolved. The military rejected the proposed improvements to the jet’s oxygen supply and oxygen mask systems for purely economic reasons: The F-22 project was already well over budget, and there was no will to spend more on the already $190 million stealth jet. A year after the group disbanded, F-22 pilots began to complain about the infamous “Raptor cough” and dizziness while flying at high altitudes…»

Il est fort aimable de continuer, comme le fait DoDBuzz, à supputer sur les mérites comparés de l’avion piloté du drone, notamment remarquable tueur en série du président des USA. Il y a tout de même autre chose qui est en jeu, dont les commentateurs pourraient s’aviser ; et les généraux de l’USAF également, mais là, évidemment, ce serait montrer un idéalisme proche de l’utopie la plus détestable d’attendre d’un tel groupement bureaucratique, complètement dévoré par le Système, un tel sens de la responsabilité… Il s’agit simplement de la question de la “compatibilité” de la machine et de l’être humain en général, c’est-à-dire d’une des limites du développement de la technologie qui est désormais en vue, sinon atteinte.

…La question est d’autant plus vivement posée qu’on peut-être assuré à 90% (ou à 120%, si l’on est plus raisonnable) que les explications vaseuses et incomplètes de l’USAF, notamment sur la forme réelle de l’incompatibilité, notamment sur le degré d’avancement du constat à cet égard, notamment sur le degré de gravité jusqu’à l’irréversibilité qu’a atteint le problème, sont certainement tronquées et dissimulées. En d’autres termes, notre intuition soupçonneuse nous chuchoterait volontiers que l’USAF en sait beaucoup plus qu’elle ne dit sur ses propres limites et sur ce facteur de l’incompatibilité, mais qu’elle dissimule, tout comme elle a dissimulé depuis sept ans qu’elle savait parfaitement que les pilotes de F-22 se trouvaient et se trouvent devant un problème d’alimentation en oxygène extrêmement grave, qui ne tient sans doute pas au seul circuit d’alimentation mais aux conditions générales d’évolution et de contrôle de l’avion, c’est-à-dire aux limites mêmes du système du technologisme. Comment ces conditions général affecteraient-elles l’être humain jusqu’à faire envisager sa “suppression” pure et simple ? Pourquoi sacrifierait-on l’être humain au développement de la machine et aux exigences du technologisme, au lieu de freiner ce développement pour faire en sorte que la machine reste encore contrôlable par l’être humain ? Comment éviter le constat que nous sommes ainsi arrivés, dans ce domaine du Système également, à l’extrême insurmontable de la crise et à l’impasse du Progrès ? Ce n’est plus un problème pour les généraux mais un problème pour les philosophes de la technique, pour les sages de l’antique humanité, pour les métaphysiciens et ainsi de suite.

…En attendant, l’on continue à produire le JSF qui ne marche pas de toutes les façons, sans savoir, officiellement désormais, si le pilote pourra jamais y trouver sa place. Et, cerise sur le gâteau, il y a des gens, dans l’équipe de Romney et appuyés par les républicains du Congrès, qui voudraient faire redémarrer la chaîne de production du F-22. Partout règne le chaos, triomphant et dévastateur.


Mis en ligne le 28 septembre 2012 à 14H08