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1875Parmi les nouvelles qui ont fleuri lors du fameux rendez-vous annuel de Davos, qui a paru bien moins fameux cette année, celle du chiffre époustouflant de l’expansion de la croissance dans le dernier trimestre de 2009 aux USA. La dépêche Bloomberg.News du 30 janvier 2010 à laquelle nous nous référons, parle, dans ce langage fleuri et triomphant qui est devenu coutumier de la description des victoires virtualistes du système depuis l'Irak en 2007, du “fourth quarter surge in U.S. economic growth”. Pour le reste, la présentation est le contraire d’être fleurie et triomphante.
«New York University Professor Nouriel Roubini, who anticipated the financial crisis, called the fourth quarter surge in U.S. economic growth “very dismal and poor” because it relied on temporary factors. Roubini said more than half of the 5.7 percent expansion reported yesterday by the government was related to a replenishing of inventories and that consumption depended on monetary and fiscal stimulus. As these forces ebb, growth will slow to just 1.5 percent in the second half of 2010, he said.
»“The headline number will look large and big, but actually when you dissect it, it’s very dismal and poor,” Roubini told Bloomberg Television in an interview at the World Economic Forum’s annual meeting in Davos, Switzerland. “I think we are in trouble.”»
Roubini prévoit que le chômage officiel US, actuellement à 10% (en réalité 17% à plus de 20% selon les décomptes réels) et toujours en hausse, va faire surgir des problèmes sociaux et politiques de grande ampleur. Il considère que si les USA ne sont plus “techniquement” en récession, ils le sont en réalité plus que jamais.
@PAYANT Qui croit encore quoi? Nous parlons de ces 5,7% de croissance record aux USA, pour le dernier trimestre de 2009, annoncés par le département du travail, comme le produit de la “faith-community”. (“Faith-community”, celle qui utilise le virtualisme à l’image de la recette GW Bush, pour changer la réalité.) En 2002, voire le 23 octobre 2004, quand nous présentions la révélation du moyen de cette nouvelle vision du monde par le journaliste Ron Suskind, certains y souscrivaient sans nuances. Mais aujourd’hui? La “faith-community” n’est plus qu’un souvenir, et ses porte-voix résonnent plutôt dans le désert.
Roubini a promptement descendu en flammes ce miraculeux “surge in U.S. economic growth”, qui vient pourtant de sources très officielles puisqu’il a été communiqué par le département du travail, c’est-à-dire par l’administration Obama elle-même. Personne n’a relevé la chose (la contestation des chiffres officiels), personne ne s’est battu pour défendre ces chiffres qui apparaissent par ailleurs, à la lumière de l’analyse de Roubini dans tous les cas, simplement indéfendables. On dirait alors que des canaux d’information différents cohabitent, comme si ces réseaux concernaient des mondes différents alors qu’il s’agit du même. L’intérêt de la crise du 15 septembre 2008 a été, à cet égard, de permettre l’installation du “réseau parallèle” à l’autre, à celui qui était en place, qui était celui de “la pensée unique” comme l’on disait in illo tempore.
Le début de l’année 2010 devait tourner une page et marquer le retour à la normalité, au rythme assez long d’une “reprise” que l’on s’accordait effectivement à juger elle-même assez lente (ou “assez longue”). C’était la thèse officielle depuis le printemps 2009 et la campagne des “jeunes pousses” de la reprise économique, conduite par Bernanke qui vient justement d’être confirmé pour un second terme à la tête de la Federal Reserve – sans doute, pour récompenser notamment ce brio du printemps 2009. Mais l’information ne suit pas cette trace et la chose constitue un phénomène important parmi les effets de cette crise. L’information continue à aller aux extrêmes, avec des conséquences intéressantes. Aujourd’hui, les analyses d’un Roubini, présenté selon les normes officielles, jusqu’en 2008, comme un économiste “dissident”, ont une place aussi importante que les analyses – quand il y en a – diffusées par les canaux officiels de l’information. Ces derniers, les canaux officiels, tentent effectivement de peindre la situation sous un jour favorable, mais d’une façon mécanique et sans véritable souci de rendre leur démarche crédible.
Le démontage de la nouvelle d’une reprise à 5,7% est une affaire assez aisée pour un économiste comme Roubini, et elle acquiert l’importance requise dans la perception dès lors qu’elle est répercutée par le “réseau parallèle”. Ce qui est également notable, c’est que l’existence de ces deux “réseaux” n’implique nullement que les médias soient eux-mêmes divisés entre les deux tendances. Le “réseau parallèle”, créé à l’occasion de la crise, est lui-même répercuté par des médias qu’on pouvait encore juger plutôt proches des thèses conventionnelles et officielles avant 9/15 (Bloomberg.News, dans ce cas).
Dans ce domaine comme dans tant d’autres, le désordre est complet. L’observation de cet épisode “reprise versus Roubini” montre effectivement, comme un résultat brut de la perception des informations, l’affaiblissement considérable de la perception et du crédit de l’information officielle. Les deux “canaux parallèles” ne sont plus du tout sur la même ligne de crédibilité. Le résultat de la crise et de toutes les péripéties qui ont suivi a montré un discrédit de l’information officielle économique à peu près équivalent à celui qui a été observé pour l’information officielle dans le domaine politique, depuis la guerre d’Irak. La ligne officielle dépend désormais de la seule dynamique bureaucratique impulsée par la politique officielle depuis le printemps dernier. Elle en a la faiblesse et ne bénéficie d’aucun renforcement courant, simplement parce que les nouvelles économiques ne le permettent pas. Le désordre dans l’économie et dans la finance est une situation officielle depuis déjà bien plus d’un an. On observe que ce désordre a totalement envahi la sphère de l’information et que les pouvoirs officiels en ont perdu le contrôle. Non seulement les directions politiques qui ont soutenu la reprise en main de la situation par les banques faillies qui sont responsables du désastre ne peuvent éviter chaque jour une mise en cause fondamentale de cette politique, mais elles ont perdu le contrôle non pas de l’information en soi mais, bien plus grave, de la crédibilité de l’information. Les pouvoirs politiques ont donc perdu le contrôle de ce qui pouvait être encore contrôlé en fait de perception de l’évolution de la situation économique et financière à venir. Les pouvoirs politiques sont nus comme des vers, dans le désordre général qu’ils ont eux-mêmes systématiquement permis de s’installer.
Mis en ligne le 1er février 2010 à 06H10