Rice à la place de Powell : quoi de neuf ?

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Rice à la place de Powell : quoi de neuf ?


19 novembre 2004 — Avec l’administration GW Bush, reconduite le 2 Novembre, on ne va pas de surprise en surprise. Le départ de Colin Powell était régulièrement chuchoté depuis deux ans, et la rumeur de son remplacement par Condi Rice circule depuis aussi longtemps. Rien n’était acquis et, pourtant, tout se confirme.

Galvanisé par son rôle de commandant en chef depuis le 11 septembre 2001 et considérant que ce rôle a été “légitimé” par l’élection du 2 novembre, GW veut un cabinet qui soit le sien. Powell lui avait été imposé, en 2000, par les circonstances autant que par des pressions extérieures, de l’aile modérée du parti dont son père fait partie. GW n’aimait pas Powell, d’ailleurs pour des raisons très humaines (« …a president irked by the diplomat's ambivalence and popularity », écrit Maureen Dowd le 18 novembre).

Dans l’International Herald Tribune du 18 Novembre, David E. Sanger and Steven R. Weisman écrivent que « Bush had decided months ago to make no effort to retain Secretary of State Colin Powell, who had long indicated he planned to leave. A close associate of Powell said he would have stayed if asked, at least for a while. ‘He was never asked,’ the associate said. » Les mêmes sources indiquent que, lorsque Rice annonça au Président, le 6 Novembre, qu’elle restait dans l’administration, Bush lui proposa aussitôt le State Department.

Vu de la sorte, le changement dans l’équipe Bush ressemblerait, si l’on se tient à l’esprit de la chose, au Saturday Morning Massacre du 1er Novembre 1975, lorsque Gerald Ford se débarrassa des hommes hérités de l’équipe Nixon (Colby à la CIA, Schlesinger au Pentagone, Kissinger comme conseiller à la sécurité nationale), pour mettre “ses hommes” à leur place. Ce sont “mes gars à moi” clamait Ford après avoir nommé aux postes de direction ses fidèles, dont … Donald Rumsfeld et Dick Cheney.

La nomination de Rice, avec d’autres nominations dans d’autres domaines (Hadley au NSC, Gonzales à la Justice, Spellings à l’éducation), représente une (re)prise en main de son cabinet par le président. Certains jugent qu’il y a une bonne nouvelle dans la venue de Rice : « Rice is among Bush's closest advisers, so foreign leaders will at least know that her words reflect the views of the president. » (Fred Kaplan dans Slate, le 15 Novembre.) La clarté du débat en gagnera peut-être mais les tensions entre Washington et le reste du monde ne seront pas apaisées pour autant.

Quant à la cohésion du cabinet, supposée bénéficier du départ du “dissident” Powell, elle n’est pas pour autant assurée. Après les bonnes nouvelles, Kaplan nous expose les mauvaises:

« In her four years as national security adviser, Rice has displayed no imagination as a foreign-policy thinker. She was terrible — one of the worst national security advisers ever — as a coordinator of policy advice. And to the extent she found herself engaged in bureaucratic warfare, she was almost always outgunned by Vice President Dick Cheney or Rumsfeld. Last year, for instance, the White House issued a directive putting her in charge of policy on Iraqi reconstruction; the directive was ignored. If Rumsfeld and his E-Ring gang survive the Cabinet shake-up, Rice may wind up every bit as flummoxed as her predecessor. »

Rice a été placée là où elle se trouve pour satisfaire à l’ego du président et pour assurer une plus grande cohésion au cabinet. En fait, elle se trouve à son nouveau poste pour jouer le même rôle qu’au NSC, mais en-dehors du NCS, en y ajoutant la mise au pas des tendances trop modérées de la bureaucratie du State Department. Dans ce cas, pourquoi serait-elle meilleure au département d’État qu’au NSC?

Au contraire, il y a fort à craindre qu’elle fasse du département d’État une pièce encore plus faible que du temps de Powell, dans le puzzle de l’administration. A cause de cette faiblesse, les interventions et les pressions par des canaux parallèles vont se multiplier. La vulnérabilité de l’administration aux centres idéologiques et aux pressions extérieures (notamment des néo-conservateurs dans l’administration et en-dehors d’elle) va grandir encore.

On se trompe en définissant la situation de 2001-2005 comme une situation de concurrence idéologique entre les agences. Dès le départ, le département d’État fut marginalisé dans sa position modérée, comme la CIA, et l’orientation modérée mise à l’index. Le désordre de l’administration fut la conséquence de la concurrence naturelle pour le pouvoir, sans aucune connotation idéologique puisque Powell étant marginalisé, tout le monde était d’accord pour une politique extrémiste. Cette concurrence sauvage va se poursuivre et s’amplifier ; le retour dans le jeu des deux acteurs modérés remis au pas (département d’État et CIA) et nécessairement affaiblis va favoriser cette tendance au désordre.