Ron Paul, candidat favori des conservateurs US

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La Conservative Political Action Conference (CPAC) qui s’est réunie durant le week-end à Washington, a produit un résultat significatif (même s’il n’a aucune valeur formelle). Il s’agit de son sondage dit “straw poll” (“sondage-pilote”), réalisé régulièrement à l’occasion de sa convention annuelle sur le choix des militants pour un candidat conservateur aux présidentielles des 2012. Ron Paul est, de loin (avec 31%), devant Romney (22%) et Palin, le candidat favori des “conservateurs activistes”.

(Le CPAC n’a pas de lien organique avec le parti républicain ni aucun autre parti conservateur institutionnel. Sa convention annuelle représente une palette très significative du mouvement conservateur aux USA puisqu’elle comprend une représentation du parti républicain mais ne s’y limite aucunement. La convention annuelle de la CPAC est dont un événement important pour le courant conservateur. Un sondage pour une préférence pour une candidature présidentielle est notamment organisé, le “straw poll”. Ron Paul n’y avait figuré d’une façon significatives que les deux dernières années, en 4ème et 3ème position respectivement, avec 12% et 13% des voix – ce qui était alors jugé, déjà, comme un résultat exceptionnel pour cet homme perçu comme marginal.)

Le Washington Times annonce l’événement de la victoire de Ron Paul ce 21 février 2010, d’une manière mitigée.

«Texas Rep. Ron Paul won the 2012 presidential straw poll of conservative activists at the Saturday windup of the 37th annual Conservative Political Action Conference in Washington. The announcement of Mr. Paul's win was greeted with a mixture of loud jeers and equally loud cheers, illustrating the fragility – despite the conference's three days of emphasized unity – of the coalition of economic, foreign policy and traditional values conservatives on which the Republican party relies for electoral success.

»A libertarian Republican whose opposition to the nation-building foreign policy of the second President Bush and the GOP-controlled Congress, Mr. Paul, a one-time presidential hopeful, beat out other big-name Republicans, capturing 31 percent of the straw ballots cast by 2,395 registered CPAC attendees. Organizers said 10,000 people registered for CPAC this year, with exhibits, speeches and other events taking place on two floors of the huge hotel. […]

»Former Massachusetts Gov. Mitt Romney, who won the 2008 and 2009 CPAC presidential straw polls, this time placed second with 22 percent, and was followed far behind by former Alaska Gov. Sarah Palin, Minnesota Gov. Tim Pawlenty, Indian Rep. Milke Pence and former House Speaker Newt Gingrich, each in single digits.

»Mr. Paul, whose unsuccessful 2008 GOP presidential nomination candidacy saw the largest one-day fundraising total on the Internet, was the choice of a plurality of conservative activists from around the country.

»To the consternation of many conference attendees who favor a continuation of the Bush interventionist foreign policy, Mr. Paul drew a wildly cheering overflow -- and mostly youthful -- audience in a speech to more than 1,200 conservatives in the Marriott Wardman Park Hotel ballroom. […]

»There seemed to be little correlation between the candidates' straw poll standings and the audience they drew for speeches. Only Mr. Paul, Mr. Gingrich, television personality Glenn Beck and author-humorist Ann Coulter, the latter pair who are not considered potential presidential hopefuls, attracted standing-room-only crowds.»

Notre commentaire

@PAYANT Si l’on veut une preuve que la droite conservatrice institutionnelle et, par conséquent, le parti républicain, sont en aussi grand désarroi que les démocrates et ce qu’ils représentent, également du point de vue institutionnel, – nous l’avons avec ce résultat. La victoire de Ron Paul à ce sondage très indicatif du sentiment des conservateurs US, devant tous les soi-disant “ténors” du parti républicain, devant Romney, Palin, etc., met en évidence le caractère incontrôlable et imprévisible de la situation politique, et la force antisystème du courant populiste en plein processus d'affirmation chez les conservateurs. Cette victoire représente un formidable déplacement d’opinion lorsqu’on a à l’esprit que Paul réunissait 12%-13% des voix en 2008-2009 au CPAC, et des scores négligeables auparavant. Aujourd’hui, un tiers d’un échantillonnage représentatif de tout l’éventail de la droite conservatrice vote pour lui.

La popularité de Ron Paul est fondée essentiellement sur deux aspects: d’une part, son approche libertarienne d’un gouvernement central fédéral (dans le sens le plus large) le plus réduit possible, avec son hostilité déclarée et militante aux instruments oligarchiques divers de ce gouvernement, notamment la Federal Reserve; d’autre part, son hostilité pas moins forte à la politique extérieure belliciste et interventionniste… On comprend qu’il s’agit des deux piliers de l’action de l’administration républicaine de GW Bush, et, pour une bonne part de l’action de l’administration Obama. On comprend, pour faire bref, que ce sont les deux piliers tout court de la politique de l’establishment washingtonien. C’est dire si le résultat du “straw poll” de la CPAC est peu encourageant pour les républicains de Washington, et, plus largement, pour Washington en général. Ron Paul a été désigné d’abord parce qu’il est perçu comme un adversaire de Washington, du système, du centralisme fédéral et ainsi de suite.

Il ne nous intéresse guère de savoir si l’hypothèse est possible, d’un Ron Paul candidat effectif à la présidentielle. L’homme est vieux et les présidentielles de 2012 sont encore loin, – et à la vitesse où vont les événements par les temps qui courent, qui courent… L’essentiel est dans l’instant, dans ce vote lui-même, en pleine campagne électorale pour les élections dites mid-term de novembre prochain, où tous les facteurs sont insaisissables, où les grandes forces se concentrent désormais hors des normes du système (Tea Party, Ron Paul). Il s’agit d’une photographie saisissante d’une situation politique complètement instable, insaisissable et incontrôlable. La présentation mitigée du Washington Times, proche des républicains, ainsi que l’accueil également mitigé d’une assemblée où l’establishment républicain est massivement présent, sont un autre signe de cette situation.

A cette convention du CPAC, l’ancien Speaker de la Chambre Newt Gingrich, l’homme de la victoire-éclair massive des républicains de novembre 1994 mais aussi un ferme soutien de la politique expansionniste type-neocon, a annoncé un nouveau raz-de-marée républicain pour 2010 (Congrès) et 2012 (la Maison-Blanche). Possible et peut-être même probable mais pas si simple. Le résultat de la CPAC montre que les électeurs conservateurs ne sont pas plus souples aujourd’hui vis-à-vis des républicains de Washington que l’électorat du centre et de centre-gauche vis-à-vis d’Obama, qu’ils le sont même encore moins et qu’une victoire républicaine qui ne rendrait pas compte d’une façon ou l’autre de cette tension constituerait bien plus de risques que d’avantages pour les élus républicains et le système.

La colère antisystème et anti-Washington est générale. La dynamique de délégitimation du système progresse à une vitesse très grande, à mesure de cette colère qui parvient à s’exprimer par tous les biais possible. La victoire de Ron Paul au sondage du CPAC est une gifle donnée au système, qui va accentuer l’incertitude de la campagne électorale, en montrant qu’il n’y a pas un parti en déroute et un parti triomphant, mais un parti en déroute et l’autre déjà prisonnier de son possible triomphe qui aura tout l'air d'une “triomphe à la Pyrrhus”. Encore cela est-il le meilleur des cas. Il existe beaucoup d’autres possibilités et, surtout, la possibilité d’événements imprévus et déstabilisants.


Mis en ligne le 22 février 2010 à 01H38