RQ-170 : d'une maquette en plastique à la CIA

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Il paraît que la maquette en plastique du fameux drone de surveillance et d’espionnage RQ-170 Sentinel a beaucoup de succès à Téhéran. C’est en effet un RQ-170 de la CIA qui a été “capturé” par les Iranien, au début de décembre 2011. Les Iraniens on investi dans la réservation et l'achat d’une de ces maquettes pour l’envoyer personnellement au président Obama. L'initiative est présentée comme une réponse à la demande du président de restitution du drone RQ-170 qui, après tout, violait certes l’espace aérien iranien, mais en toute légalité américaniste. Détail charmeur, espère-t-on à Téhéran où l’on a de l’humour : la maquette est peinte, d’une peinture dont l’on ignore si elle est absorbante des rayons radars (une des technologies stealth), mais dont on est assuré que c’est la couleur préféré du président BHO ; une couleur rose très appuyé, très sexy, très années-1960 dans le genre “make peace & love, not war”.

Russia Today détaille cette initiative hautement stratégique, le 9 février 2010.

«According to some reports the toys have already hit shelves In Tehran and carry a $4 price tag. The display of silliness has many US officials irate at the charade, but no need to get upset. President Obama will be receiving his very own custom built toy drone as well.

»“We wanted for Mr. Obama himself to have these toys and know that Iranians don't leave anyone's requests unanswered. We made the 'RQ' in pink as it is Mr. Obama's favorite color and we will send it to him via the Swiss embassy," said Seyyed Saeed Hassan-pour, head of the cultural department of the Aaye Company, to Reuters. The day of arrival was set for February 1, but no official word of Obama getting the toy has been confirmed. […]

»“We decided to show that we can deal with this issue in a very friendly and peaceful manner and put it in the playful hands of the children of Iran to pursue a 'soft war' with Mr. Obama and the US. This was the aim of producing this aircraft,” Hassan-pour concluded.»

La CIA espérait peut-être recevoir un exemplaire de la maquette mais, jusqu’ici, semblerait en être pour ses frais. Alors, elle ronge son frein en examinant, pour passer le temps, quels dégâts la saisie du RQ-170 par les Iraniens aurait causé à ses propres capacités. Cette activité ne lui apporte guère, ni détente, ni apaisement, car il s’avère bien que l’opération doit être considérée comme montrant combien les Iraniens ont agit avec célérité et avec des capacités d’intervention électronique fort inquiétantes (pour la susdite CIA). En un mot, il se confirmerait, à défaut d'informations plus précises, qu’il faut admettre que les Iraniens auraient bien réussi à prendre le contrôle du RQ-170 et qu’ils auraient ainsi récupéré toutes les données, nombreuses et secrètes, transportées par le véhicule sans pilote. C’est donc la pire des hypothèses (pour les USA et la CIA) qui devrait être acceptée.

PressTV.com, le site iranien, se fait un plaisir indiscutable de rapporter, le 10 février 2012, les nouvelles données par Fox.News à cet égard. (Le New York Post publie les mêmes informations le même 10 février 2012.)

»A comprehensive CIA investigation reportedly fails to find the cause of the US drone going down in Iran last year, raising fears that the aircraft failed to dump sensitive data. FOX News quoted a former intelligence official as saying that CIA's comprehensive, 10-week review was unable to replicate the “malfunction” that brought down the RQ-170 Sentinel drone in Iran.

»The report supports Iran’s claims that the reconnaissance was cyberjacked by the army’s electronic warfare unit and eased to a safe landing while deep in Iranian territory on December 4.

»Washington originally denied the loss of the drone before changing its story and insisting that contact was lost with the aircraft during a surveillance mission over neighboring Afghanistan. […] “Investigators were focusing on how to prevent a repeat of the incident in the future, but without the hardware or the drone - Iran refused to return it – those efforts have been frustrated,” the report added.»

Les experts de la CIA, avec leurs homologues divers, de l’industrie et des forces armées, ont été le plus loin qu’ils ont pu dans l’évaluation des conditions de l’affaire du RQ-170, de sa “capture” ou pas, de sa récupération par les Iraniens, de l'exploitation des informations et systèmes, etc. Ils sont nécessairement limités par des impondérables, notamment le fait de ne pas disposer du RQ-170 lui-même, de ne pas disposer de l’évaluation des dommages causés au système, et dans quelles conditions, etc. (Regrets étonnants dans leur ingénuité des investigateurs de la CIA, que les Iraniens n’aient pas voulu apporter l’aide qu’on leur demandait… «“Investigators were focusing on how to prevent a repeat of the incident in the future, but without the hardware or the drone – Iran refused to return it – those efforts have been frustrated,” the report added.»)

…Finalement, dans l’incertitude où elle se trouve concernant l’évaluation des capacités des Iraniens dans cette affaire du RQ-170, la CIA a choisi la pire option pour elle, qui est d’admettre que l’Iran a de réelles et dangereuses (pour les USA) capacités en matière de guerre électronique. Au reste, l’hypothèse est loin d’être la plus improbable compte tenu des circonstances de l’incident et de tout ce qui a été dit été révélé depuis, et on la tiendrait même pour la plus probable et la plus acceptable. Dans tous les cas, la réaction du service de renseignement US est logique et correspond aussi bien aux habitudes du renseignement qu’à celles du technologisme. Le 7 décembre 2011, nous écrivions dans ce sens :

«L’alarme sur les capacités des Iraniens… En général, les “experts” d’abord cités se conforment surtout aux consignes du système de la communication, dans ses aspects favorables au Système, et tendent à minimiser l’événement. On a vu également que des bémols se glissent déjà qui, au contraire, dramatisent l’aventure. Ils sont les signes avant-coureurs des réactions de la bureaucratie qui va réagir à ces bruits de la communication en se conformant au système du technologisme qui les inspirent, dans le sens de la surpuissance en tous sens, y compris celui de l'évaluation des menaces. C’est-à-dire que les hypothèses les plus défavorables vont être prises en compte, pour ne laisser rien au hasard, ne courir aucun risque, etc. Ainsi va-t-on commencer à considérer l’Iran comme une puissance aux capacités électroniques dissimulées mais extrêmement déstabilisantes, et avec une aide non moins dissimulée mais diablement efficace des Russes.»

…Cela est donc fait. L’Iran représente désormais, pour la puissance US et du bloc BAO en général, et pour le système du technologisme dont cette puissance est comptable, une énigme nécessairement dangereuse et dont le pire est à craindre. Toutes les opérations contre l’Iran (et non pas seulement celles du type RQ-170 ou associées) vont devoir prendre ce fait en compte. Cela implique d’une part des moyens supplémentaires pour une mission donnée, avec la protection de ces moyens, avec des risques d’effets pervers. (Le cas typique, déjà rencontrée, est celui des système à technologie furtive dont l’efficacité est fonction de leur isolement réduit à eux seuls, puisqu’ils sont censés être relativement indétectable par les radars ; si une protection est assurée, elle est nécessairement constituée de systèmes non-furtifs qui, eux, sont détectables par radar. Ainsi en était-il, pendant la guerre du Kosovo des bombardiers B-2. Leurs vols étaient secrets, même pour les alliés. Des sources militaires françaises ont rapporté que la mission d’un B-2 était aisément détectable par une activité aérienne inaccoutumée, dans des conditions assez spécifiques pour ne laisser aucun doute, par le seul fait que ce vol était précédé, accompagné, suivi, etc., d’une multitude de systèmes d’avions de protection non-furtifs ; cette activité inhabituelle et spécifique, très différente d’un raid normal [d’avions normaux, non-furtifs] signalait aussitôt une mission d’un B-2…) D’autre part, la situation signalée par le rapport de la CIA implique également que divers moyens jugés trop sensibles pour le risque couru ne seront pas utilisés.

L’effet dissuasif de la “capture” du RQ-170 marche donc à plein. Les Iraniens ont sans doute des capacités électroniques importantes, mais ils ont su, surtout, suivre une attitude telle qu’ils ont parfaitement réussi à faire naître la confusion chez l’adversaire. Le résultat devrait être intéressant pour eux.


Mis ebn ligne le 13 février 2012 à 06H17