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1297Dans un livre publié en 1996 The Imperative of the American Leadership, un des nombreux livres annonçant la main-mise bruyante et arrogante du pouvoir américaniste sur le monde, le néo-conservateur Joshua Muravchik écrivit cette phrase étrange dans son introduction, — phrase dont il ne s'explique pas dans le reste du livre, dont il ne s'expliqua jamais depuis, nous voulons dire quant au fondement de sa signification: « Aside perhaps for the French, the only people averse to American leadership are the Amercans. » Certes, c'est le “Aside perhaps for the French...” qui doit nous arrêter.
Récemment (le 19 mai), Gareth Harding, chef du bureau européen d'UPI (cette agence de presse appartient au groupe Moon, soutien de GW Bush et proche des néo-conservateurs), publia un article intitulé: « What’s wrong with the French? ». Il y détaillait quelques aspects d'un livre (Pourquoi les Français sont les moins fréquentables de la planète [sic pour le titre]) plutôt de type fast food et pour les appétits grossiers, où les rancoeurs et hostilités diverses contre les Français sont présentées en détails, — un vrai bouquin pour arguments du “oui”. L'intérêt de l'article de Harding de dénigrement systématique des Français était qu'il commençait par trois paragraphes très court constatant que l'Europe ne peut rien faire sans la France (« The very idea of an EU without France [...] is inconceivable to supporters of further European integration. “The EU is plausible without Britain, but wholly implausible without France,” says Andrew Duff, a British Liberal member of the European Parliament. ») La veille, le correspondant à Paris du Guardian, Jon Henley, avait écrit un article foudroyant pour ridiculiser et démoniser les Français partisans du “non”, et d'ailleurs les Français en général (voir plus loin), pour terminer (derniers mots de l'article) par cette remarque en français dans le texte: « Quel magnifique pays quand même. » (Le cas de Henley indique bien le tourment de la psychologie que nous voulons illustrer; le titre et le sous-titre de l'article sont les suivants: « Alien nation — Half the French population is living on another planet in its resistance to the EU constitution » — pourquoi passer de la condamnation du comportement de la moitié d'une nation à la mise à l'index de toute cette nation? Cela nous en dit long sur ce sentiment étrange de haine-passion à l'égard de la France, qui concerne l'objet-“France” bien au-delà d'une seule circonstance de conjoncture [le référendum]).
Bref, — les Français tourmentent le reste du monde, qui voudrait bien s'abîmer dans quelque chose qui serait son illusion virtualiste mâtinée d'une douce servilité américaniste. Pourtant, le reste du monde ne peut se passer de la France. C'est l'évidence, le cas doit être soumis au psychanalyste.
... Non que les Français eux-mêmes doivent y échapper, au psychanalyste. Mais nous sommes pour l'instant dans l'Histoire et devons constater combien le monde entier maudit la France et semble incapable de s'en détacher.
Lorsque Muravchik écrit son livre, en 1994-95, effectivement le peuple américain est rétif et sa remarque se justifie. Le peuple américain connaît ce que William Pfaff identifie en 1991 comme une “crise d'identité”, qui se marque par des sondages dépressifs, des surprises politiques comme la défaite de Bush-père en 1992 suivie par l'élection d'une majorité républicaine au Congrès en 1994, contre ce président Clinton élu comme le Messie en 1992. Cette sourde mais puissante rebiffe fut brisée à l'été 1996, avec les Jeux d'Atlanta qui furent l'occasion d'une ivresse nationaliste extraordinaire, exprimée sur un mode symbolique et virtualiste, sur fond de pseudo-mobilisation contre des attentats terroristes qu'on n'élucida pas pour ne pas découvrir qu'ils étaient bidons (destruction du Boeing 747 de la TWA). On peut considérer qu'à partir de cet événement, qui enchaîna sur la réélection de Clinton, les Américains entraient dans une succession de “bulles” virtualistes à laquelle l'attaque du 11 septembre n'a pas mis fin, mais, au contraire, dans laquelle elle a imposé la sienne, plus puissante et plus fermée, plus radicale encore que les précédentes. Le jugement sur les Français, lui, reste valable, comme le montrent des événements divers et variés, dont la campagne du référendum est le dernier en date.
... Parce que, certes, désignant l'“American leadership” auquel les Français seraient rétifs, Muravchik aurait pu aussi bien évoquer cette nébuleuse du pouvoir conformiste occidental soutenue par une élite médiatico-intellectuelle qui, à certains moments, paraît interchangeable de Washington à Bruxelles, en passant par Paris. Il s'agit du même état d'esprit, du même conformisme imposé comme valeur centrale des “valeurs communes”, dans cette sorte de rassemblement des centres de puissance (on le nomma un temps “the Washington consensus”) qui ont omis de se poser la question de leur légitimité, donc de leur autorité dans le pouvoir qu'ils manifestent au travers de leur puissance.
Ce cadre bien connu, qu'il faut rappeler constamment pour offrir une interprétation juste des événements politiques, donne ses dimensions réelles à la campagne extraordinaire du référendum français, comme celles d'une véritable révolution. Pour l'instant, on ne sait exactement qui sont les Jacobins, qui sont les aristocrates, qui sont les Chouans, et si cette révolution trouvera son Thermidor. Les experts militaires américains indépendants et réformistes radicaux du groupe “Defense & the National Interest”, comme William S. Lind, ont l'habitude de désigner le pouvoir américaniste de Washington par l'expression “Versailles on Potomac”, désignant ainsi clairement le cadre et l'état d'esprit de leur attaque contre ce pouvoir. La révolte des Français pendant la campagne, y compris chez nombre de partisans du “oui” qui se forcèrent à ce vote sans croire une seconde au texte qu'ils soutenaient, fait partie des frimas de cette Révolution. Il s'agit d'une Révolution qui menace le pouvoir transnational du monde occidental, et qui n'a en réalité qu'un seul obstacle à franchir: comment s'exprimer d'une façon frappante et efficace, dans une époque révolutionnaire par elle-même, où la révolte ne peut plus s'exprimer par le désordre de la rue, où la révolte ne peut être désordre parce que son ennemi est le désordre du système?
Un affrontement entre deux volontés – D'une certaine façon, le référendum n'a été qu'un prétexte, et la campagne un champ de manoeuvre de ce prétexte. Le seul argument vrai, mais désespéré, des partisans du “oui”, — les vrais, ceux qui y croyaient, — a été de dire: le référendum est clair, vous ne devez voter que sur la Constitution et rien d'autre. On comprend cette angoisse: réduire le problème à un texte constitutionnel c'est évidemment l'escamoter, et c'est pour cette raison que nul n'a vu venir la tempête, parce qu'au départ tout le monde pensait que ce texte, — un de plus, — passerait comme une lettre à la poste. Las, ils ont tous pensé à bien d'autres choses, y compris nombre de partisans contraints du “oui”.
Il est singulièrement absurde, comme on l'a fait ici et là, de vouloir catégoriser l'événement, de l'étiqueter, de l'“empastiller” (ce néologisme signifie dans notre esprit réduire l'événement à des pastilles et il est aussi bienvenu pour sa proximité de prononciation avec “embastiller”). Découper la chose en rondelles de gauche et de droite, de libéraux et de non-libéraux, etc., est singulièrement réducteur. A faire cela, on perdra toute chance de l'embrasser convenablement et l'on n'y comprend plus rien. De même, c'est s'y perdre que de persister à en faire un événement français, réduit aux querelles de village qui parcourent depuis des lustres la médiocre scène politique française. Non, l'événement a une signification d'une très grande profondeur, qui dépasse les rangements convenus et les nationalités habituelles. C'est un événement transnational, européen par conséquent mais également global, et il répond à des tensions et des pressions de même nature. L'extraordinaire passion, à la fois des commentateurs et du public, qui a entouré et accompagné la campagne française, dans les autres pays européens importants, témoigne de ce caractère transnational. Pour la première fois sans doute de façon convaincante, l'Europe a pensé et débattu à l'unisson, et tous les citoyens des pays européens ont jugé ensemble un seul événement, et se sont passionnés pour lui.
Tout cela, en plus de la raison, invite à l'interprétation que nous tentons de donner de l'événement. Il apparaît à la fois justifié et évident d'en faire un de ces événements historiques qui, par un hasard terrestre correspondant à des tensions plus profondes et fondamentales, rejoint ces tensions pour les éclairer. La campagne du référendum, dont on voit bien qu'il est très fondé d'en attribuer l'intensité à un “hasard technique” (voir notre Analyse), a évidemment recouvert pour l'éclairer le grand débat de notre temps, le seul qui vaille. Il s'agit du débat fondamental de notre civilisation lorsque les crises et leurs aléas sont épurées jusqu'à l'essentiel; il s'agit du débat sur l'identité, du débat au coeur de la bataille entre les forces déstructurantes (en gros, la globalisation) et le besoin innée de structures qui leur résiste. C'est de cela qu'a parlé la campagne du référendum et non d'une Constitution. C'est de cela que la France a parlé à l'Europe.
Et pendant ce temps-là, — qui, pendant tout ce débat, a songé un instant, une seconde, à ce qui nous est présenté depuis quatre ans par les experts et “communicateurs” officiels (il y en a de moins en moins, il faut dire), comme la crise centrale de notre civilisation, — c'est-à-dire le terrorisme? Où sont les choses essentielles?
Il nous semble complètement inapproprié d'attendre, dans les suites de cet événement, des événements déstabilisateurs par le désordre, selon l'habituelle définition qu'on en donne. L'événement est moins annonciateur de désordres que fondateur d'une nouvelle forme d'action, une nouvelle forme d'événements, — ou bien, disons, d'événements considérés désormais comme des actes alors qu'ils ne l'étaient pas avant. Cette campagne s'est faite sans manifestations, sans proclamation, sans déploiement de foules et manoeuvres de rues.
(Comparons avec un événement auquel la campagne du référendum est souvent comparée: cette campagne s'est faite au contraire de l'entre-deux tours des présidentielles de 2002, avec Chirac contre Le Pen. Devant l'extraordinaire puissance, la profonde réalité de la tension qui a parcouru la campagne du référendum, apparaît l'artificialité des événements de l'entre-deux tours d'avril-mai 2002: à la fois l'artificialité du danger tel qu'il fut identifié le soir du premier tour, et, par conséquent, l'artificialité des réactions de foules, appels aux armes, mobilisation, etc., contre Le Pen entre les deux tours. Il s'agissait d'un immense théâtre sanctionnant un événement fabriqué de toutes pièces et vieux de vingt ans d'âge pour cette séquence d'événements, — la menace de l'extrême-droite en France, — qui a toujours eu son usage pour littéralement “détourner l'attention”, puisqu'en réalité sa fabrication quasiment inconsciente répondait à cela. Eh bien, et c'est encore une marque d'artificialité, on n'a pu “représenter” la réalité de ce montage qu'à l'aide d'événements du temps historique précédent: manifestation, “mobilisation des masses”, etc.)
La campagne du référendum, telle qu'elle s'est faite, correspond à une évolution “naturelle”, dans le sens de la logique. Il s'agit du phénomène d'une adaptation superbement réussie aux conditions imposées par le système qui s'est développé de façon radicale durant ces deux dernières décennies: système médiatique, système virtualiste, qui empêche les réactions directes comme on les connaissait avant, en les désamorçant par l'information qu'il en donne, qui est aussitôt une interprétation qui déforme l'événement et le réduit le plus souvent à la caricature de lui-même. Aujourd'hui, une de ces manifestations de rue qui, in illo tempore, pouvaient déboucher sur des violences, une révolte et plus encore, est d'abord un acte de “communication” et, par le fait, se trouve cantonnée à cela; c'est-à-dire qu'elle est par définition contenue dans des bornes extrêmement serrées et très identifiées, et, par définition, elle ne peut dépasser l'objet initial qui lui a été attribué; elle dépend d'une planification du passé, elle est par conséquent privée de capacités de surprise, de création, que ce soit par l'un ou l'autre moyen. Elle n'est plus un événement.
Certains ont fait cette adaptation inconsciemment, ou de façon inattendue, ou de façon intéressée (le Daily Telegraph du 22 mai présentant un reportage sur la Corréze: « La Correze, a lush region deep in rural France, has a proud tradition of saying No. The area refused to capitulate to the Nazis in the Second World War, its Communist resistance fighters earning it the nickname of Little Russia from the SS. »), — et la campagne du référendum a été perçue par beaucoup comme un acte héroïque de résistance. C'est bien achever la transmutation: la représentation médiatique, voire virtualiste, devenue un acte.
L' “arroseur arrosé” – La situation semble donc correspondre complètement à ce précepte fameux du vieux sage chinois que citent tous les stratèges modernistes, selon lequel il faut savoir se servir de la force de l'adversaire pour la retourner contre lui. Les populations se sont (inconsciemment) adaptées à la nouvelle situation instaurée par le système, où les événements réels sont passés au filtre de plus en plus efficace de la communication (médiatisme d'abord, puis virtualisme, qui semble être “le stade suprême de la communication”, comme le communisme l'était du socialisme). L'événement ne vaut plus que par son interprétation, son symbole, et la riposte, la résistance, doit évidemment prendre cela en compte.
Une réaction puissante et efficace aux pressions du système dépend des outils du système. On le voit bien avec l'exemple que nous essayons d'examiner par ailleurs (voir encore notre Analyse): la réaction n'a pu prendre cette forme puissante et efficace qu'à cause de l'existence des sondages, qui constituent une activité d'une des branches essentielles du système. La dramaturgie est montée à cause des sondages. La panique, l'angoisse, l'ivresse, la révolution des esprits, les hypothèses les plus folles, les “plans B” qui existent ou n'existent pas, Giscard qui se voit en George Washington postmoderne puis qui se décourage, tout cela est né et s'est développé à cause des résultats des sondages. Cet exemple puissant, dont on comprend bien qu'il est également un verrou hermétique de la situation lorsqu'il n'est pas appréhendé pour ce qu'il vaut dans l'ordre du symbolique (le résultat du sondage pris pour une situation réelle), nous indique combien la bataille publique a changé de forme. Le système a gagné puisqu'il a imposé sa forme de perception du monde, — il a gagné mais il a peut-être perdu. Le paradoxe est démocratiquement postmoderne.
Yvan Roufiol journaliste français du Figaro perdu dans les pages du Wall Street Journal et bruyamment cité par William Kristol (on en verra plus là-dessus, plus loin), écrivait le 24 mai que, quel que soit le résultat du référendum, la campagne avait déjà produit son « effet libérateur », qu'elle avait « imposé la liberté de parole dans le débat politique français. Jusqu'alors, l'oligarchie politique et le “politiquement correct” de l'effet “group-think” des médias [dites “virtualisme”, c'est plus court, — NDLR] avaient réduit au silence l'esprit critique... La révolte du peuple et son exigence de “parler vrai” ont balayé la scène politique archaïque et le “politiquement correct”. » Et Kristol de conclure cette citation et son édito du Weekly Standard du 6 juin d'un tonitruant (in french in the text) « Vive la France! ». Une Constitution européenne pour lire cela dans les colonnes de l'hebdo des néo-conservateurs, ce n'est pas cher payer.
La campagne du référendum a déchiré un voile qui obscurcissait une situation politique française et, par son écho répercuté, il s'est avéré que cette situation politique française pouvait tout aussi bien être exemplaire de la situation du monde. Le “cher et vieux pays” est encore bon à quelque chose. Bien sûr, on se pose la question de savoir si le voile ne va pas retomber. Question intéressante mais pour l'instant prématurée. Avant d'envisager une réponse, il faut observer les effets de cette étonnante “campagne de France” ailleurs qu'en Europe.
Bien, — il est vrai que le “Vive la France” de William Kristol nous a laissé une impression profonde. Dame, quand on sait ce que pensent les néo-conservateurs de la France, en régime group-think de croisière... Pour autant, le texte de Kristol ne résout rien de ce qu'on serait conduit logiquement à en attendre. Il réaffirme plus que jamais la cause néo-conservatrice et n'est pas loin de vous prouver que le “non” français est un choix néo-conservateur pour la France. Il cite bien entendu l'inévitable Sarkozy, en passe de devenir la seule référence positive connue des Américains lorsqu'ils parlent de la France. Kristol ignore bien entendu la réelle signification du référendum français, renforcé, dans son onde de choc, par le référendum hollandais.
Kristol confond tout. Par exemple, mais exemple qui nous intéresse, lorsqu'il salue la libération de l'esprit public en France de l'étouffement d'un establishment de type stalinien, et qu'il la met implicitement en parallèle avec la fin d'un anti-américanisme qui manifestement le désespère (le “non” au référendum est une chance « for wider rethinking [...of Europe’s] anti-Americanism and coolness to the cause of freedom and democracy around the world »); tout cela est de la même eau: le “non” qui attaque les vieilles structures du “modèle français”, qui prépare l'éclosion « of some fresh-thinking young (dare I call them) neoconservatives and neoliberals throughout Europe ». Il s'agit de l'étrange ignorance de ce fait qu'en Europe, et particulièrement en France, toutes les forces installées, l'establishment lui-même, nombre des partisans d'une “nécessité de dire 'oui'”, des Serge July aux Bernard-Henry Levy, — tous ceux-là sont, derrière l'apparente sophistication des salons parisiens, des partisans inconditionnels de l'américanisme et de la politique bushiste, et ils sont tous bien évidemment fascinés par le courant néo-conservateur.
L'intérêt du texte de Kristol n'est pas dans ce qu'il dit, qui est complètement à contre-sens des réalités françaises et européennes, mais dans ce qu'il exprime involontairement, venu du coeur de la citadelle de désinformation et de virtualisme qu'est Washington. Il exprime une réaction presque involontaire de libération, qui est celle qui a sans doute accompagné la démarche de nombre d'électeurs français, qui s'est retrouvée sans doute chez les Hollandais dont la sensibilité au vote français ne s'est pas traduit dans leur choix du “non” mais dans leur participation considérable. Il y a, dans le texte de Kristol, même si les arguments sont souvent sans fondement et détestables, la restitution d'un climat qui a finalement marqué les votes, qui est effectivement un climat de libération. Cela est d'autant plus étrange qu'une telle sensation nous vienne d'Amérique, parce que cette libération éprouvée par le vote ne peut être qu'un sentiment de libération vis-à-vis de l'emprise exercée par le complexe bureaucratique européen qui pèse sur les destins nationaux, et qu'en matière de bureaucratie les Américains sont encore mieux lotis que nous; et plus encore dans le cas des néo-conservateurs qui ont toujours soutenu l'affirmation de la puissance américaine sont par conséquent les partisans de cette bureaucratie. Peut-être s'agit-il de l'inconscient (celui de Kristol) qui parle. Peut-être le soutien des “néocons” à la puissance US se paye-t-il de l'étouffement venu du poids de la bureaucratie?
Les Américains et le sens du “non” – C'est entendu, les Américains n'entendent rien à l'Europe. Ils l'ont montré une fois de plus, en confondant à peu près tout, sur les institutions, les pouvoirs, les degrés d'engagement des uns et des autres, etc. Par contre, on trouve chez certains d'entre eux des commentaires montrant qu'ils ont parfois parfaitement compris, et bien mieux que la plupart des commentateurs européens, le sens réel sinon caché, mais certainement le plus significatif du “non” franco-hollandais.
Deux exemples à cet égard nous permettront de renforcer certains éléments d'explication du résultat des deux consultations des 29 mai-1er juin.
• George F. Will, l'un des plus fameux et influents commentateurs américains, n'est certainement pas un ami des Français, ni davantage des Européens lorsqu'ils veulent s'affirmer. C'est un conservateur nationaliste qui a approuvé la politique GW en Irak jusqu'à récemment. Voici son analyse sur les votes probablement négatifs des Français et des Hollandais (l'article est publié le 29 mai, avant que soient connus les résultats des deux référendums): « If the French and Dutch reject the constitution, they will do so for myriad reasons, some of them foolish. But whatever the reasons, the result will be salutary because the constitution would accelerate the leeching away of each nation's sovereignty. Sovereignty is a predicate of self-government. The deeply retrograde constitution would reverse five centuries of struggle to give representative national parliaments control over public finance and governance generally. »
• Tony Blankley, autre commentateur (moins connu que Will), conservateur également, écrit le 1er juin dans le Washington Times, — en mettant en parallèle, curieusement mais de façon éclairante, plusieurs événements de notre époque et en assimilant, de façon révélatrice, la France à l'Europe dans son entièreté: « But globalization and its reaction are the big facts of our era. The Islamist insurgency and terror is part of that reaction. Pat Buchanan's protectionism and America Firstism is part of that reaction. And Europe's vote Sunday is another form of the Great Reaction to globalization. In ways either benign or malignant, peaceful or violent, conservative or radical, the peoples of the world are beginning to defend their cultures against the cold, soulless intrusion of the globalizing leviathan. The struggle is only beginning. It will, in the end, transform our ways of life. »
Ces deux commentateurs reflètent un courant général d'appréciation qu'on retrouve essentiellement chez les conservateurs, bushistes ou anti-bushistes: d'une part la perception que la globalisation est un mouvement déstructurant qui menace l'identité et la souveraineté des peuples (ne leur dites pas que la globalisation est, pour l'essentiel, un acte d'américanisation; nous sommes là au coeur de la contradiction américaine, dans un pays où la poussée impériale est rien moins que naturelle, voire auto-destructrice); d'autre part, la perception que la souveraineté est effectivement la structure essentielle de défense des peuples contre les mouvements niveleurs qui détruisent leur identité... Comme définition du “non” franco-hollandais, devenu prestement un “non européen”, on ne peut mieux dire. Même dans les commentaires extérieurs, les scrutins européens dispensent des ambiguïtés extrêmes, celles qui caractérisent en fait les relations transatlantiques.
Avis aux modernes, aux postmodernes et compagnie, ceux qui se délectent des chiffres moroses, en général arrangés par la presse qu'il faut, sur l'état calamiteux de la France: notre époque, — votre époque, celle que vous avez voulue, — est bâtie sur la seule perception. C'est l'époque médiatique, devenue virtualiste. Seule compte la perception, et non la réalité, et le grand jeu est d'arranger cette perception à son avantage. Parfois, les grands courants historiques que Joseph de Maistre plaçait au compte de la Providence (“providentialisme”) réapparaissent et, bien entendu, devant la faiblesse de la perception à la place de la réalité ils sont alors irrésistibles.
Il faut effectivement qu'ils le soient, irrésistibles, ces grands courants, pour qu'un éminent intellectuel britannique comme Timothy Garton-Ash, pro-européen à la sauce modérément atlantiste, écrive, le 26 mai (ce qui est en français dans la citation l'est dans le texte, — jamais autant les Britanniques n'ont farci leurs textes de mots et d'expressions en français, langue dans laquelle ils excellent même s'ils s'abstiennent de le dire parce qu'on n'apprécierait pas à Washington): « Français! Françaises! Ici Londres ... Not since May 1940 has the rest of Europe looked with such attention and trepidation at what is happening in France. Sixty-five years ago, it was the future of a Europe at war that depended on the French. Now, it's the future of a Europe at peace. » Au diable le “oui”, au diable le “non”, seuls nous importent ici l'extraordinaire poids et l'extraordinaire légitimité qu'a acquis la France, en deux mois, dans la perception qu'ont les gens de l'avenir de l'Europe. La France a été réinstallée, dans la perception des gens (bis repetitat, car il ne faut pas avoir peur de se répéter) au coeur de l'Europe, comme le deus ex machina du destin européen, au moment où l'on se demande quelle forme et quel poids l'Europe aura dans le destin du monde. Cela, c'est un fait politique d'une immense importance, — puisque la politique, dans cette époque, se résume souvent à la perception.
Le référendum a remis à sa réelle place l'importance fondamentale des différentes forces dans le cadre européen, comme moteur, comme centre, comme condition sine qua non si l'on veut. Involontairement, tous les acteurs habituels du vaudeville politique européen ont tenu leur place dans cette mise en évidence de la réalité des forces qui s'exercent en réalité; ils ont ainsi confirmé la réémergence du schéma général, qui implique notamment l'absence dramatique de substance, donc de légitimité, des énormes constructions bureaucratiques dont le postmodernisme accouche, et la persistance de la légitimité dans les racines historiques des entités et communautés issues effectivement de l'Histoire, — et, à cet égard bien sûr, la France n'est pas “la Grande Nation” pour rien. Autrement dit, le référendum, par la remise en perspective prodigieuse qu'il a opéré, nous a indiqué que les schémas et les structures que nous avions déjà condamnés existaient toujours, et qu'ils s'imposaient comme premiers outils de résistance contre le mouvement déstructurant et anti-historique qui est déchaîné depuis 1989/91 ou/et depuis le 11 septembre 2001.
L'Histoire n'est pas finie – Ce qui précède nous conduit évidemment à préciser ce qui suit, par la logique de l'évidence, certes, mais aussi par celle de la mesure nécessaire entre l'accessoire et l'essentiel. Il n'est pas question ici de faire l'apologie d'“une” politique (française), d'un dirigeant et/ou homme d'État (français), — si cette chose existe encore, — ni même du peuple français, pour avoir voté comme il a voté, ou pour nous avoir offert cette exceptionnelle campagne du référendum qui doit si peu à la volonté politique (française) qu'elle n'aurait pas existé sans l'existence des sondages, — c'est-à-dire sans un mécanisme qui ne peut en aucun cas être lié à quoi que ce soit d'historique.
Il n'est question ici d'aucune apologie que ce soit, puisque rien, décidément, dans cette époque profondément inféconde, ne mérite une démarche apologétique. Il est question de tenter de distinguer si l'on ne se trouve pas dans le processus de retrouver quelques grands courants historiques fondamentaux qui sont aujourd'hui d'autant plus identifiables que le rideau de fumée de la politique terrestre et courante (française notamment) est presque translucide à force d'inexistence (sans doute est-ce la vertu de transparence dont ils se réclament tous). Pour ce qui nous importe ici, le grand courant historique dont nous parlons est celui que la France représente plus qu'aucune autre nation et aucune autre communauté, cette nation étant la “Grande Nation” parce qu'elle est la “nation historique” par essence, avec une présence ontologique du passé comme aucune autre communauté de ce poids n'en connaît. Le rôle de la France, — on dirait: rôle naturel, rôle dépassant les intentions idéologiques et la volonté politique, — ce rôle va de soi et dépasse toutes les tentatives faites pour le contenir, le subvertir et le transformer, et tentatives faites particulièrement par les élites françaises elles-mêmes, comme on a pu le voir dans leur comportement proche de l'hystérie à divers moments de la campagne référendaire.
Ce qui fut donc extraordinaire dans cette campagne, ce fut cet affrontement presque palpable, mesurable, entre le “oui” et le “non”, par sondages interposés, et ponctué par les débats de ceux qui étaient autorisés à s'exprimer. Bien entendu, ni le “oui” ni le ”non” n'importaient en substance, ni la Constitution européenne. Ce qui importait chaque jour davantage, c'était la mise en évidence que la campagne symbolisait à merveille l'affrontement gigantesque, depuis la fin du communisme et l'affirmation virtualiste de l'américanisme (l'affirmation impériale étant un fait objectif depuis 1945), entre les deux forces qui entendent imposer l'orientation de l'Histoire. Car c'est bien là la découverte de la campagne du référendum: les forces en action, qu'elles s'intitulent souverainistes, sociales, “altermondialistes”, etc., qu'elles s'intitulent même “forces de résistance”, servent objectivement, sans qu'il leur soit demandé ni leur avis ni leur consentement, d'infanterie plus ou moins légère à la force de structuration qui s'oppose de plus en plus au mouvement de déstructuration général en cours. Et le constat doit être fait que c'est la France qui offre le creuset le plus diversifié, le plus riche, le plus efficace, pour regrouper ces divers bataillons. Une fois la chose identifiée, les enjeux eux-mêmes s'éclairent et tout devient simple, de la simplicité des grands événements.
Les Hollandais se sont employés à nous faire comprendre que le vote des Français ne les avait en rien influencés. Les partisans du “oui” avaient fait de la francophobie un ultime argument de campagne. « Nous ne sommes pas une province de la France, avait dit le ministre des affaires économiques Brinkhorst. Nous sommes un pays indépendant. » C'était ainsi montrer combien le “oui” est bien relatif dans sa poussée intégrationniste, et combien l'indépendance nationale reste un argument pour toutes les saisons du monde, de George F. Will à Brinkhorst.
Certes, le pourcentage du “non” chez les électeurs hollandais n'a pas semblé varier entre le scrutin du 29 mai et celui du 1er juin; par contre, la participation a explosé, pour atteindre 62% pour un vote consultatif, performance absolument mémorable. De ce côté, notre religion est faite: c'est bien le vote français qui est à l'origine de cette explosion de la participation, parce que le vote français a dramatisé le débat, parce qu'il l'a rendu véritablement tragique. C'est en cela qu'on mesure la véritable influence: point tant en indiquant une orientation qu'en faisant prendre conscience de l'importance de l'enjeu. De cette conscience formée sortira la réalisation des nécessités de l'orientation à suivre.
De ce point de vue qui est le seul qui doit nous arrêter parce qu'il va au coeur des choses, il y a une incontestable unité dans les deux votes négatifs. Les Hollandais ne sont pas les provinciaux des Français mais ils ont les mêmes préoccupations fondamentales: la défense de leur identité, l'affirmation de leur indépendance souveraine. La Hollande est d'ailleurs un bon cas à cet égard puisqu'elle se définit elle-même, avec une certaine fierté qui n'est pas exempte d'ironie, comme “la plus grande des petites nations et la plus petite des grandes nations en Europe”. Son vote est encore plus clairement nationaliste que celui des Français, alors que la réputation faite aux Hollandais, et d'ailleurs reconnue dans leur politique officielle, est libérale, proche des Anglo-Saxons, pro-américaine. Cela ne signifie pas que telle ou telle Europe (selon la stupide classification “vieille Europe”-“new Europe”) trouve son compte dans le vote hollandais après le vote français. Cela signifie que l'unité des deux votes négatifs renvoie effectivement à l'immense bataille entre forces structurantes et forces déstructurantes, et que le “non” est effectivement une expression de la “Great Reaction to globalization” dont parle excellemment Tony Blankey. Nous sommes bien loin des concepts de droite et de gauche, d'atlantisme et d'européanisme. Nous sommes au coeur du seul problème qui importe aujourd'hui où, derrière l'apparente complexité des situations se dégage une situation générale d'antagonisme d'une pureté inégalée, renvoyant à notre histoire commune des cinq derniers siècles. Le véritable problème, le seul qui importe, c'est de reconnaître et d'identifier précisément les termes de cet immense affrontement, et de déterminer une politique en fonction de ces termes. Le vote hollandais y a contribué à sa façon, à terme de façon peut-être très importante, essentiellement s'il parvient à accélérer en Hollande une contestation inévitable de la politique suivie par l'establishment.
Tout le monde juge en termes de rapports de force, selon l'habitude du temps qui a fait de la force la seule référence. C'est un cadeau de nos amis américains. Ce n'est peut-être pas suffisant pour juger de l'évolution de l'Europe, c'est-à-dire pour l'instant l'évolution à l'intérieur de l'Europe, tant les diverses manoeuvres et les coups fourrés divers se font en fonction d'une logique tordue et parfois selon un coup d'oeil de billard à quatre bandes. Cela veut dire que nous ne nous en tiendrons pas, pour tenter de mesurer l'évolution de l'Europe et notamment le rôle de la France dans cette évolution, au concert de jérémiades et d'anathèmes qui a suivi le vote du 29 mai. D'autre part, il faut être conscient que la grandeur de l'enjeu du scrutin telle que nous l'estimons ne grandit pas à mesure des acteurs, notamment l'establishment français qui a charge de définir la politique du pays. Cela veut dire que l'inconnue subsiste, de savoir si ceux qui en ont la charge sauront d'abord distinguer puis saisir les opportunités que la France s'est ménagée d'infléchir le destin de l'Europe dans un sens plus affirmé, à la fois pour l'identité de ses composants (les nations), et pour l'orientation de la collectivité.
Il faudrait savoir, pour cela, qu'en Europe rien ne vaut, pour une puissance centrale du continent, — et Dieu sait si la France l'est, — une position défensive qui ne s'exprime qu'à force d'affirmations revendicatrices, parce qu'à partir d'elle il s'agit de promouvoir d'abord ses intérêts et sa vision propre. Le Royaume-Uni, qui est une puissance (quoique moins centrale que la France), nous l'a prouvé pendant trente ans, ne ratant la possibilité d'un triomphe à cet égard qu'à cause de l'absurde politique pro-américaniste de Blair depuis 2000-2001. Il faudrait que, paradoxalement, la France comprenne qu'elle n'est pas le destin de l'Europe mais qu'elle n'est que la France, donc que sa voie est de chercher à peser sur ce destin européen plutôt que s'y substituer en songeant aussitôt à exiger d'elle-même des concessions pour y rallier les autres. Il faudrait que la France soit plus irresponsable d'un point de vue européen, et plus responsable d'un point de vue français. Il n'est pas assuré du tout que les dirigeants français actuels embrassent cette réalité, eux qui sont habitués à mesurer la grandeur de la France dans la mesure de l'existence de l'Europe. C'est cela que le vote négatif du 29 mai leur a reproché, et non pas tel ou tel article de la Constitution.
Il faut donc s'attendre à quelques péripéties sévères avant que cette réalité finisse par s'imposer, plutôt qu'espérer que le vote du 29 mai ait transformé les perceptions. Si l'on prend l'hypothèse pessimiste de l'incompréhension des dirigeants, on dira qu'il faudra quelques sévères rebuffades subies par la France de la part de ses partenaires les plus exigeants et les plus irresponsables (notamment les nouveaux de l'Est) pour qu'elle finisse par en venir à la réalisation de sa véritable position. On l'a vu quelques jours après le 29 mai: les premières réactions de ces partenaires-là étaient déjà d'exiger plus de concessions des Français (et des Allemands) dans les domaines qui avaient directement provoqué le vote négatif du 29 mai. Le problème est bien là: quand donc la direction française acceptera-t-elle d'être en Europe un acteur comme les autres, avec comme but de tenter d'imposer ses conceptions aux autres?
Chirac saura-t-il dire ”non”? – Les votes français et hollandais ont frappé l'Europe institutionnalisée comme une catastrophe, comme un cataclysme. Ils ont exprimé d'une façon fracassante la question de l'énigme européenne, qui porte sur la possibilité ou non de l'union de l'Europe sur les bases choisies au départ du processus, avec évidemment une présomption pour une réponse si négative qu'on voit mal comment elle pourrait être renversée. C'est une question fondamentale qui existe depuis l'origine et n'a jamais été résolue de façon satisfaisante, notamment parce qu'elle n'a jamais été posée. On ne peut plus l'écarter une fois qu'elle a été exprimée, et de façon publique aussi forte qu'elle le fut les 29 mai-1er juin, — si fortement que l'identification de la question ne semble rien d'autre qu'une mise en question.
L'énigme européenne se cristallise en un homme et il devient alors lui-même une énigme de ce point de vue qu'on a d'aborder le problème. C'est le président français. Chirac est devenu naturellement la cible de toutes les attaques, puisqu'il est celui qui a déclenché la tempête de toutes les façons qu'on considère la chose et qu'il se trouve nécessairement mis au premier rang pour mater puis calmer cette tempête. Mais il n'a pas (encore?) dit un seul mot, pris une seule décision qui pourrait constituer le début de la démarche essentielle de reconnaître que la tempête qu'il a déclenchée recouvre la question fondamentale de l'unité de l'Europe, — laquelle se posait de toutes les façons, et se serait posée par un autre moyen si cette tempête-là ne s'était pas levée. C'est au niveau européen que Chirac joue son va-tout, pas au niveau intérieur où sa présidence est unanimement proclamée comme étant pulvérisée. Mais c'est au niveau intérieur, considéré comme une base de départ, que le va-tout européen doit être appréhendé, d'abord en exprimant les réelles conditions de la crise. Mais Chirac les connaît-il? A-t-il compris la réelle signification de la crise, lui qui a dit avant le vote qu' « on ne peut être européen et voter non »? C'est une partie de l'énigme.
Les premières réactions “officielles” après les deux catastrophes des 29 mai-1er juin ont été ce qu'il fallait attendre d'une catégorie sociale, celle des hommes politiques européens, marquée par le conformisme, l''égoïsme et une certaine acidité du jugement qui corrompt jusqu'à l'objet qu'il prétend embrasser. La crise montre combien l'analogie avec Maistre et la révolution est fondée, notamment les hommes de l'événement européen... (« On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes la mènent. [...] Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n'y entrent que comme de simples instruments... »). Il est donc nécessaire d'attendre que les événements illuminent eux-mêmes la réalité de la situation bouleversée.
La seule tactique de Chirac, c'est d'éventuellement pouvoir faire comme le peuple français et affirmer qu'il est prêt à dire “non”. C'est une tactique à la de Gaulle, homme qui avait compris qu'on se sert des événements plus qu'on ne les suscite, qu'on ne les “fabrique”. Il y a, dans les circonstances présente, une humilité et une simplicité nécessaires après que les peuples aient dit tout haut ce que jamais leurs dirigeants n'ont osé penser tout bas. Le comble de l'habileté serait, pour un Français, de ne rien faire et de passer la “patate chaude” à qui de droit, — à l'Anglais, naturellement...